Prenant source en Afghanistan, ces fleuves offrent aux Talibans un levier pour asseoir leur légitimité interne via l’acquisition d’une autosuffisance agroalimentaire et électrique. Alors que Kaboul cherche à gagner le contrôle de ses ressources, Téhéran redoute la pénurie. En mai 2023, des tirs à la frontière illustrent les tensions croissantes entre ces deux pays.
L’Iran est frappé par un double constat : la pluviométrie ralentit, tandis que les températures sont en hausse constante. 97 % du territoire est touché par la sécheresse. Cette crise est aggravée par l’explosion de la consommation d’eau, passée de 100 millions à près de 11 milliards de m³ par an de 1979 à 2014, sous l’effet d’une croissance démographique rapide. L’agriculture, qui représente une source majeure de revenu et d’emploi, est la première victime de cet assèchement. En Iran, 80 % des réserves d’eau sont dirigées vers l’agriculture, souvent acheminées par des canaux vétustes, où plus de 40 % de l’eau est perdue par endroits. L’Iran est aussi le premier producteur de safran et de pistache, deux cultures particulièrement consommatrices en eau et souvent installées dans des régions arides, qui se retrouvent fragilisées .
De l’autre côté de la frontière, l’Afghanistan est lui aussi confronté à des cycles de sécheresse de plus en plus fréquents. L’agriculture, qui représente 34,52 % du PIB, consomme 93 % des ressources en eau tout en employant près de 80 % de la population. Affaibli par des décennies de conflits, le pays dispose d’infrastructures vétustes, incapables d’assurer une irrigation efficace. Cette défaillance fragilise l’agriculture et alimente pauvreté et migration vers l’Iran.
En l’absence d’infrastructures fiables, une part des eaux de l’Helmand s’écoule vers l’Iran au détriment de l’Afghanistan. Ainsi, dans une stratégie de légitimation, l’État afghan a appuyé de nombreux projets de construction de barrages hydroélectriques et de systèmes d’irrigation sur l’Helmand et l’Harirud. Cette gestion en amont a des conséquences économiques et écologiques sur la province iranienne du Sistan-Balouchistan, fortement dépendante aux cours de l’Helmand. Le 3 janvier 2025, le barrage de Pachdan, dans la province d’Hérat, a été la cible de protestations du ministère iranien des Affaires étrangères, qui s’inquiétait de la “restriction disproportionnée” de l’eau entrant sur son territoire. Selon l’historien spécialiste de l’Iran Jonathan Piron, sans mécanisme de consultation durable, la question de la redistribution de l’eau peut amener à un retour des violences armées.