Le M23, ou Mouvement du 23 Mars, est né en mai 2012, issu d’une mutinerie d’anciens officiers congolais mécontents de l’application des accords conclus en 2009 avec Kinshasa. Après une décennie de calme relatif, le groupe refait surface fin 2021, en lançant une nouvelle offensive dans les territoires du Nord-Kivu. Entre 2024 et le début de l’année 2025, ses avancées se sont accentuées : il s’est emparé de Goma le 27 janvier 2025, puis de Bukavu en février, étendant son influence territoriale à un niveau inédit depuis 2012.
La crise humanitaire est catastrophique. Plus de 6 millions de personnes sont déplacées dans l’est de la RDC, tandis que les combats de 2025 ont généré 400 000 nouveaux déplacés, principalement autour de Goma : ces populations fuient les batailles, violences sexuelles et massacres ciblés, selon l’ONU et les agences humanitaires. Le nombre de violences contre les civils a explosé, avec des exécutions sommaires, des camps bombardés, et de nombreuses femmes et enfants victimes de violences sexuelles et d’enlèvements systématiques.
Sur le plan militaire, le Rwanda façonne activement le conflit. Selon un rapport de l’ONU relayé par France 24, entre 3 000 et 4 000 soldats rwandais ont combattu auprès du M23 dans les zones de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, avec des armes sophistiquées (lance‑missiles, blindés, formation tactique, enrôlement d’enfants), et ont pris le contrôle opérationnel du mouvement, modifiant profondément l’équilibre des forces à l’est de la RDC . Cette implication directe a conduit la RDC à accuser le Rwanda de violer sa souveraineté et son intégrité territoriale, une position soutenue par la Cour de Justice de la Communauté Est-Africaine, qui a ouvert une procédure contre Kigali pour son soutien aux groupes armés dans l’est du pays.
Les motivations du soutien rwandais au M23 dépassent la seule dimension sécuritaire, longtemps mise en avant par Kigali. Officiellement, le « pays des mille collines » affirme intervenir dans l’est de la RDC pour assurer sa légitime défense, en combattant à la fois les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les groupes armés hutus, dont certains membres sont liés au génocide de 1994 au Rwanda. Kigali cherche en réalité, à sécuriser l’accès aux minerais stratégiques (coltan, cassitérite, tungstène, or, cobalt) présents principalement dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Depuis sa prise de contrôle de la mine de Rubaya en avril 2024, le M23 prélève des taxes sur l’extraction et le transport du coltan, une pratique qui génère au minimum 800 000 dollars par mois. Ce montant correspond aux taxes imposées sur environ 120 tonnes de coltan exportées mensuellement vers le Rwanda, selon un rapport du Groupe d’experts de l’ONU relayé par l’AP News.
Le commerce illicite de ces minéraux assure à Kigali des recettes estimées à plusieurs centaines de millions de dollars par an, notamment via des raffineries rwandaises comme Gasabo Gold Refinery identifiées par l’UE comme relais de trafics transfrontaliers.
L’installation d’une administration parallèle par le M23 dans les zones occupées traduit une volonté de contrôle territorial durable plutôt que d’intervention temporaire.Les experts des Nations unies mettent en cause l’Ouganda pour avoir fourni un soutien logistique et matériel discret au M23. Selon leur rapport partagé par Le Monde, des militaires ougandais, y compris des officiers du renseignement (UPDF), seraient intervenus à Bunagana depuis fin 2023 pour coordonner avec les dirigeants du M23, acheminer des fournitures et faciliter le transit de troupes et de matériel vers l’Est congolais. Le rapport souligne un « passage régulier des troupes du M23 et des forces rwandaises, véhicules et matériel militaire via l’Ouganda », malgré les dénégations officielles de Kampala.