Né dans les années 1970 de la convergence des mouvements écologistes et féministes, l’écoféminisme a progressivement imprégné les arts visuels, dans un contexte de prise de conscience environnementale croissante. De l’Amérique latine à l’Australie, une nouvelle génération d’artistes s’empare de cette pensée pour interroger notre rapport au vivant, aux pratiques de soin et à la mémoire des êtres et des lieux. En 1973, l’artiste cubano-américaine Ana Mendieta marque le monde artistique avec sa série Silueta Series, où elle imprime la silhouette de son corps dans la terre, la boue ou les feuilles. Par cette fusion entre le corps féminin et les éléments naturels, elle explore la tension entre effacement et persistance, dénonçant la disparition symbolique des femmes, des peuples colonisés et des spiritualités ancestrales. À la frontière de l’art et de la technologie, Katherine Behar met en scène des robots ménagers transportant des plantes dans des chorégraphies absurdes. Ses installations questionnent la mécanisation du quotidien et les logiques d’un capitalisme genré et automatisé.
Nancy Macko, quant à elle, explore l’univers des abeilles, figures matriarcales et menacées. Dans des œuvres mêlant cire, algorithmes, symbolisme ancien et mémoire écologique, elle établit un lien entre nature, science et sacré. Selon PCA-Stream, agence d’architecture et plateforme de recherche qui croise les regards de penseurs, artistes et urbanistes pour imaginer des façons plus durables et sensibles d’habiter le monde, ces artistes ne délivrent pas de messages frontaux, mais inventent des formes de soin et de présence, qui agissent plus par résonance que par dénonciation. Leurs œuvres ne cherchent pas à convaincre ou à imposer un discours, mais à créer des liens sensibles, à transmettre une mémoire affective et écologique. Leurs œuvres modifient notre manière de percevoir, de ressentir, de s’attacher.
À travers Global Cows, œuvre collective présentée chez Damien & The Love Guru, la maternité devient pouvoir démiurgique et lien vital avec le vivant. Beaucoup travaillent avec des matériaux biodégradables ou organiques, cheveux, pollen, terre, bois flotté, coquilles, feuillages, dans une logique de réparation symbolique. En Australie, le collectif FEM‑aFFINITY mêle art, handicap et altérité dans une approche inclusive. En France, des lieux comme le Crédac, DOC! ou la Villa Belleville valorisent ces démarches fragiles, hybrides, poétiques. Ensemble, ces pratiques dessinent une autre manière d’habiter le monde, en lien avec le vivant et contre les logiques productivistes.