Depuis le coup d’État mené par la Tatmadaw, la Chine la soutient dans le conflit qui l’oppose aux milices d’opposition. Grâce à sa supériorité militaire, notamment aérienne (dont des avions chinois, ainsi qu’à son contrôle des villes stratégiques (Mandalay, Naypyidaw et Rangoon), la junte est perçue comme le camp le plus apte à apporter la stabilité au Myanmar. Mais la Chine ne la soutient pas unilatéralement. Si cette dernière a fait pression sur « l’alliance des Trois Fraternités », qui regroupe trois armées rebelles, pour qu’elle abandonne à la junte la ville de Lashio, l’opération 1027, préalablement menée par l’alliance pour capturer Lashio, avait été autorisée par Pékin. Pour la Chine, maintenir la stabilité au Myanmar est essentiel. Pour Thant Aung Paing, chercheur au Stimson Center, « il y a peu de chance que la Chine choisisse un camp », car elle « pense pouvoir continuer ses activités peu importe qui contrôle le territoire ».
Cette quête de stabilité est motivée par les projets de la BRI au Myanmar : routes, voies ferrées et surtout un pipeline qui traverse le pays d’est en ouest. Ils forment le « Corridor économique Chine-Myanmar », qui doit désenclaver l’ouest chinois par l’accès à l’océan Indien, sans passer par le détroit de Malacca. Pékin emploie des moyens importants pour cadrer le conflit et maintenir ses intérêts. Au-delà de la dissuasion exercée sur chaque camp via le contrôle de leurs approvisionnements en armement, la Chine intervient directement dans la guerre civile. Des groupes paramilitaires privés chinois, dont les effectifs ont augmenté de 50 à 100 individus, défendent les infrastructures stratégiques[8], et le groupe ethnique séparatiste Wa est appuyé militairement et économiquement par Pékin pour sécuriser sa frontière avec le Myanmar.
Depuis l’opération 1027 (en octobre 2023) et la nouvelle stratégie chinoise du statu quo, chaque camp se trouve dans une impasse. La junte perd progressivement du terrain du fait de son manque de soutien intérieur et extérieur, tandis que la force de frappe fait défaut aux rebelles pour prendre les places fortes de la Tatmadaw. Cette situation met encore davantage en danger les civils, privés d’aide humanitaire et d’espoir de résolution du conflit.