De 1970 à 1998, Prabowo Subianto, général sous le dictateur Suharto, est accusé de violations des droits humains au Timor Oriental et en Papouasie Occidentale. Il est également impliqué dans l’enlèvement et la torture de militants pro-démocratie opposés au régime de Suharto. En 1998, Prabowo est contraint de quitter l’armée et s’exile en Jordanie en 2000.Malgré son passé controversé, Prabowo Subianto s’est présenté deux fois contre Joko Widodo, d’abord en 2014 comme nationaliste conservateur puis, en 2019, il se présente comme défenseur de l’islam radical. En 2024, il change radicalement de stratégie. Sa victoire repose sur une communication habile et une maîtrise approfondie des réseaux sociaux. Il se présente sous l’image d’un grand-père charmant sur Tiktok, réussissant à adoucir son image. TikTok est le réseau social le plus utilisé par les jeunes en Indonésie, un pays où 56 % des 204 millions d’électeurs susceptibles de voter ont entre 17 et 40 ans. Lors de cette campagne présidentielle, les réseaux sociaux ont connu une forte polarisation. Son rival, Anies Baswedan, utilisait principalement X pour défendre sa candidature, un réseau moins populaire en Indonésie.
Prabowo a déplacé l’accent vers son image personnelle,résultat d’une stratégie de communication conçue pour toucher la génération Z, qui n’a pas de souvenir direct des scandales passés. Selon Ary Hermawan, chercheur en populisme numérique, c’est ce que l’on appelle une technique “d’astroturfing”. Il s’agit de campagnes de manipulation de l’opinion visant à faire croire à l’émergence d’un mouvement populaire spontané, alors qu’en réalité, ce mouvement est orchestré de manière artificielle. Pendant la campagne de Prabowo, un grand nombre d’utilisateurs de réseaux sociaux, surnommés « buzzers », étaient des travailleurs numériques rémunérés par les soutiens du candidat pour diffuser du contenu pro-Prabowo.
La campagne de Prabowo illustre une manipulation narrative qui modernise la dictature. C’est une stratégie de plus en plus courante chez les dirigeants autoritaires, qui utilisent les réseaux sociaux pour cultiver leur image, comme Nayib Bukele, président du Salvador, qui s’auto-surnomme « le dictateur le plus cool du monde » et est très actif sur X.