Alors que le narcotrafic s’étend dangereusement sur le territoire français, quelles ripostes les autorités publiques peuvent-elles encore déployer ?

Confrontés depuis des années à un marché nord-américain saturé par l’explosion de la consommation de fentanyl, les narcotrafiquants se tournent désormais vers la France hexagonale. La grande majorité de l’acheminement de la cocaïne, la deuxième drogue la plus consommée en France, se fait par voie maritime, notamment via les Antilles françaises. Ces drogues sont vendues partout sur le territoire, touchant aussi les zones rurales jadis épargnées.

La principale cause de cette expansion est l’ubérisation des marchandises, c’est-à-dire la vente de produits stupéfiants via des plateformes numériques. Pour lutter contre ce phénomène, une loi visant à agir contre le trafic de drogue a été promulguée le 13 juin 2025. Elle permet notamment l’instauration d’un parquet national anticriminalité organisée (PNACO) dont la fonction principale sera de coordonner la lutte judiciaire contre le narcotrafic à l’échelle nationale.


Dans un rapport intitulé “L’État face à la menace liée aux trafics de stupéfiants 2025”, l’Office anti-stupéfiants (OFAST) pointe du doigt le “tsunami blanc” auquel la France est aujourd’hui confrontée. Depuis des années, la France subit de plein fouet les conséquences d’une entreprise criminelle aux rouages toujours plus complexes et sophistiqués, dont le profit annuel s’élevait à sept milliards d’euros en 2024. Cet essor est facilité par de nouvelles routes d’acheminement vers l’Europe, exploitées par une centaine d’exportateurs sud-américains. Pour satisfaire une demande de 1,4 million de consommateurs réguliers, les narcotrafiquants recourent à divers stratagèmes : l’usage de mules transportant la drogue dans leurs bagages ou leur estomac (près de 20 % des cargaisons), ou la dissimulation dans des conteneurs réfrigérés rarement inspectés. Ces méthodes leur permettent de contourner des contrôles pourtant renforcés, comme le montre la hausse de 74 % des saisies par la douane française en 2024.

Les autorités publiques ont apporté plusieurs réponses. Aux Antilles françaises, principale plaque tournante de la drogue sud-américaine vers l’Europe, de nombreux dispositifs ont été mis en place. Parmi ces initiatives figure l’opération “100 % contrôle” appliquée au transport aérien. Elle consiste à soumettre l’ensemble des passagers de certains vols ciblés à des contrôles systématiques. Expérimenté dès 2022 à l’aéroport Félix-Éboué, en Guyane, sous l’impulsion de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, ce dispositif a permis une division par dix du nombre de “mules” interceptées. Fort de ces résultats, le gouvernement a décidé d’élargir le dispositif, d’abord à l’aéroport de la Martinique en mai 2025, puis à celui de Saint-Martin.

Un protocole de coordination entre la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane a également été signé afin de créer une stratégie régionale efficace. Les résultats ne se sont pas fait attendre : depuis janvier 2025, dix tonnes de cocaïne ont déjà été saisies, soit un tiers du total de l’an dernier. Cependant, les magistrats de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) déplorent un manque d’infrastructures portuaires, réduisant l’efficacité de cette stratégie.

Représentant 75,4 % des saisies de cocaïne de 2022, les marchandises acheminées par voie maritime constituent le principal fléau des autorités publiques. Longtemps, les pouvoirs publics ont eu affaire à des structures fragmentées et peu organisées, mais ce temps est révolu. Le trafic s’appuie désormais sur un système pyramidal, structuré autour d’une poignée d’exportateurs qui contrôlent l’ensemble de la chaîne. Ce mode d’organisation favorise une professionnalisation accrue du marché ainsi qu’une intensification de la violence. Comme le souligne le rapport de l’OFAST, cette structuration engendre un “ensauvagement” généralisé du système. Avec près de 315 homicides liés au narcotrafic recensés en France en 2024, soit une progression de 60 % par rapport à 2022, la violence s’est imposée comme “contre-culture” au grand dam des populations, véritables victimes de cette généralisation du marché.

Afin de renforcer la lutte contre la criminalité, une proposition de loi portée par le sénateur Étienne Blanc (PS) et Jérôme Durain (LR) a été adoptée en juin 2025. Désormais, les trafiquants qui acceptent de coopérer avec la justice peuvent obtenir le statut de repenti et bénéficier d’une réduction de peine allant jusqu’aux deux tiers. Quant aux mineurs, si leur peine n’a pas été modifiée, la présomption de non-discernement s’applique aux moins de 13 ans, tandis que les mineurs de plus de 13 ans deviennent pénalement responsables. Dans le même registre, le délit de recrutement de mineurs est désormais sanctionné de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Malgré ces mesures, il reste difficile de prévoir l’efficacité qu’aura l’ensemble de ces dispositifs dans la lutte contre les narcotrafiquants en France.

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