En quoi Fleabag déconstruit-elle le modèle de la « femme forte » à travers l’humour, le trauma et l’auto-dérision ?

Fleabag, créée, écrite et interprétée par Phoebe Waller-Bridge, bouleverse les codes de la “femme forte”. Loin de glorifier cet archétype, la série britannique met en scène ce personnage par l’humour et une mise en scène des traumas, comme moteur narratif en exposant ses limites et ses contradictions. En brisant le quatrième mur, Waller-Bridge offre un personnage principal vulnérable, sarcastique, sexuellement libre et profondément abîmé. C’est précisément dans cette tension entre lucidité et autodestruction que Fleabag remet en cause les attentes sociales. Elle n’est pas un modèle, et c’est ce qui en fait une figure d’identification sincère et percutante, loin de la représentation attendue des femmes à l’écran.

Diffusée entre 2016 et 2019, la série Fleabag a été écrite et dirigée par Phoebe Waller-Bridg, qui joue aussi le rôle du personnage principal surnommé “Fleabag”, bien que son nom ne soit jamais révélé. Cette série en deux saisons couvre de nombreux thèmes comme ceux du deuil, des relations familiales compliquées, de la culpabilité ou encore de la religion. En exposant sans filtre les limites de son héroïne, Fleabag déconstruit les stéréotypes féminins du cinéma, que ce soit celui de la femme “trophée” ou encore de l’héroïne lisse et invincible qui dominent les fictions contemporaines. La série montre une femme complexe qui n’arrive pas toujours à maîtriser sa vie, ses émotions et ses relations. Elle fait des erreurs, trahit ses amies et se réfugie dans l’autodérision et le sarcasme tout en s’adressant au spectateur à travers la caméra, l’impliquant dans ses pensées les plus honteuses. Ce bris du quatrième mur n’a pas seulement un effet comique, mais est utilisé comme un outil d’introspection. 

De la même façon, l’humour noir et la mise en scène des traumas du personnage principal sont utilisés comme des prismes au travers desquels s’articulent les contradictions du personnage. Fleabag ne donne pas de leçons de résilience ou de morale mais apporte un regard critique sur les attentes sociales et les injonctions à transformer chaque blessure en force. Si la première saison est centrée sur le deuil et la culpabilité, la seconde explore les questions de religion, de spiritualité, de désir, mais aussi de rédemption. La relation de celle-ci avec le personnage du prêtre, interprété par Andrew Scott, permet une évolution discrète du personnage principal. 

Le personnage d’Andrew Scott n’est pas non plus idéalisé : il lutte lui aussi avec ses choix, sa foi et ses émotions.  Là encore, la série refuse toute forme de conclusion attendue et affirme le choix de ne pas résoudre toutes les tensions du récit de Fleabag. Cette approche  fait de ce personnage une figure originale et qui parle aux spectateurs. Ce refus de coller à un modèle de “femme forte”  fait d’elle une figure moderne dont l’humanité est profondément mise en valeur.  

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