L’Eurovision : entre vitrine queer en Europe et enjeux politiques

Comment l’eurovision permet-t-il de donner une visibilité aux cultures queer ?

En 2020, la Hongrie a annoncé son retrait du tournoi musical de l’Eurovision. Dans le même temps, András Bencsik, rédacteur en chef d’un journal pro-gouvernemental qualifiait cet événement comme une “flottille homosexuelle” où se retrouvent des “travestis et des femmes barbues qui hurlent”. L’Eurovision s’est imposé comme un rendez-vous de premier plan dans la culture artistique LGBTQ+. Ce concours musical, diffusé dans des dizaines de pays, a vu émerger des figures devenues emblématiques pour la communauté queer, comme Dana International ou Conchita Wurst. Néanmoins, cette forte adhésion soulève aujourd’hui des questions sur la nature de ce lien : est-ce un simple espace d’expression artistique ou un marqueur culturel pour les identités LGBTQ+ en Europe et au-delà ?

Dès les années 1990, certaines prestations ont introduit des éléments relevant explicitement de l’univers queer, à une époque où les représentations LGBTQ+ étaient encore peu présentes à la télévision grand public. En 1998, la victoire de Dana International, première artiste trans à remporter le concours, constitue une rupture symbolique forte, largement commentée dans la presse internationale. Elle marque une reconnaissance inédite, mais également une exposition qui n’est pas sans controverse.

Au-delà de figures iconiques, l’Eurovision offre un cadre où la diversité des identités de genre et des orientations sexuelles est de plus en plus présente. Cela passe notamment par le biais des paroles de chansons, les choix scéniques ou les messages portés par les artistes. En témoigne la chanson parodique “You’re good to go” de Lynda Woodruff : “He is a heterosexual man in a homosexual world” lors de l’édition 2024. Cet espace, perçu comme relativement libre, entre en contraste avec les réalités vécues dans certains pays représentés, où les droits des personnes LGBTQ+ sont encore limités, voire menacés.  Ainsi, au Royaume Uni, en avril 2025 la Cour suprême a décidé d’exclure les femmes trans de la définition juridique du terme “femme”. Ce paradoxe alimente une double lecture : d’un côté, le concours agit comme un levier de normalisation et de visibilité ; de l’autre, il révèle les écarts persistants entre les discours inclusifs et les politiques nationales. L’interdiction annoncée des drapeaux LGBTQ+ sur scène lors de l’édition 2025 illustre cette contradiction, suscitant de vives réactions face à ce durcissement du règlement.

Les soirées de diffusion, les débats en ligne, les communautés de fans renforcent l’idée d’un événement fédérateur, qui va au-delà de la musique pour devenir un moment de rassemblement autour de valeurs d’ouverture. Cependant, cette adhésion n’est pas exempte de critiques. La chercheuse Jessica Carniel y voit une forme de récupération commerciale de l’esthétique queer, pratique aussi appelée queerbaiting. L’Eurovision apparaîtrait ainsi, par moment, déconnecté des revendications politiques à l’origine de certaines prestations.

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