Comment la Chine met en place une diplomatie anti-occidentale ?

Le 3 septembre 2025, le président chinois Xi Jinping a reçu 26 dirigeants étrangers, dont Vladimir Poutine et Kim Jong Un, dans le cadre des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les célébrations consistaient en un défilé militaire, clôturé par un discours de Xi Jinping. Ce dernier y affirmait le rôle prépondérant de la Chine et de la Russie dans la victoire de la Seconde Guerre mondiale, les présentant comme « la résistance [face] au militarisme japonais et au nazisme allemand, apportant des contributions déterminantes à la victoire dans la guerre mondiale antifasciste ». Ce statut de “résistant” est toujours revendiqué par la Chine dans le contexte actuel, notamment face aux États-Unis. Xi Jinping affirme que la Russie de Vladimir Poutine fait partie de cette opposition aux côtés de la Chine.

La Chine se présente dans une perspective d’affirmation des relations diplomatiques déjà entretenues. La présence de Vladimir Poutine lors de cette célébration fait écho à la venue de Xi Jinping en Russie le 9 mai 2025, commémorant la victoire russe face à l’Allemagne nazie. D’après Rana Mitter, historien spécialiste de la Chine, il s’agit pour les deux États, grâce à cette réappropriation, de se présenter comme à la tête de l’ordre mondial hérité de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le but est de contester la place de l’Occident, et plus précisément des États-Unis, comme puissance hégémonique au sortir de la guerre. Ces derniers indiquent que l’Occident ne reconnaît pas suffisamment leur implication dans la victoire des Alliés sur le nazisme. Il s’agit donc pour eux d’affirmer un rôle de pacificateur, de vainqueur. D’après Mathieu Duchâtel, docteur en sciences politiques, il est question depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, en 2013, de pousser la puissance américaine à des concessions en matière d’influence.

Le bloc mené par la Chine est également idéologique. Même si la Chine et ses alliés présentent d’importantes différences culturelles, des caractéristiques communes persistent : l’importance d’une société unie (au nom de la stabilité politique), le culte d’un idéal national, la volonté de se remettre d’une humiliation par l’Occident au siècle précédent. Certaines de ces collaborations font écho à l’Histoire même du pays, Shanghai ayant bénéficié de l’aide de l’URSS dès 1954, à l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en Chine. Celui-ci partage d’autres collaborations plus récentes avec des États s’étant déjà positionnés contre une « hégémonie » américaine ou l’un de ses pays alliés. C’est le cas de Kim Jong Un, ayant connu des tensions avec Donald Trump dès 2017, ou encore du président iranien Massoud Pezechkian, impliqué dans les tensions irano-américaines de mars 2025. En Europe, elle entretient des relations avec des dirigeants pro-russes comme les présidents serbe et slovaque, Aleksandar Vucic et Robert Fico. Tous étaient présents lors du défilé militaire.

On observe que la Chine utilise cette célébration à des fins diplomatiques, dans le but d’affirmer l’existence, et plus précisément le renforcement, d’une alliance face à l’Occident. Cette rencontre est un moyen pour elle d’affirmer ses prises de position dans un contexte de tensions internationales qui redessinent les collaborations interétatiques. Le fait que ces rencontres se déroulent dans le cadre d’un défilé militaire indique que la Chine souhaite se présenter comme chef de file de ce mouvement, sa légitimité reposant sur sa puissance militaire. Xi Jinping a présenté lors de cet événement des armes à la pointe de la technologie, notamment des équipements anti-drones. Le but est de présenter une armée prête à se défendre en cas de conflit armé, voire d’attaquer en cas de tensions vives. Donald Trump a réagi face à cette démonstration de pouvoir sur son réseau social Truth. Sa réponse illustre les tensions toujours perceptibles contre cette collaboration : « Veuillez transmettre mes salutations les plus chaleureuses à Vladimir Poutine et Kim Jong Un pendant que vous conspirez contre les États-Unis d’Amérique ».

Pourtant, divers éléments viennent nuancer cette impression de clivage complet entre deux blocs distincts. Si cette rencontre reste une avancée dans l’affirmation d’une collaboration interétatique, elle ne demeure encore que symbolique. Aucune mesure ni même aucun chef d’État n’a été cité dans le discours de Xi Jinping. Cela signifie qu’il ne s’agit encore que d’un outil de dissuasion, pas d’une offensive ou de tensions directes. Cette rencontre reste spectaculaire mais ne constitue pas un élément à situer dans un conflit précis. Le fait de présenter un défilé militaire et d’y inviter des chefs d’État alliés ne se limite pas à un contexte de guerre, ni même de tensions. La Russie et les États-Unis ont respectivement réalisé des défilés militaires. Le 8 mars 2025, la Russie avait organisé une parade mettant en scène ses dernières innovations militaires. Le 15 juin 2025, c’était au tour des États-Unis de présenter son armée, officiellement dans le cadre de la célébration des 250 ans de l’armée de terre.

Cette présentation est donc essentiellement symbolique. La Chine déploie principalement son influence dans d’autres domaines. C’était le cas les jours précédant le défilé, où la Chine a organisé la coopération de Shanghai, une organisation politique, économique et commerciale. Les membres de cette organisation se concentrent essentiellement en Asie, bien que des États du Moyen-Orient comme l’Arabie saoudite en soient membres observateurs. Elle permet à la Chine de développer son influence aussi bien économique que commerciale. Cette collaboration est un atout dans son projet des Nouvelles Routes de la soie. Cela ne remet pourtant pas en question les relations économiques et diplomatiques entretenues avec le reste du monde. Il existe toujours des collaborations commerciales entre la Chine et l’Occident. C’est par exemple le cas avec l’Union européenne, qui collabore avec elle aussi bien en termes d’investissements, de délocalisation de grandes entreprises ou de collaboration scientifique. Ce défilé ne marque pas une rupture dans la diplomatie chinoise, il n’est que l’expression d’une volonté d’affirmer sa puissance au sein d’un nouveau groupe.

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