En quoi le cinéma participe-t-il à la construction de stéréotypes sur l’histoire romaine ?

De Ben-Hur à Gladiator, en passant par Cléopâtre, le cinéma n’a cessé de forger une vision spectaculaire de l’histoire romaine. À travers ce genre cinématographique des “péplums”, qui mêle combats grandioses et héros solitaires, l’empire romain n’est pas représenté de manière réaliste. Ces récits contribuent souvent à la construction de stéréotypes, en misant sur l’ignorance historique du spectateur. En jouant sur cette attente, les péplums donnent à voir non pas la réalité, mais ce que le public souhaite voir. Le cinéma utilise aussi Rome comme un miroir dramatique des tensions et problématiques d'aujourd'hui : entre liberté, crise et pouvoir. L’empire romain devient un décor symbolique au service de représentations simplifiées et répétitives.

Conçus pour séduire un large public, les péplums favorisent l’héroïsme, le pouvoir et les intrigues dramatiques aux faits réels. L’un des premiers films de ce genre, Néron essayant des poisons des esclaves (1897), dépeint un Néron cruel s’amusant à tester ses poisons, un élément fictif sans fondement historique. Il alimente l’image de l’empereur tyran et avide de pouvoir. La vie à la cour est aussi erronée, présentée comme un théâtre d’assassinats quotidiens. Ben-Hur (1959) montre une scène de combat naval où des esclaves enchaînés rament. Or, dans la marine romaine, les rameurs étaient des citoyens entraînés, et non des esclaves. De manière générale, les péplums idéalisent ou caricaturent ce statut d’esclave alors que ceux affectés aux mines ou contraints de combattre dans l’arène vivaient dans des conditions extrêmes. Dans Gladiator (2000), Maximus est présenté comme un ancien général devenu gladiateur sans pour autant refléter la réalité de cette condition. Il est même doté d’un certain pouvoir d’action : l’empereur corrompu, Commode, meurt sous ses coups. Historiquement, il a en réalité été assassiné dans son bain. Maximus, quant à lui, n’a jamais existé. Il incarne l’idée du héros rebelle, victime du pouvoir, qui triomphe par la force et l’honneur. Dans Gladiator II (2024), l’histoire est amplifiée et dans la démesure. La scène impressionnante du Colisée transformé en bassin d’eau pour accueillir des combats navals s’inspire de récits antiques, mais les historiens débattent encore de la faisabilité d’un tel événement. Le spectacle prime sur la véracité. 

Au-delà du divertissement, les péplums reflètent leur époque. Ils utilisent l’histoire de Rome pour mettre en évidence les tensions d’aujourd’hui. La Chute de l’Empire Romain (1964), tourné en pleine guerre froide, évoque la fin d’un pouvoir centralisé, en écho aux inquiétudes du XXème siècle. Gladiator met en avant des préoccupations sur la corruption politique. 

En sacrifiant l’exactitude au profit du récit, les péplums construisent une Rome déformée. Mais qu’ils soient factuels ou fictionnels, ces films favorisent l’intérêt du public pour l’histoire et nourrissent une mémoire collective.

Vous aimez lire nos décryptages ?

Soutenez-nous ! Parce que nous sommes un média :

Nos Dernières Synthèses

Comment expliquer l’inaction de l’État face aux infractions massives de l’industrie des eaux minéral...

Une eau d’exception, née d’une source protégée, naturellement pure et embouteill...

Réalignement Macroniste : la France peut-elle encore peser dans le monde arabe ?

Paris tente de conjuguer influence et indépendance, dans la lignée d’une traditi...

Comment s’explique le phénomène wabi-sabi ?

Ce concept de l’acceptation de l’imperfection tire son essence de la cérémonie d...

Rejoignez notre communauté

Recevez chaque semaine nos derniers dossiers, grands entretiens et décryptages dans votre boite mail !