Ce concept de l’acceptation de l’imperfection tire son essence de la cérémonie du thé (茶道 – chadô), un rituel très codifié dans la culture japonaise. Au XIVe siècle, le rituel se veut prestigieux et perfectible. Le moine zen Murata Shuko (1422-1503), considéré comme le père de la cérémonie du thé japonaise, initie l’utilisation privilégiée d’ustensiles locaux, et surtout artisanaux. Sen no Rikyu (1522-1591), maître de thé, quant à lui, révolutionne l’esthétique japonaise et base le mode de vie sur le principe de simplicité, d’humilité et de spiritualité. Les objets de cette cérémonie chadô se distinguent par leurs imperfections : le concept de wabi-sabi qu’on connaît est né. Par exemple, la poterie Rakuyaki (楽焼き en kanji), en faïence émaillée à la main et irrégulière, incarne une imperfection authentique.
De nos jours, on retrouve aussi ce concept dans les jardins zen, avec la culture esthétique de l’harmonie naturelle. L’exemple le plus parlant de la métaphore du wabi-sabi est le Kintsugi (金継ぎen kanji), cet art de réparer des bols, des tasses avec de l’or sans masquer les fissures. Ce qui permet dans un sens de trouver un équilibre et de faire contrepoids à la surconsommation et l’excès, dans notre société actuelle. En dehors des créations humaines, le wabi-sabi se ressent tout aussi bien dans notre rapport à la Nature. D’après une légende, un étudiant nettoya le jardin parfaitement, mais Sen no Rikyu le réprimanda.
Ce résultat est antagoniste à l’esprit wabi-sabi ; un jardin “propre” accepte ce que la Nature a fait. Cet appel à une vie simple et éphémère, vient “bousculer” notre rapport à notre image et de sa mise en scène dans une société actuelle très connectée. De plus en plus de personnes prennent le contrepied et tendent de s’éloigner de cette image beaucoup trop parfaite, où tout est calculé au millimètre près. Ce phénomène émerge de progressivement sur les réseaux sociaux et s’aligne avec le concept de wabi-sabi. Ces personnes acceptent leurs imperfections, dans un décor simpliste.