Surnommé le “château d’eau de l’Asie”, le plateau Himalayen s’étire sur plus de 2000 km, ses glaciers alimentent des fleuves parmi les plus longs au monde comme le Mékong, l’Indus ou le Gange, qui fournissent de l’eau pour presque la moitié de l’humanité notamment des millions d’agriculteurs de subsistance, et irriguent des productions exportatrices majeures de coton ou de riz. Le réchauffement climatique accélère la fonte des glaces et des neiges, perturbe les moussons, cause sécheresses et catastrophes naturelles. Les moussons d’août 2018 ont par exemple fait des centaines de morts et plus de 700 000 déplacés en Inde, ces épisodes sont voués à augmenter en puissance et imprévisibilité.
La stratégie hydrique des Etats de la région est vitale pour chacun et les tensions fréquentes. À part le Gange, les grands fleuves himalayens ont tous leur source en Chine, qui peut contrôler le débit en eau grâce à ses barrages en amont aux dépens des pays en aval comme le Bangladesh ou le Laos. En amont, le Bhoutan et le Népal sont sous la pression de la Chine et l’Inde, dont leurs infrastructures énergétiques dépendent. Pékin, qui a une avance technologique sur ses voisins, a par exemple annoncé fin 2024 le projet du plus grand barrage au monde avec une capacité de 60 GWh, très critiqué au vu de ses impacts sociaux, environnementaux et de l’activité sismique du plateau. Pékin invoque sa transition énergétique et ses besoins en eau pour soutenir sa croissance alors que sa ressource en eau par habitant a été divisée par 2 en 60 ans et est très inégale entre nord et sud. Le rival Indien craint une militarisation des projets chinois qui pourrait, en cas de conflit, créer des crues artificielles destructrices.
Les perspectives pour la région sont maigres, notamment pour l’Indus dont le Pakistan, en aval de l’Inde, dépend à 60%. La coopération est fragile entre les deux pays en profonde crise de l’eau alors que l’Inde a suspendu sa participation au traité de l’Indus le 22 avril 2025 en réponse à un attentat meurtrier dans le Cachemire Indien. Si Islamabad a dénoncé un “acte de guerre” de New Delhi, des experts comme Jean-Michel Valantin craignent à l’avenir des “guerres de l’eau” et des migrations de populations inédites.