En récession depuis deux ans, la première économie européenne mise sur cette réforme constitutionnelle pour relancer sa croissance et accroître ses investissements dans la défense et l’environnement.
Le frein à l’endettement, inscrit dans la Constitution allemande depuis 2009, visait à limiter le recours à la dette publique afin d’assurer une discipline budgétaire stricte. Son assouplissement représente un tournant majeur dans la doctrine économique du pays et permet désormais à l’Etat d’emprunter chaque année plus de 0,35% du PIB pour les dépenses sécuritaires. Ce changement intervient alors que l’Europe est confrontée à une recomposition de ses équilibres stratégiques, marquée par la guerre en Ukraine, la montée des tensions commerciales avec la Chine et l’affaiblissement de la garantie sécuritaire américaine.
Friedrich Merz, futur chancelier, a ainsi exprimé son ambition de renforcer l’industrie de défense européenne en instaurant une politique de commandes publiques stables et en favorisant une coopération militaire accrue au sein de l’Union. Grâce à cette réforme, l’Allemagne pourra désormais contracter chaque année jusqu’à 45 milliards d’euros pour financer des initiatives stratégiques : modernisation de la Bundeswehr, soutien militaire à l’Ukraine ou encore renforcement des capacités de gestion des crises, comme la lutte contre les incendies de grande ampleur.
Cet assouplissement budgétaire ne se limite pas aux seules questions de défense. La réforme s’accompagne de la création d’un fonds spécial de 500 milliards d’euros, destiné à financer des investissements de long terme. Une enveloppe de 100 milliards d’euros sera spécifiquement allouée au Fonds pour le climat et la transformation, un outil clé pour permettre à l’Allemagne d’atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici 2045. Ce compromis a été obtenu sous la pression des Verts, qui menaçaient de ne pas soutenir le projet. Cependant, cette réforme est loin de faire l’unanimité: l’Afd, et le parti de gauche y restent opposés tandis que des critiques persistent au sein des rangs conservateurs, Friedrich Merz ayant mené sa campagne autour de l’orthodoxie budgétaire. Avec cette réforme, l’Allemagne acte donc un repositionnement économique et stratégique majeur et entend se donner les moyens de redevenir un acteur central en Europe. Et ce, « quoi qu’il en coûte », selon les mots empruntés par Friedrich Merz à Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne.