Diktats de minceur et de jeunesse sont deux inaccessibles étoiles pour qui veut ne pas s’affamer, ou tout simplement vivre, donc vieillir. La femme tend vers ce double soleil ; telle Icare, elle étend ses ailes cosmétiques et chute inévitablement, les produits de beauté ne pouvant tenir leurs promesses de perfection. Mona Chollet ne s’en tient pas à ce constat, elle l’explique par le matraquage marketing, la publicité insidieuse et la culture de masse qui inscrivent durablement dans l’esprit des femmes, de plus en plus jeunes, l’impératif de beauté, coûte que coûte. Et cela leur coûte cher sur le plan psychologique, parfois mises sur des podiums dès leur prime enfance, grimées et accoutrées comme des bombes sexuelles.
Mona Chollet commente deux séries : Mad Men et Gossip Girl, elle met en évidence leur grande incidence sur la mode et les habitudes de consommation des femmes. Concernant la 2nde, les personnages sont des supports publicitaires parlant, l’histoire originale ayant été vidée de toute substance, il ne reste que les enjeux narratifs mineurs, suffisamment minces pour que les spectateurs aient tout le loisir d’admirer le luxe des parures. Concernant Mad Men, la série dénonçait, au contraire, les travers de la société des années 50 où les femmes étaient réduites aux rôles de jolies mères au foyer, de faire-valoir ou de partenaires sexuelles. Le blacklash, comme retour de la pression de beauté sur les femmes, rétablit, selon elle, un ordre social patriarcal, une prison matérielle de l’apparence pour mieux les contenir et les contrôler, puisqu’elles y dépensent leur temps et leur argent au détriment d’autres domaines dans lesquels elles pourraient trouver leur place aux côtés des hommes.
L’autrice ne condamne pas la recherche esthétique en tant que telle, elle appelle « alchimie délicate de l’être et du paraître », l’attitude juste qui consiste à faire attention à son corps, à porter des « dispositifs ornementaux ». Elle dénonce le régime de la consommation qui gangrène cette alchimie par ses excès dans la recherche esthétique : l’idéal aseptisé du corps sans défaut, lisse, mince, imberbe, et paré de produits manufacturés onéreux.