En juin 2023, des frappes russes détruisent le barrage du réservoir de Kakhovka, inondant près de 63 000 hectares. Une population entière de poissons est décimée, ainsi que de nombreux reptiles vivant à proximité. En août 2024, des soldats russes présumés déversent cinq tonnes de matières polluantes dans la rivière de la Seym, qui contamine à son tour la Desna, au nord-est de l’Ukraine. Selon un responsable local, cette dernière serait devenue la première rivière « morte » d’Europe, et son écosystème mettra des années à se reconstituer.
Ces désastres s’inscrivent dans un contexte plus large : l’Ukraine est aujourd’hui le pays le plus miné au monde, et les métaux lourds présents dans les mines contaminent sols et eaux. À Kharkiv, des analyses ont révélé une hausse de 200 % de la pollution au cadmium, produit toxique et cancérigène. L’air est aussi affecté. Les explosions de roquettes et d’artillerie libèrent un cocktail de composés chimiques, dont des oxydes de soufre et d’azote, responsables de pluies acides nocives. Les émissions de CO2 ont aussi atteint un niveau inédit : selon une étude publiée début 2025 par The Initiative on GHG Accounting of War, le conflit a généré 230 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles combinées de l’Autriche, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie.
La destruction de l’environnement aura des conséquences durables pour les habitants comme pour les écosystèmes. Il est donc nécessaire que la restauration de la nature soit partie intégrante des plans de reconstruction. Mais qui en assurera la charge ? La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur la destruction du barrage de Kakhovka comme potentiel crime de guerre, mais pour aboutir à une condamnation, il faudra identifier les responsables et prouver une « intention » de nuire. Sanctionner de tels actes reste difficile, d’autant plus que le crime d’écocide n’est pas reconnu, comme le souligne l’experte en droit international Maud Sarliève. La justice internationale doit donc évoluer dans le sens d’une meilleure intégration des enjeux environnementaux pour permettre à l’Ukraine d’envisager une compensation des dommages infligés.