Comment l’association des jardins familiaux de Versailles maintient et renouvelle-t-elle une tradition ancienne de plus de 120 ans ?

L’association des jardins familiaux de Versailles et des communes environnantes (AJFVCE) fait perdurer une pratique née il y a plus d’un siècle. Activité contemporaine, associative et écologique, le jardinage dans ces structures, souvent méconnues du grand public, gagne en visibilité grâce à des mises en avant sur le site officiel de Versailles, par exemple lors des journées européennes du patrimoine.

L’association obtient la labellisation « Jardin remarquable » pour le site Paul Philippe en décembre 2014, accueille des événements culturels tout au long de l’année sur ses différents terrains et publie en 2023 un livre consacré aux 120 ans d’existence des jardins familiaux de Versailles sous la direction conjointe de l’historien Pierre Desnos et de l’illustratrice Raphaële Bernard-Bacot.


Les jardins familiaux, héritiers des jardins ouvriers apparus au XIXe siècle, sont des ensembles de parcelles individuelles administrées par une association. Ils appartiennent ainsi à l’appellation « jardins collectifs ». Les particuliers ne peuvent utiliser ces parcelles à des fins commerciales, leur usage étant strictement personnel en raison de la mission historique de l’association. Celle-ci est d’aider la classe ouvrière « en mettant à leur disposition, gratuitement, des terrains pour y cultiver des légumes [pour] subvenir aux besoins du ménage ».

Moyennant une cotisation annuelle, les habitants de la ville de Versailles peuvent bénéficier d’une parcelle de 100 à 200 m² sur l’un des trois sites présents à Versailles : le site Paul Philippe (Petit-Bois), la Ménagerie ou le Clos Saint-Antoine. Le premier regroupe 81 parcelles d’environ 100 m², tandis que la Ménagerie comprend moins de parcelles mais de plus grande superficie : 34 parcelles de 150 à 200 m². Le Clos Saint-Antoine est le site le plus récent, ne comportant que 8 jardins de tailles similaires à celles du site Paul Philippe.

Pour y accéder, les Versaillais doivent passer par un processus de sélection strict : rédiger une lettre de motivation, assister à une réunion d’information et attendre une réponse, la demande étant forte. Les jardiniers restant souvent plusieurs années sur leur terrain, la rotation est faible. L’attente peut ainsi durer plusieurs années avant d’obtenir un petit bout de verdure en ville.

Après avoir rejoint l’association, les nouveaux jardiniers doivent respecter les règles établies, veillant à éviter toute monétisation afin de conserver l’esprit originel. Ils versent une caution de 160 € et s’engagent à effectuer certaines tâches mutualisées. Le positionnement des sites dans différents quartiers de la ville les rend accessibles au plus grand nombre.

L’association adhère à des valeurs et principes écologiques qui se manifestent à travers divers projets et politiques. L’AJFVCE met notamment en œuvre un processus de récupération d’eau de pluie afin de limiter la consommation d’eau potable de la ville. Elle encourage la biodiversité (abeilles, insectes, oiseaux) au cœur de Versailles tout en transmettant de bonnes pratiques aux adhérents, telles que le compost collectif, le paillage ou l’usage de semences variées. Les parcelles remplissent le rôle de « corridors écologiques » insérés dans le tissu urbain et deviennent des refuges pour la biodiversité locale. L’association incite aussi à privilégier des variétés anciennes ou locales.

Ces jardins sont gérés par une association « loi de 1901 » fondée en 1903 et intitulée « l’œuvre des Jardins ouvriers de Versailles et des communes environnantes ». L’AJFVCE fonctionne sur la base du bénévolat et d’une gouvernance collective à travers des conseils d’administration et des assemblées générales. Elle ne se contente pas d’administrer et d’attribuer des parcelles : elle fait aussi la promotion de son action auprès du grand public. Outre la mise en avant du label « Jardin remarquable », elle organise des événements tels que des visites et des animations autour du potager pour tous les âges. Elle promeut ainsi la culture à Versailles par la sauvegarde de ses jardins et renouvelle l’intérêt pour une pratique centenaire.

Le site devient un outil de mémoire vivante : on ne se contente pas d’y jardiner, on y vit une histoire enracinée depuis plus d’un siècle. L’impact social est réel : l’association constitue un véritable lieu de rencontre brisant les barrières générationnelles et sociales, offrant à des quartiers denses un vent de fraîcheur. C’est un espace où se croisent retraités, familles, jeunes couples et habitants de diverses origines, apportant une véritable mixité à la ville. Les enfants y découvrent directement la nature, loin des écrans et du béton, même lorsqu’ils grandissent dans des quartiers urbains très peuplés.

Cet espace rassemble et crée un lien social fort autour du partage de savoirs « oubliés », transmis entre générations. Grâce au partenariat de l’association avec des groupes scolaires, un échange supplémentaire s’instaure : élèves et jardiniers se rencontrent dans ce lieu particulier qu’est le jardin. Terreau de l’imagination, celui-ci permet aux écoliers d’écrire des textes inspirés de leurs rencontres avec les jardiniers des jardins familiaux de Versailles. Ces textes sont publiés sur le site de l’association, dans un cycle vertueux de mise en avant des talents de chacun.

Les jardins deviennent ainsi de véritables lieux pédagogiques où des personnes de tous âges apprennent à utiliser les cycles naturels, à comprendre la valeur de la terre et à expérimenter pour acquérir une compréhension plus profonde et personnelle de la nature. Chacun apprend à être redevable face aux produits de la terre consommés, dont les processus de fabrication restent souvent méconnus.

Dans un monde marqué par l’individualisme, les crises écologiques et sociales, ces espaces réintroduisent la solidarité et le vivre-ensemble. Ils rappellent un temps différent : celui de la terre et des saisons. Les associations autour des jardins ouvriers et familiaux continuent de fleurir en France et proposent une solution d’avenir aux villes toujours plus densément peuplées et urbanisées.

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