Dans cette faille, l’État amorce un long processus législatif. La loi Sapin II de 2016 impose des obligations de transparence, renforce les contrôles et introduit la CJIP, une transaction pénale inspirée des États-Unis En 2020, Airbus en paie le prix. 3,6 milliards d’euros sont versés pour solder des faits de corruption à l’international. Pour la première fois, la France s’aligne sur les standards mondiaux anticorruption. Mais dès qu’il s’agit des responsables publics, l’élan ralentit. En 2017, l’affaire Fillon éclate. Cinq ans plus tard, l’ex-Premier ministre est condamné. La lenteur des procédures nourrit le soupçon d’une justice à deux vitesses, ce qu’incarnent les Balkany, signalés depuis les années 2000 par la Cour des comptes, mais condamnés seulement en 2019 et 2022.
Entre réseaux locaux et inertie judiciaire, les rouages grincent. Le Parquet national financier, né de l’affaire Cahuzac, tente de changer la donne. Avec plus de 1 200 dossiers en 2023, il agit, mais reste freiné par un manque criant de moyens : seulement 19 magistrats et un budget inférieur à 10 millions d’euros, jugé insuffisant pour faire face à l’ampleur des affaires. Dans les collectivités, les alertes de la Cour des comptes sur des marchés douteux à Marseille restent souvent sans suites judiciaires effectives.
D’autres affaires exposent les failles du contrôle républicain. En 2018, Benalla abuse de son pouvoir mais reste protégé par sa proximité avec l’Élysée. En 2022, le scandale McKinsey mêle soupçons de favoritisme et marchés publics opaques. Dans ces cas, la République regarde ailleurs, et ses organes comme le PNF restent impuissants. La défiance populaire s’installe. En décembre 2023, 87 % des Français jugent leurs dirigeants « corrompus ». Faute à un arsenal existant, mais dont l’application semble inégale.
Pourtant un coup de tonnerre se fit entendre : la condamnation de Marine Le Pen à de la prison et à l’inéligibilité pour détournement de fonds publics. Elle brise le cycle d’attente. La justice ne sanctionne plus les seuls retraités. Là se joue l’efficacité, faire tomber le masque de l’impunité. Une démocratie forte ne protège pas ses élites politiques, elle les juge à la hauteur de leur pouvoir.