Le front culturel de la guerre est mis en avant par Leila Ibrahimova, directrice d’un musée pillé, qui déclare, à propos du gouvernement russe, qu’« ils disent que l’Ukraine n’a pas d’État, pas d’histoire. Ils veulent simplement détruire notre pays », faisant écho à Vladimir Poutine qui affirmait : « je ne renierai jamais ma conviction que Russes et Ukrainiens forment un seul peuple ». Pour Vincent Négri, chercheur au CNRS, la Russie mène une politique volontaire de destruction du patrimoine ukrianien en soulignant qu’« il s’agit […] d’effacer la culture d’un peuple ou d’une identité ». Un pillage marquant perpétré par des soldats russes fut celui des deux principaux musées de Kherson à l’automne 2022, où des milliers de peintures, dessins et objets de grande importance ont été volés. Cet événement est présenté comme « le plus grand vol de musée depuis la Seconde Guerre mondiale », durant laquelle les nazis avaient pillé des œuvres dans toute l’Europe. Les pièces de Kherson auraient été transportées en Crimée annexée et exposées dans des musées russes, selon les autorités ukrainiennes . L’UNESCO estime que la guerre en Ukraine a causé environ 3,3 milliards d’euros de dommages au patrimoine et au secteur culturel de ce pays.
Face à cela, un marathon est lancé pour protéger le patrimoine. L’UNESCO a entrepris en février 2024 une évaluation préliminaire des dégâts infligés aux biens culturels, en s’appuyant sur les dispositions de la convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. En deux ans, elle a observé que 343 sites culturels avaient été touchés. Cette évaluation est capitale pour une éventuelle incrimination pour crimes de guerre au sens de l’article 8 du statut de la Cour pénale internationale.
La lutte pour la préservation du patrimoine n’a pas lieu qu’au niveau institutionnel : des entrepôts secrets et protégés par des artistes abritent des dizaines de milliers d’objets culturels menacés. Par exemple, le bunker d’Alona Karavaï, membre du collectif d’artistes Asortymentna Kimnata qui protège les œuvres d’art, rassemble de nombreuses collections provenant de toute l’Ukraine. Le collectif a réussi à évacuer 1 500 œuvres du pays en l’espace de trois ans pour les protéger. Ces évacuations sont souvent « chaotiques » et « à la James Bond », car considérées comme clandestines, sans l’accord des autorités.