L’Europe se transforme : de puissance économique à un réveil géopolitique

Est-il envisageable de voir émerger une Europe comme puissance géopolitique ?

L’Europe se transforme : de puissance économique à un réveil géopolitique

Est-il envisageable de voir émerger une Europe comme puissance géopolitique ?

Alors que la projection de Mercator reflète encore une vision européenne centrée sur elle-même, l’Union européenne peine à s’imposer dans un monde multipolaire, marquant le besoin d’une transition vers une puissance géopolitique.

Un virage stratégique dans un monde multipolaire

Le concept de « pivot vers l’Asie », initié par les États-Unis dès 2008, a contribué à affaiblir la position mondiale de l’Europe. L’émergence de puissances comme la Chine et le Brésil, des pays du « Sud global », complique l’ambition de l’Europe de promouvoir des valeurs universelles dans un monde où les intérêts économiques dominent. La crise de la COVID-19 a révélé une dépendance commerciale européenne vis-à-vis de la Chine, tandis que la guerre en Ukraine a rappelé sa dépendance énergétique à la Russie. En 2022, 90 % des besoins de l’UE en lithium, cobalt et terres rares dépendaient des importations, principalement de pays non-européens, renforçant sa vulnérabilité économique et stratégique.

En 2022, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, a souligné la nécessité pour l’Europe d’adopter une « permanence stratégique », un tournant historique qui rompt avec la tradition d’une défense exclusivement assurée par les États-Unis. Dans cette lignée, l’Allemagne, traditionnellement réservée en matière militaire, a annoncé en 2022 un investissement inédit de 100 milliards d’euros dans ses capacités de défense pour renforcer une Europe souveraine. Ce virage stratégique, initié depuis des années par la France, appelle l’UE à repenser sa place dans le monde.

La dépendance aux ressources et aux chaînes d’approvisionnement pousse l’Europe à affirmer sa souveraineté.

Vers une Europe souveraine : un défi pour la cohésion européenne

L’Europe cherche désormais à réduire sa dépendance énergétique et industrielle, mais cet objectif soulève des défis. Par exemple, les chaînes de valeur des matières premières critiques, essentielles aux technologies vertes et numériques, dépendent de pays extérieurs. Pour Josep Borrell, ce changement implique une transition profonde vers une Europe plus autonome, capable de rivaliser avec les grandes puissances. Le retour de Donald Tusk au poste de Premier ministre polonais en 2023 pourrait également renforcer cette dynamique de rapprochement européen. En 2024, le ministre des Affaires étrangères polonais a affirmé la volonté d’une Europe « puissance géopolitique ».

Néanmoins, l’Europe doit résoudre des dissensions internes, notamment sur les décisions de sécurité. Josep Borrell a ainsi proposé de revoir la règle de l’unanimité pour accélérer les prises de décisions stratégiques. Cette refonte vise à consolider la cohésion européenne dans un monde où les rivalités géopolitiques s’intensifient, un enjeu pressant à l’approche des élections européennes.

L’Europe aspire à devenir une puissance géopolitique mais doit renforcer sa cohésion pour faire face aux défis mondiaux.

L’Europe amorce ainsi une transition cruciale pour renforcer sa souveraineté, avec l’espoir de devenir un acteur géopolitique majeur, même si le chemin reste semé d’obstacles.

Crédits photo : CC-BY-4.0: © European Union 2022– Source: EP

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L'enjeu

La baisse de croissance démographique n’est pas un nouveau phénomène en Europe. Les États tentent de trouver de nouvelles idées pour inciter leur population à se reproduire, pourtant, ces solutions ne sont pas viables.

L'intervenant

Philippe Bocquier est démographe à l’UCLouvain. Il a occupé divers postes de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), en fonction au Sénégal, au Mali et au Kenya. Il possède une longue expérience en analyse longitudinale, utilisant à la fois des données d'enquêtes rétrospectives et des systèmes de surveillance sanitaire et démographique. Ses recherches portent sur les projections et l’intégration urbaines, la transition démographique et l'entrée dans l'âge adulte. Actuellement, elles visent les interactions entre migration et santé.

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Inégalités et baisse de la croissance démographique : l’Europe est démunie

Quel est l’enjeu de la baisse de la croissance démographique en Europe et comment peut-on y faire face ?

En France, comme dans le reste de l’Europe, le nombre de naissances est en baisse et la population vieillit. Dus à des changements de comportements profonds dans la société, à la fois en termes de survie de la population, à des âges avancés, mais aussi en termes de baisse de la fécondité, ces faits sociétaux suscitent des inquiétudes. En 2023, la France a enregistré 678 000 naissances, un niveau historiquement bas, avec un taux de fécondité de 1,68 enfant par femme, bien en-dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1). À l’échelle européenne, la situation est similaire : un taux moyen de fécondité de 1,46 et plus de 21 % de sa population a plus de 65 ans. Ce déséquilibre démographique soulève des questions majeures, tout autant pour les systèmes de santé et retraite que pour le maintien de la croissance économique, questions auxquelles le démographe Philippe Bocquier apporte des éléments de réponse pour la Revue [DEMOS].

Cette baisse de la croissance démographique est-elle réellement préoccupante et quelles en sont les conséquences économiques ?

Il y a un paradoxe : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et donc dans les années 1950-1960, on s’inquiétait de la croissance démographique excessive (le baby-boom). Même si la France a connu auparavant une baisse plus importante que ses voisins, cette croissance a produit une vague d’optimisme, on se disait que c’était une bonne chose. Mais le reste du monde s’est demandé comment nos sociétés pourraient supporter une telle croissance démographique positive, aussi longtemps. Et le paradoxe est que depuis deux ou trois décennies, la problématique s’est inversée. On s’inquiète maintenant d’une décroissance démographique. Finalement, ce qui était considéré comme une mauvaise chose il y a 50 ans, est aujourd’hui considéré comme une bonne chose.

Alors pourquoi y a-t-il moins d’enfants par femme ?

On donne plus d’importance aux enfants. Ils font l’objet d’un investissement beaucoup plus grand. Parce qu’en termes d’éducation, les parents ont beaucoup plus de moyens d’investir dans leur enfant, pour leur donner plus de chance de réussir. S’il y avait beaucoup d’enfants dans les années 1960-1960, une croissance durable n’aurait pas été tenable. On peut supposer que beaucoup de gens auraient été laissés pour compte. Il y aurait eu aussi de plus gros problèmes de couverture de santé, d’éducation et aussi des logements.  Donc c’est un paradoxe de dire qu’en Europe, il n’y a pas assez de croissance démographique alors que cette réalité explique en partie, notre relative richesse par rapport au reste du monde, sans nier les inégalités à l’intérieur de l’Europe.

L’IMMIGRATION POUR COMBLER LE DÉFICIT

Face au vieillissement de la population, est-ce que l'immigration est la seule solution ?

Ce n’est évidemment pas la seule solution. Il y en a une, « économique », qui est de redistribuer les richesses plus équitablement. Quand on parle de système de retraite et de santé, on parle de la majorité des gens qui vivent de leur travail et de leurs pensions. Par contre, il y a une partie de la population qui ne vit pas de son salaire à proprement parler, mais de son patrimoine et de sa richesse accumulée. Mais la tendance s’inverse sur les dernières décennies. On veut que les gens investissent et constituent un patrimoine. C’est un problème parce qu’évidemment, il va falloir de plus en plus compter à l’avenir sur le patrimoine, et notamment sur l’héritage. C’est-à-dire que les personnes qui auront hérité, seront avantagées par rapport à celles qui ne peuvent compter dessus, ni sur un investissement parce que trop pauvres pour le faire. Donc ce n’est pas l’immigration qui va compenser l’effondrement du système des retraites.

Mais peut-elle résoudre un problème d’inégalité ?

Non. Mais elle peut aider à maintenir un système de répartition. On sait que sur leur vie entière, les immigrants contribuent davantage dans le pays d’accueil que la moyenne des gens déjà sur place. Ils cotisent beaucoup plus alors qu’ils n’ont pas coûté autant que les autres, car tout le travail d’éducation jusqu’à leurs diplômes, ils les ont effectués dans leur pays d’origine. Mais il ne faut pas se leurrer, quand on parle de vieillissement et d’immigration, c’est surtout un réel problème d’inégalité.

Peut-on affirmer que l'immigration est une politique assumée pour contrer le déclin de la démographie européenne ?

Non. Vous ne serez jamais élu avec un discours pro-immigration. Alors qu’au lendemain des deux guerres mondiales, l’Europe était dans un état lamentable, il y avait un besoin urgent de la reconstruire. Il manquait de main d’œuvre. Dans les années 1920-1930, il y a eu par exemple une vague d’immigration polonaise, italienne, espagnole, mais aussi flamande très importante en Wallonie. Mais au fil des années, ces immigrants n’ont plus voulu travailler dans les mines, à l’usine, etc. Donc l’Europe a fait venir d’autres immigrants grâce à des programmes d’incitation. Les entreprises allaient les chercher jusqu’au Maroc, en Algérie… donc plutôt en Afrique. C’était bien souvent un discours trompeur parce que beaucoup d’immigrants se sont retrouvés dans des situations d’exploitation vraiment abusives, et on leur a promis des choses qu’ils n’ont jamais eues. Par exemple, en Asie, le Japon commence à envisager un recours à l’immigration, bien que l’opinion publique soit réfractaire, même envers ses propres concitoyens lorsqu’ils ont vécu trop longtemps à l’étranger. Pourtant ils font face à une baisse démographique relativement importante par rapport à l’Europe. C’est devenu ingérable. Alors le gouvernement japonais fait notamment appel à beaucoup de Philippins. Mais ce sont des contrats courts, de cinq ans par exemple. Et ça crée un roulement régulier sans une immigration permanente.

PLUSIEURS IDÉES POUR UN MÊME RÉSULTAT

Quels pays ont adopté des politiques efficaces pour lutter contre la baisse de natalité ?

Aucune politique n’a été efficace pour lutter contre la baisse de natalité. Les quelques exemples ont toujours été extrêmement temporaires, avec des effets à très court terme. On a vu que dans certains pays, l’augmentation de certaines aides aux familles ou aux femmes seules, a fait remonter la fécondité. Mais souvent, elle baisse à nouveau. C’est-à-dire qu’il y a un effet « d’aubaine ». Les couples qui avaient, de toute façon, l’intention d’avoir des enfants se sont dit que c’était le moment de profiter de cette politique qui ne serait peut-être pas maintenue. Mais une fois l’enfant né, ils n’en ont pas fait plusieurs à la suite donc c’est très limité. Évidemment, les gouvernements qui ont mis en place ce genre de mesures font aussi une campagne de communication sur les familles nombreuses et montrent comment elles ont été utiles, comme en Pologne ou en Hongrie, des pays qui sont représentés par des gouvernements pronatalistes. Mais on voit bien que sur le long terme, ça ne fonctionne pas. Et même s’il y a des aides, les personnes qui ne veulent pas d’enfant n’en feront pas.

Quels ont été les résultats ?

La grande différence, c’est quand les systèmes d’aide aux familles tiennent compte pour les femmes, de la compatibilité entre travail et famille. Dans les pays d’Europe du Sud, il n’y a pas de système de compensation, il y a très peu d’allocations familiales, très peu de crèches. Donc tout coûte très cher et les employeurs sont beaucoup plus réticents à employer des femmes avec enfants. On s’attend à ce que la femme elle-même ou les grands-parents s’occupent des enfants. Ça vient d’une conception patriarcale. Mais il y a aussi l’Allemagne, qui en apparence pourrait se payer le luxe de « s’occuper des femmes et de leurs enfants ». Il pourrait y avoir un système d’allocations familiales, de crèche et de compatibilité travail-famille. Mais pas du tout et là-bas, c’est absolument normal pour une femme. Il est attendu que lorsqu’elle a un enfant, elle s’arrête de travailler pendant deux ou trois ans. Il y a très peu de crèches qui acceptent des enfants à partir de l’âge de six mois. Donc c’est plus difficile pour les femmes d’en avoir plusieurs car il n’y a pas autant d’aides qu’en France, par exemple. Il y a aussi des aides en Suède ou plus largement dans les pays scandinaves où les États sont vraiment beaucoup plus soutenants. Il y a une égalité des genres qui est beaucoup plus importante. Pourtant on peut également observer une baisse de la fécondité durable et prolongée, notamment à cause d’un certain individualisme qui s’est instauré, la réalisation personnelle comptant alors davantage que la réalisation d’un idéal familial.

La croissance démographique pourrait connaître un nouveau rebond ?

Étant donné ce que la baisse démographique nous a apporté comme bénéfices, – économiser nos ressources pour investir dans la santé et dans l’éducation mais aussi dans le bien-être (plus de loisirs) tout comme dans la réalisation d’objectifs de développement personnel -, il serait difficile de les maintenir avec beaucoup d’enfants. Je doute que les gens décident alors d’en mettre davantage au monde. Il y a aussi la question écologique qui se pose de plus en plus. Pendant longtemps on a dit qu’on ne pourrait jamais vivre avec quatre milliards de personnes, puis six milliards et huit milliards maintenant. Mais on sait que la population mondiale va se stabiliser autour de 10 milliards, puis diminuer. On va sûrement commencer à observer cette diminution autour de 2080-2100. Et on ne peut pas parler de répartition démographique, à cause du réchauffement climatique par exemple. Car les populations pauvres ne pourront pas déménager sur un autre continent, puisqu’elles n’en auront pas les moyens. Ce discours est erroné.

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L'enjeu

La crise que traverse actuellement la Géorgie illustre aujourd’hui à quel point ses liens avec la Russie sont un sujet de tensions qui est au cœur des débats. Une série d’entretiens menés en décembre dernier sur le terrain en Géorgie, nous ont permis d’affirmer que c’est un sujet qui mobilise et déchire la population, mais également l’un des principaux éléments qui fracture la classe politique géorgienne, alors que des élections législatives sont attendues en octobre prochain.

L'auteur

Cet article a été publié dans le cadre d’une collaboration éditoriale avec le magazine Diplomatie. Il a été rédigé par Marie Durrieu, doctorante en relations internationales, associée à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), rattachée à l’Université de Clermont Auvergne et enseignante à Sciences Po Paris. Article paru dans la revue Diplomatie n°128, « La poudrière caucasienne : Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie », juillet-août 2024.

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La Géorgie tiraillée entre son envie d’Europe, la peur de la guerre et la haine de la Russie

Comment la loi sur l’influence étrangère révèle-t-elle les tensions profondes entre aspirations européennes et pressions russes en Géorgie ?

Mardi 14 mai 2024, le parlement géorgien adoptait une loi controversée sur « l’influence étrangère ». Cette loi prévoit de contraindre les ONG et les médias recevant plus de 20 % de leur financement de l’étranger, à s’enregistrer comme « organisation promouvant les intérêts d’une puissance étrangère » et de ce fait payer de lourdes amendes. Cette loi, dite « loi Poutine », inspirée d’une loi russe de 2012 et qui s’apparente sérieusement à de la censure, a été fortement condamnée par l’Union européenne (UE), l’OTAN et la population géorgienne.

Des dizaines de milliers de manifestants géorgiens sont descendus dans les rues de Tbilissi en scandant « non à la dictature russe ». La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, s’est publiquement positionnée du côté de l’opposition à la loi sur « l’influence étrangère » et a tenté d’apposer son véto pour en bloquer l’adoption. Elle a accusé la loi de mettre en danger l’avenir de la nation, de la démocratie, et le processus d’intégration à l’UE. Le 26 mai 2024 — jour de la fête nationale et de l’indépendance en Géorgie —, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, favorable à la loi, et la présidente géorgienne, se sont mutuellement accusés de trahison. Deux jours après, le 28 mai 2024, le véto présidentiel a été balayé par un vote au Parlement qui s’est tenu et a approuvé la loi par 84 voix contre quatre. Suite à l’adoption définitive de la loi, les manifestations dans les rues de Tbilissi ont redoublé d’intensité. Des milliers de manifestants se sont réunis aux abords du Parlement et certains ont crié « Russes ! » et « Esclaves ! » aux députés qui sortaient du bâtiment. Près de 200 ONG géorgiennes ont annoncé qu’elles n’obéiraient pas aux exigences de la loi. 

Le poids de l’Histoire entre la Russie et la Géorgie

Alors que, depuis le milieu du XVe siècle, la Géorgie se débattait contre la domination ottomane, puis perse, le pays a été officiellement annexé par la Russie des Tsars en 1801. Le pays est resté sous la domination du régime tsariste jusqu’en 1917, au moment de la révolution bolchevique en Russie. Les Géorgiens avaient alors profité du renversement du régime tsariste par les Bolcheviques pour déclarer leur indépendance. Celle-ci ne dura finalement que jusqu’en 1921, puisque la Géorgie a de nouveau été annexée, mais cette fois, par le régime soviétique. Elle est alors restée sous domination soviétique jusqu’à l’effondrement de l’URSS en 1991.

Le 9 avril 1991, la Géorgie a déclaré son indépendance. Depuis, le pays est de jure un État indépendant et souverain. Néanmoins, de facto, depuis 2008 des troupes russes occupent 20 % du territoire géorgien. En effet, en 2008, la Russie est intervenue sur le territoire géorgien sous prétexte de soutenir les séparatistes des régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Depuis, les forces russes stationnent dans ces deux régions du Nord de la Géorgie et les ingérences russes se multiplient. 

Historiquement, la Géorgie a ainsi toujours oscillé entre de courtes périodes d’indépendance et de longues périodes de soumission au grand voisin russe. Ce passé explique pourquoi le positionnement de la Géorgie vis-à-vis de la Russie est au cœur des préoccupations du pays. À travers une série d’entretiens menés à Tbilissi avec des dirigeants au pouvoir et des membres de l’opposition, nous avons même constaté que c’est principalement autour de ce sujet que se dessine la fracture entre le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, et les partis d’opposition. Si le parti au pouvoir est un parti bien plus conservateur que l’opposition, qui est plus progressiste et qui porte davantage les valeurs européennes et occidentales, la fracture politique s’articule néanmoins principalement autour du positionnement des partis vis-à-vis de la Russie.

Le Rêve géorgien, un parti pro-russe ?

D’un côté, il y a le Rêve géorgien — parti au pouvoir depuis 2012. Le positionnement du Rêve géorgien vis-à-vis de la Russie consiste à dire qu’il faut être prudent et ne pas provoquer la Russie pour éviter la guerre. Ils accusent volontiers l’ex-président Mikheil Saakachvili d’avoir été trop « provocateur» vis-à-vis de la Russie et d’être, d’une certaine manière, coupable de la guerre de 2008. En ce sens, George Volski, vice-président du parlement géorgien et un des leaders du Rêve géorgien, déclarait que « Saakachvili n’a pas accordé d’attention aux problèmes de sécurité ». À ce sujet, David Songulashvili, président de la Commission économique, rappelait que « la force principale d’un leader est de parvenir à éviter les problèmes… Pas de déclencher une guerre contre la Russie ».

Le parti au pouvoir entretient un discours qui consiste à dire que la Géorgie est un petit pays sans allié. Les différents membres du Rêve géorgien insistent sur cet aspect en utilisant fréquemment les expressions : « Nous sommes un pays faible », « Nous sommes trop petits géographiquement », « Nous n’avons pas d’allié », « Personne ne s’intéresse à la Géorgie ». Ils font régulièrement référence à la guerre de 2008 pour laquelle ils estiment que personne n’est venu les aider. À ce moment-là, contrairement aux Ukrainiens en 2022, les Géorgiens n’avaient effectivement pas reçu de soutien pour repousser les Russes et la communauté internationale n’avait que doucement condamné l’invasion russe. En 2009, l’administration Obama avait même mis en place la « reset policy », qui avait pour ambition de reprendre à zéro et d’améliorer la relation des États-Unis avec la Russie. Or, la non-réaction à la guerre de 2008 est devenue un élément de poids dans le discours du Rêve géorgien. Dans cette perspective, Katia Tsilomani, presidente de la Commission environnementale au parlement géorgien, rappelle que « l’Europe était occupée, nous n’étions pas une priorité. Nous avons été vaincus en cinq jours». David Songulashvili, lui, s’est exclamé : « Personne ne s’est préoccupé du fait que 20 % de notre territoire était occupé ». Aujourd’hui, les membres du Rêve Géorgien renforcent leur discours en disant que « même » l’Ukraine, qui est plus forte et qui a du soutien international, ne parvient pas à défaire la Russie : ils en concluent que la Géorgie a donc perdu d’avance et doit agir en ayant conscience de sa faiblesse.

En ce sens, George Volski déclare qu’on« ne peut pas se permettre une politique provocative, car nous n’avons pas les ressources pour être agressifs. Compte tenu des circonstances, nous pouvons seulement nous permettre une politique intelligente ». Or, selon les membres du Rêve géorgien, « être prudent » vis-à-vis de la Russie signifie faire le dos rond et obéir aux demandes du Kremlin — comme faire passer des lois qui font le jeu de la Russie, éloignent la Géorgie de l’Europe, et soumettent de plus en plus Tbilissi. En suivant cette logique, ils ont estimé que la Géorgie ne pouvait pas se permettre d’adopter les sanctions contre la Russie pour la guerre en Ukraine. Ils ont considéré qu’économiquement, la Géorgie, qui est très dépendante de la Russie, ne s’en sortirait pas, et que la Russie risquerait d’interpréter les sanctions comme une provocation. 

L’opposition en résistance face à l’influence russe

Le principal parti d’opposition du pays, l’United National Movement(l’UNM), a été fondé par l’ancien président Mikheil Saakachvili en 2001. De leur point de vue, le positionnement du Rêve géorgien vis-à-vis de la Russie s’apparente au régime de Vichy — qui avait choisi de ne pas résister à l’envahisseur et de s’y complaire. La comparaison nous a été formulée par plusieurs membres de l’opposition. Ces derniers surnomment le parti au pouvoir le « Russian dream » [Rêve russe] et estiment que son discours n’est que de la propagande pour légitimer une politique pro-russe. En ce sens, Thornike Gordadze, ancien ministre géorgien, a déclaré que le Rêve géorgien n’est « pas ouvertement pro-russe, mais ils construisent leur propagande en disant qu’ils sont plus habiles et qu’ils arrivent mieux à garantir la paix ». Selon l’opposition, affirmer que la souveraineté géorgienne est « provocatrice » pour la Russie est une aberration instrumentalisée par le Rêve géorgien. Dans cette perspective, David Darchiachvili, ancien député de l’UNM, s’est exclamé : « Cette idée que Saakachvili a déclenché la guerre n’est qu’un récit ! C’est de la propagande russe ! ».

L’opposition estime que le parti au pouvoir fait volontairement le jeu de la Russie, surtout pour des intérêts économiques personnels. Rappelons que Bidzina Ivanichvili, fondateur du Rêve géorgien et ancien Premier ministre, est avant tout un homme d’affaires milliardaire qui a fait fortune en Russie, notamment au moment de l’effondrement de l’URSS. De manière générale, dans les rangs du Rêve géorgien, on retrouve de nombreux oligarques et hommes d’affaires qui perdraient beaucoup à « rompre » avec Moscou. 

Les partis de l’opposition condamnent ainsi fortement la position du Rêve géorgien vis-à-vis du Kremlin — qu’ils estiment être de la collaboration — et défendent l’idée que la Géorgie doit résister. Ils considèrent que, quel qu’en soit le prix, la Géorgie doit se défendre, résister à l’impérialisme russe et affirmer sa souveraineté comme l’a fait Saakachvili, et comme le fait Zelensky pour l’Ukraine. Ainsi, pour Georgi Kandelaki, ancien député de l’UNM, « le droit international nous donne le droit de nous défendre. Nous ne pouvons pas nous soumettre, nous devons résister. » David Darchiachvili, lui, a déclaré : « Nous devons démontrer, par tous les moyens, que l’impérialisme est terminé ».

L’UE et l’OTAN comme vecteurs d’émancipation du géant russe

Dans cette perspective, l’opposition soutient activement l’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne et à l’OTAN. Ils estiment que rejoindre l’UE et l’OTAN permettrait de rééquilibrer le rapport de force entre la Géorgie et la Russie, et donnerait les moyens à Tbilissi de vraiment s’émanciper de Moscou. Ils considèrent d’ailleurs que le sommet de Bucarest de 2008, pendant lequel l’Organisation n’a pas concédé le statut de candidat à la Géorgie, a été un feu vert à la Russie pour intervenir sur le territoire géorgien quelques mois plus tard. 

De son côté, la population géorgienne est majoritairement pro-européenne et exprime clairement son souhait d’adhérer aux institutions euro-atlantiques. Les drapeaux européens sont brandis dans toutes les manifestations et des graffitis pro-européens tapissent les rues de Tbilissi. Le peuple géorgien estime que rejoindre l’OTAN et l’UE leur donnera des garanties de sécurité. De plus, pour eux, ce serait également un moyen d’aller vers plus de démocratie, plus de liberté et plus de progrès. C’est une idée particulièrement prégnante notamment chez les jeunes Géorgiens, qui rêvent d’Europe, de liberté et d’opportunités.

En parallèle, une haine de la Russie se fait clairement ressentir en Géorgie. En ce sens, David Darchiachvili nous a déclaré que « le sentiment que la Russie humilie la Géorgie est un sentiment national profond en Géorgie. C’est le seul sentiment qui unit les Géorgiens. ». La population en veut à la Russie de les soumettre, de ne pas reconnaitre leur indépendance, et surtout de ne pas les laisser se démocratiser, se développer économiquement et progresser… Il y a cette idée que la Russie bloque le développement et la démocratisation de la Géorgie parce qu’elle craint que les idées démocratiques et les valeurs libérales n’arrivent en Russie. Et à ce propos, les Géorgiens expriment beaucoup de colère parce qu’ils estiment que le Kremlin leur « pourrit la vie », juste pour qu’il n’y ait pas de démocratie heureuse aux portes de la Russie. 

Cette haine de la Russie, et ce profond sentiment pro-européen de la population vont clairement dans le sens du positionnement porté par les partis d’opposition. Ces derniers s’appuient d’ailleurs fortement sur ces éléments pour persuader la population que le Rêve géorgien n’œuvre pas pour le bien de la Géorgie. Ainsi, dans la perspective des élections législatives qui se tiendront fin octobre 2024, l’UNM et les autres partis d’opposition misent sur le fait de faire prendre conscience aux Géorgiens que le parti au pouvoir ne soutient l’adhésion européenne qu’en surface, alors qu’en réalité ils sabotent le processus. 

La guerre : une épée de Damoclès ?

Toutefois, il existe à l’inverse un sentiment très fort au sein de la population géorgienne qui joue en faveur du Rêve géorgien : la peur de la guerre. La population géorgienne est profondément traumatisée par la guerre de 2008, durant laquelle la Russie a écrasé la Géorgie en seulement cinq jours sans qu’aucun autre État ne leur vienne en aide. Le souvenir de l’intervention russe, qui s’est arrêtée très près de la capitale, est profondément ancré dans les esprits — même chez les jeunes, profondément pro-européens et antirusses. Plusieurs jeunes originaires de Gori racontent notamment qu’ils se souviennent des bombes qui tombaient sur leur ville et du jour où ils ont dû partir de chez eux. De plus, la population géorgienne est particulièrement consciente du fait que des troupes russes stationnent encore sur 20 % du territoire et à seulement quelques kilomètres de Tbilissi. Ils le répètent constamment et l’inscrivent même sur certains tickets de caisse distribués dans des restaurants en Géorgie. 

Or, cette peur de la guerre joue nettement en faveur du Rêve géorgien. Le parti se présente comme le parti qui garantira la paix, et c’est un argument assez efficace. Même pour les Géorgiens qui souhaitent plus que tout s’émanciper de la Russie et aller vers l’Europe, le prix de la guerre est un prix auquel ils ont du mal à se résoudre. Le Rêve géorgien l’a compris et continue donc de miser sur cette peur, tout en prétendant aller vers la liberté et l’Europe, alors qu’en réalité ils se dirigent progressivement de plus en plus vers la soumission et la Russie. 

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Le 26 octobre 2024, la Géorgie a organisé des élections législatives qui, loin de renforcer sa démocratie, ont mis en lumière une dérive autoritaire et une influence russe grandissante. Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien (RG), a revendiqué la victoire avec 54,08 % des voix, soit 89 sièges sur les 150 que compte le Parlement. Cependant, des observateurs électoraux et l'opposition pro-européenne ont dénoncé des fraudes massives, des pressions sur les électeurs et une ingérence russe manifeste. La présidente Salomé Zourabichvili, aux pouvoirs limités, a refusé de reconnaître les résultats et a exigé de nouvelles élections, soutenue en cela par le Parlement européen. Ce dernier a appelé à un nouveau scrutin sous supervision internationale et à des sanctions contre le Premier ministre Irakli Kobakhidzé. 

Les accusations de fraude électorale sont multiples. Des observateurs ont signalé des bourrages d’urnes, des achats de votes et des intimidations envers les électeurs. Des vidéos montrant des membres du parti au pouvoir en train de manipuler les urnes ont circulé, renforçant les soupçons de manipulation. 

De plus, la falsification des votes aurait été facilitée par une utilisation abusive des données personnelles et des techniques de micro-ciblage, permettant au RG de contrôler le processus électoral. Cette situation s’apparente à une « capture de l’État » par le RG, qui domine toutes les institutions à l’exception de la présidence. 

Dates clésChiffres clés
26 octobre 2024 : Élections législatives en Géorgie, victoire contestée du Rêve géorgien avec 54,08 % des voix. Des observateurs dénoncent des fraudes massives et des pressions sur les électeurs. 89 sièges : Nombre de sièges remportés par le Rêve géorgien sur 150 au Parlement, lui permettant de former un gouvernement sans coalition.
11 novembre 2024 : La présidente Salomé Zourabichvili refuse de reconnaître les résultats et réclame de nouvelles élections. Le Parlement européen soutient sa demande et envisage des sanctions.30 millions d’euros : Montant de l’aide financière de l’UE gelée en réponse aux atteintes aux libertés démocratiques en Géorgie.
29 novembre 2024 : Début de manifestations pro-européennes à Tbilissi après l’annonce du gouvernement de suspendre l’adhésion à l’UE jusqu’en 2028. La répression policière s’intensifie.300 arrestations : Nombre de manifestants pro-européens interpellés en une semaine par les forces de l’ordre.

Parallèlement, le gouvernement géorgien a adopté en septembre 2024 une loi interdisant la « propagande des relations homosexuelles », s’inscrivant dans une rhétorique conservatrice et anti-occidentale. Cette législation, combinée à la suspension du processus d’adhésion à l’UE, a déclenché une vague de manifestations pro-européennes à travers le pays. Les forces de l’ordre ont réagi par une répression sévère, utilisant gaz lacrymogènes et canons à eau pour disperser les foules. Plus de 100 manifestants ont été arrêtés lors de ces protestations. 

Cette situation a suscité de vives réactions de la communauté internationale. Le Parlement européen a adopté une résolution appelant à de nouvelles élections sous supervision internationale et envisageant des sanctions contre les responsables géorgiens impliqués dans les fraudes électorales. 

Une stratégie d’influence inspirée de Moscou

Les États-Unis ont également suspendu leur partenariat stratégique avec la Géorgie, exprimant leur inquiétude face à l’érosion des principes démocratiques et à l’influence croissante de la Russie dans le pays. En Géorgie, la présidente Salomé Zourabichvili continue de s’opposer fermement au gouvernement en

La situation géorgienne actuelle rappelle des schémas déjà observés dans d’autres États voisins de la Russie. Depuis plusieurs années, le Kremlin applique une stratégie d’ingérence dans les pays post-soviétiques en usant de pressions économiques, de cyberattaques et de propagande pour freiner leur rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN. En Géorgie, cette influence est perceptible non seulement dans la politique intérieure, mais aussi dans la rhétorique du gouvernement.

La loi sur les « agents de l’étranger », adoptée en août 2024, calquée sur une législation russe, vise à stigmatiser les médias indépendants et les ONG recevant des financements étrangers. Cette mesure a conduit l’Union européenne à geler le processus d’adhésion de la Géorgie et à suspendre une aide financière de 30 millions d’euros. 

Le Rêve géorgien adopte un discours calqué sur celui de Moscou, notamment en accusant les opposants pro-européens d’être des agents de l’étranger manipulés par l’Occident. Ce narratif est renforcé par la loi sur les « agents de l’étranger », entrée en vigueur en août 2024, qui stigmatise toute organisation recevant des financements internationaux. Une répression médiatique similaire avait été observée en Russie avec la loi de 2012 sur les ONG, qui a progressivement conduit à la fermeture de nombreux médias indépendants et organisations de la société civile.

La diffusion de la propagande prorusse passe aussi par des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux et des actions de désinformation. Des rapports de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) indiquent que le gouvernement géorgien a utilisé des algorithmes de micro-ciblage pour influencer le vote, une technique qui rappelle celle employée par la Russie dans ses tentatives de manipulation électorale en Europe et aux États-Unis.

Un tournant géopolitique sous surveillance internationale

L’annonce du gouvernement de suspendre le processus d’adhésion à l’UE jusqu’en 2028 a déclenché un séisme diplomatique. La présidente Salomé Zourabichvili, qui plaide pour une réintégration rapide des négociations, a qualifié cette décision de « rupture historique ». Dans un communiqué, elle a affirmé qu’elle ne céderait pas aux pressions du gouvernement et qu’elle resterait en poste au-delà de décembre 2024 tant que des élections libres ne seraient pas garanties. Le Parlement européen, de son côté, a adopté une résolution en faveur de nouvelles élections sous supervision internationale, arguant que le scrutin d’octobre ne respectait pas les standards démocratiques.

Face à cette crise, les États-Unis ont suspendu une partie de leur aide financière et militaire à la Géorgie, signalant leur inquiétude croissante face à l’éloignement du pays des valeurs démocratiques. Washington a également évoqué d’éventuelles sanctions contre des membres du gouvernement impliqués dans la fraude électorale et la répression des manifestations.

La suspension des négociations d’adhésion à l’UE jusqu’en 2028, annoncée par le Premier ministre Irakli Kobakhidzé, marque un tournant dans la politique étrangère géorgienne, éloignant le pays de ses aspirations européennes et renforçant son alignement avec Moscou. 

Dans les rues de Tbilissi, la contestation ne faiblit pas. Depuis le 25 novembre, des milliers de manifestants pro-européens occupent les places publiques, brandissant des drapeaux de l’UE et dénonçant une dérive autoritaire. La répression s’intensifie, avec des interventions musclées des forces de l’ordre utilisant gaz lacrymogènes, canons à eau et arrestations arbitraires. Selon l’OSCE, la police aurait procédé à plus de 300 arrestations en deux semaines, et plusieurs journalistes indépendants ont été violemment pris à partie lors de la couverture des événements.

Dans ce climat de tensions, la Géorgie se trouve à un carrefour décisif. Si la pression populaire et internationale parvient à infléchir la position du gouvernement, de nouvelles élections pourraient être organisées dans un cadre plus transparent. À l’inverse, si le Rêve géorgien parvient à asseoir son pouvoir en renforçant la répression et en maintenant son éloignement de l’UE, le pays pourrait entrer dans une période de plus grande instabilité politique et diplomatique.

L’enjeu dépasse largement les frontières de la Géorgie : il s’agit aussi d’un test pour l’Union européenne et la communauté internationale dans leur capacité à défendre les principes démocratiques face à l’influence russe.

Crédit photo : Shutterstock/George Khelashvili

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L’Écosse peut-elle encore rêver d’Europe ?

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L’Écosse peut-elle encore rêver d’Europe ?

Depuis le Brexit, les relations entre Londres et Édimbourg oscillent entre tension et résignation. Le rêve d’indépendance écossaise vacille face aux réalités politiques et économiques, posant la question de la durabilité du Royaume-Uni dans sa forme actuelle.

Le référendum sur le Brexit en 2016 a révélé un Royaume-Uni profondément divisé. Tandis que 62 % des Écossais ont voté pour rester dans l’Union européenne, l’Angleterre s’est majoritairement prononcée en faveur de la sortie. Cet écart a intensifié les tensions entre Londres et Édimbourg, amplifiant les revendications indépendantistes du Scottish National Party (SNP). Après l’échec du référendum sur l’indépendance écossaise en 2014, le Brexit a offert un nouveau souffle à ce mouvement, mettant en avant l’incompatibilité perçue entre les aspirations européennes de l’Écosse et la trajectoire britannique.

Cependant, les promesses d’indépendance se heurtent à des réalités économiques complexes et à une lassitude politique croissante. Les revendications du SNP pour une reconnaissance accrue de l’identité écossaise et une plus grande autonomie budgétaire se sont confrontées à une résistance de Westminster, notamment sous le gouvernement conservateur de Boris Johnson. L’indépendance, autrefois un projet ambitieux, s’inscrit désormais dans un contexte de crise et d’incertitudes.

Dates et événementsChiffres clés
2014 : Référendum sur l’indépendance écossaise. Résultat : 55 % contre l’indépendance.45 % : Proportion des Écossais votant pour l’indépendance en 2014, un résultat marquant mais insuffisant.
2016 : Référendum sur le Brexit. L’Écosse vote à 62 % pour rester dans l’UE.62 % : Proportion des Écossais en faveur de l’UE, contre seulement 46,6 % en Angleterre.
2019 : Élections législatives. Le SNP obtient 48 sièges.48 sièges : Un sommet historique pour le SNP au Parlement britannique.
2023 : Nicola Sturgeon démissionne de son poste de Première ministre écossaise.35 % : Popularité du SNP dans les sondages après la démission, en recul par rapport à 50 % précédemment.
4 juillet 2024 : Élections générales. Le Labour dépasse le SNP en Écosse.9 sièges : Chute dramatique du SNP, passant de 48 sièges en 2019 à seulement 9 en 2024.

Depuis l’instauration du Scotland Act de 1998, l’Écosse dispose d’un parlement et d’un Premier ministre autonomes, marquant une étape majeure dans le processus de dévolution. Cependant, la déclaration de Boris Johnson en 2020 qualifiant la dévolution de « désastre » a relancé les craintes d’un retour à une centralisation accrue. Ces propos ont galvanisé les indépendantistes, alimentant les tensions entre Westminster et Holyrood.

Pourtant, les défis économiques, exacerbés par le Brexit et la pandémie, ont complexifié la dynamique politique. Le SNP, au pouvoir depuis 2007, a vu son discours indépendantiste perdre de sa force face à des enjeux plus immédiats, comme le coût de la vie et la qualité des services publics. Cette situation a permis au Labour de se repositionner en Écosse, capitalisant sur l’usure politique du SNP.

Indépendance ou autonomie, des espoirs étouffés

La démission de Nicola Sturgeon en 2023 a marqué un tournant pour le SNP. Après des années de domination politique, le parti a été fragilisé par des divisions internes et un essoufflement de son électorat. Les élections générales de 2024 ont confirmé ce déclin : le SNP a perdu 39 sièges, laissant le Labour prendre la tête en Écosse pour la première fois depuis 2014. Cette défaite souligne les limites du projet indépendantiste dans un contexte d’incertitudes économiques et de scepticisme croissant.

Selon un sondage YouGov de mars 2024, 49 % des Britanniques estiment que l’économie écossaise se dégraderait en cas d’indépendance. Ces craintes, combinées à la perspective d’une frontière anglo-écossaise, alimentent le débat sur la viabilité d’un État écossais indépendant.

La fracture entre l’Écosse et l’Angleterre, mise en lumière par le Brexit, dépasse la simple question de l’indépendance. Elle reflète des tensions plus profondes sur l’identité nationale et le rôle de l’Écosse dans le Royaume-Uni.

L’un des principaux obstacles à l’indépendance écossaise reste la question économique. Depuis 2014, les indépendantistes peinent à rassurer les électeurs sur la capacité de l’Écosse à prospérer sans le soutien financier et institutionnel du Royaume-Uni. La dépendance économique, exacerbée par des secteurs comme l’énergie et le pétrole en mer du Nord, demeure un sujet de débat. Avec la transition énergétique en cours et l’instabilité des marchés, la viabilité d’un modèle économique indépendant reste incertaine.

D’après une étude menée par YouGov en 2024, près de 49 % des Britanniques pensent qu’une Écosse indépendante verrait son économie empirer, contre seulement 17 % qui anticipent une amélioration. Ces chiffres traduisent une méfiance généralisée qui va bien au-delà des frontières écossaises. Le SNP, malgré ses efforts pour proposer des solutions alternatives comme l’adoption de l’euro ou la création d’une nouvelle monnaie nationale, n’a pas encore convaincu une majorité d’électeurs.

Londres contre Holyrood : une bataille d’autorité

Depuis le Brexit, le conflit entre Londres et Édimbourg dépasse largement la simple question de l’indépendance. La gestion des compétences dévolues à l’Écosse est au cœur de tensions politiques majeures. Les accords de dévolution, établis par le Scotland Act, ont permis à l’Écosse de légiférer sur des domaines clés comme la santé et l’éducation. Cependant, les gouvernements conservateurs successifs ont été accusés d’entraver cette autonomie, notamment en matière de politique économique et environnementale.

La déclaration de Boris Johnson en 2020, qualifiant la dévolution de « désastre », a ravivé les inquiétudes. Les indépendantistes y voient une tentative de recentralisation, une interprétation qui alimente la rhétorique du SNP contre Westminster. Cette lutte d’autorité renforce également l’idée que l’indépendance pourrait être le seul moyen pour l’Écosse d’exercer un contrôle total sur ses affaires intérieures.

Au-delà des promesses d’indépendance, l’avenir politique de l’Écosse repose sur un dilemme : élargir son autonomie au sein du Royaume-Uni ou risquer une rupture incertaine.

Les élections générales de 2024 ont marqué un tournant majeur dans la politique écossaise. Pour la première fois depuis 2014, le parti travailliste (Labour) a surpassé le SNP, en grande partie grâce à une stratégie axée sur les services publics et le pouvoir d’achat. Le Labour a réussi à capter l’attention d’un électorat lassé par 17 ans de gouvernance SNP. En exploitant les failles du SNP, notamment son incapacité à résoudre les défis économiques, le Labour a redéfini son rôle en Écosse.

Selon un sondage de mars 2024, 20 % des électeurs ayant soutenu le SNP en 2019 affirment vouloir voter pour le Labour, illustrant un basculement significatif. Ce changement reflète une évolution des priorités électorales : les questions d’emploi, de santé et d’éducation ont pris le pas sur l’indépendance dans les préoccupations des Écossais.

Crédits photo : Sandy Beach Cat Flickr

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Depuis plus de deux décennies, l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne semble osciller entre stagnation et impossibilité. À l’heure où les relations entre Ankara et Bruxelles demeurent tendues, ce dossier emblématique interroge sur l’avenir des élargissements européens.

L’histoire des négociations d’adhésion entre la Turquie et l’Union européenne remonte à 1999, année où Ankara obtient officiellement le statut de candidat. Cependant, le processus engagé en 2005 est aujourd’hui pratiquement à l’arrêt. Les blocages trouvent leurs racines dans des préoccupations liées à l’érosion de l’État de droit et des droits humains en Turquie. La présidence de Recep Tayyip Erdoğan est régulièrement pointée du doigt par Bruxelles pour son autoritarisme croissant. Selon le rapport 2022 de la Commission européenne, les institutions démocratiques turques subissent une érosion systémique. Le durcissement des restrictions sur les libertés d’expression et de presse en est l’un des exemples les plus frappants.

Dates et événements importantsChiffres clés
1999 : La Turquie obtient le statut de candidat officiel.35 : Nombre total de chapitres de négociation requis pour une adhésion complète.
2005 : Début des négociations formelles.16/35 : Nombre de chapitres ouverts, avec seulement un chapitre temporairement clôturé.
2016 : Tentative de coup d’État et instauration de l’état d’urgence.84,4 % : Taux d’inflation atteint en novembre 2022, un record pour l’économie turque.
2018 : Fin officielle de l’état d’urgence en Turquie.11,4 % : Croissance du PIB en 2021, contre une forte chute à 0,8 % en 2019.
2022 : Publication du rapport de la Commission européenne dénonçant les dérives démocratiques.5 % : Croissance économique en 2022, marquée par de fortes disparités régionales.
2023 : Tensions renouvelées entre la Turquie et l’UE sur les questions énergétiques en Méditerranée orientale.1999 : Année où la Turquie a été reconnue officiellement comme candidate à l’UE.

En 2016, après une tentative de coup d’État, le gouvernement turc instaure l’état d’urgence, suspendant certaines garanties démocratiques fondamentales. Bien que cet état d’urgence ait pris fin en 2018, plusieurs mesures ont été intégrées au droit commun, laissant craindre une dérive permanente. Ces changements expliquent pourquoi les négociations d’adhésion sont gelées, avec seulement 16 chapitres ouverts sur 35, et un seul provisoirement clos.

De la démocratie en Turquie, vraiment ?

Les différends entre la Turquie et certains membres de l’Union, comme la Grèce et Chypre, exacerbent le climat de méfiance. Dans les eaux disputées de la Méditerranée orientale, Ankara a envoyé des navires de forage, escortés par des navires militaires, dans des zones maritimes revendiquées par Chypre. Cette politique maritime agressive complique davantage les relations avec Bruxelles. De surcroît, la volonté turque d’implanter une base navale dans la partie nord de Chypre, territoire non reconnu par la communauté internationale, a suscité des critiques vives.

L’économie turque, un critère essentiel pour l’adhésion selon les critères de Copenhague, traverse des turbulences depuis plusieurs années. La crise de la livre turque a fragilisé le pays, tandis que l’inflation galopante a miné le pouvoir d’achat des ménages. Si le PIB a montré des signes de reprise en 2021, le contexte global reste préoccupant pour les investisseurs étrangers.

La Turquie a progressivement intégré des lois d’exception issues de l’état d’urgence dans son droit commun, marquant un recul significatif par rapport aux valeurs de l’Union européenne.

Le dossier d’adhésion turque à l’Union européenne met en lumière une divergence profonde entre Ankara et Bruxelles en matière de principes démocratiques. La liberté de la presse, pilier des valeurs européennes, est sévèrement entravée en Turquie. Des journalistes critiques du régime sont régulièrement arrêtés ou empêchés d’exercer leur métier. Selon le rapport 2022 de la Commission européenne, ces restrictions s’inscrivent dans une tendance générale de concentration du pouvoir exécutif sous l’autorité de Recep Tayyip Erdoğan, rendant l’équilibre des pouvoirs quasi inexistant.

Les conséquences de cette dérive autoritaire se font également sentir dans les relations internationales. L’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul en 2018 a jeté une lumière crue sur la situation des droits humains en Turquie. Bien qu’Ankara ait dénoncé cet acte, cet événement a accru la méfiance entre l’Union européenne et la Turquie, soulevant des interrogations sur la capacité de cette dernière à défendre les droits fondamentaux.

La Méditerranée au coeur des préoccupations

La Méditerranée orientale est devenue un théâtre de tensions accrues entre la Turquie et l’Union européenne. Les explorations gazières entreprises par Ankara dans des zones disputées ont intensifié les relations conflictuelles avec la Grèce et Chypre. Ces tensions géopolitiques dépassent les simples différends frontaliers, car elles touchent également à des enjeux énergétiques cruciaux pour l’Europe, en quête de diversification de ses sources énergétiques face à la crise ukrainienne.

L’Europe accuse la Turquie d’agir de manière unilatérale et de ne pas respecter le droit international maritime. Ces accusations sont renforcées par la construction prévue d’une base navale à Chypre-Nord, qui viendrait consolider une présence militaire turque dans une région hautement stratégique. Cette politique expansionniste d’Ankara renforce l’opposition des États membres de l’UE à toute avancée dans les négociations d’adhésion.

Le bras de fer en Méditerranée orientale illustre les ambitions géopolitiques d’Ankara, mais il isole davantage la Turquie sur la scène européenne, compliquant les perspectives d’intégration.

L’économie turque, autre critère crucial pour l’adhésion à l’Union européenne, continue de poser problème. Après une période de forte croissance dans les années 2000, la Turquie a traversé une série de crises économiques marquées par une dévaluation de sa monnaie et une inflation record. En novembre 2022, cette dernière a atteint 84,4 %, un niveau alarmant par rapport aux standards européens. Si la croissance du PIB a connu un rebond spectaculaire en 2021, atteignant 11,4 %, cette reprise est fragilisée par des déséquilibres structurels, notamment une dépendance aux capitaux étrangers et une gestion monétaire contestée.

L’instabilité économique turque n’est pas seulement un défi interne ; elle a également un impact sur les relations avec l’Union européenne, principal partenaire commercial de la Turquie. Cette interdépendance économique pourrait être un levier stratégique pour Ankara, mais elle s’accompagne de la nécessité de réformes profondes que le gouvernement actuel tarde à entreprendre.

Crédits photo : European Union 2015 – European Parliament

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Le vendredi 2 février, les ambassadeurs des vingt-sept réunis à Bruxelles ont validé le projet de règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), marquant un tournant pour l’encadrement de cette technologie au niveau mondial.

L’intelligence artificielle sous contrôle : une régulation européenne fondée sur les risques

En 2021, la Commission européenne a proposé ce règlement, qui a évolué au fil des amendements du Parlement et de l’orientation générale du Conseil. Le trilogue, réunissant Parlement, Conseil, et Commission en tant qu’observateur, s’est achevé en décembre 2023 par un accord provisoire. Après des négociations intensives, les États membres ont levé leurs dernières réserves, sous l’impulsion de la présidence belge de l’UE, le 24 janvier.

L’AI Act repose sur une approche graduée selon le niveau de risque : limité, élevé, ou inacceptable. Les entreprises utilisant ou produisant de l’IA devront se conformer aux exigences du texte, y compris celles qui opèrent depuis l’extérieur de l’UE mais vendent leurs produits au sein du marché européen. Des sanctions financières importantes sont prévues pour les entités ne respectant pas ces règles.

Les entreprises opérant dans l’UE, qu’elles soient basées en Europe ou non, devront respecter ce nouveau cadre réglementaire de l’IA.

Innovation contre régulation : un équilibre difficile à trouver

Un débat intense a opposé deux blocs au sein de l’Union. D’un côté, les pays pro-innovation, tels que la France et l’Allemagne, ont plaidé pour une réglementation flexible afin de favoriser l’émergence de start-ups locales, à l’image de Mistral AI. De l’autre, des États comme l’Espagne et la Belgique ont défendu une tradition de régulation stricte pour garantir la protection des droits d’auteur et éviter les dérives.

La transparence des données d’entraînement des IA a constitué un point de friction majeur. La France, par exemple, redoute que cette transparence entraîne une concurrence déloyale, mais les acteurs culturels y voient un moyen pour les ayants droit de vérifier l’utilisation de leurs œuvres. Ce règlement, qui pourrait être repris au niveau mondial, rappelle la volonté de l’Europe d’établir des standards juridiques pour les technologies émergentes, un peu comme elle l’a fait avec le RGPD pour la protection des données.

L’AI Act fait de l’Europe un pionnier de la régulation technologique, un modèle potentiellement global.

Les eurodéputés espèrent que ce cadre, premier en son genre, sera finalisé avant les élections européennes. Cette loi pourrait placer l’Europe en position de leader sur la scène technologique mondiale, avec un modèle alliant innovation et protection des droits fondamentaux.

Crédits photo : Wikimedia Commons

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