Argentine-Angleterre 1986 : comment Maradona a pris les armes pour laver l’humiliation des Malouines ?

22 juin 1986. Midi sonne, Argentine-Angleterre débute : Mexico retient son souffle pour ce quart de finale de coupe du monde de football. Le temple de l’Azteca déborde, et dans ce vacarme, la revanche des Malouines se rejoue. Quatre ans plus tôt, l’Argentine, aux mains d’une junte militaire aux abois, tente son dernier coup d'éclat : envahir un archipel au large de l’Amérique du Sud pour repeindre la honte des tortures perpétrées par la dictature. Territoire britannique depuis le XIXe siècle, les Malouines ne restent qu’un rêve argentin. Mal préparée, l’Argentine fut humiliée et cherche encore à laver son affront. Sous les chants enfiévrés des hinchas, Maradona devient alors l’espoir de tout un peuple. Car l’histoire n’oubliera jamais les 649 soldats argentins tombés sous le feu des canons.

Dès le coup d’envoi, l’Albiceleste donne le ton du match : chaque touche de balle déchire le silence du passé. Pour Diego, la politique n’a jamais quitté leurs crampons. Après une première mi-temps poussive, les hommes du sélectionneur argentin Carlos Bilardo reviennent le regard noir, la rage intacte. À la 51e minute surgit le premier coup de tonnerre du génie argentin : après un une-deux avec Valdano, le ballon s’élève, promis aux gants de Peter Shilton. Mais Maradona, pourtant plus petit de vingt centimètres, s’élance et d’une main divine devance le gardien anglais pour pousser le ballon au fond des filets. Tromperie évidente ! Mais il n’y avait pas meilleure humiliation. Les hommes de Bobby Robson sont fous de rage… mais l’arbitre de la rencontre Ali Bennaceur valide le but à la surprise générale, sûrement trompé par la joie authentique des Argentins. Un geste qui choque mais qui se comprend comme un cri de résistance, un doigt d’honneur lancé contre la dictature et à l’Angleterre. 55e minute : El Pibe de Oro conquit le stade, mais cette fois-ci par sa classe. Parti de son propre camp, Maradona déjoue un double marquage d’une roulette devenue iconique, puis virevolte entre la défense anglaise avec une facilité déconcertante, avant d’effacer le malheureux Shilton d’un geste limpide.

Une peinture presque vulgaire d’une chevauchée devenue historique. Deux buts, deux visages politiques: la « Main de Dieu » comme justice populaire ; “le but du siècle” incarne, lui, la supériorité pure : l’art comme arme d’une revanche postcoloniale. Guidé par son instinct, Diego livre une prestation d’une telle pureté qu’elle devient aujourd’hui, presque indissociable de son enjeu politique. Ce match crache une revanche peut-être sale mais jouissive. Elle fait naître un nouveau héros national, un gosse des quartiers qui devient la gueule d’un pays qui relève la tête. Entre ange et démon, ce match résume sa légende. Et pour couronner sa révolte, Diego deviendra champion du monde, ici même à Mexico, faisant de son rêve de gosse une réalité. Dévoré par la rancœur, il trouva en l’Angleterre sa rédemption, le terrain lui, devenant le champ de bataille de sa propre guérison. 

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