L’Italie de Meloni : miracle économique en marche ou poudre aux yeux ?

À première vue, les chiffres font rougir Bruxelles : un déficit public compressé de 7,2 % à 3,4 % du PIB en un an, un chômage ramené à 5,9 %, son niveau le plus bas depuis vingt ans, et une dette stabilisée malgré la remontée des taux. La péninsule italienne, longtemps maillon faible de la zone euro, affiche soudainement la meilleure trajectoire budgétaire des pays du Sud. Portée par une inflation qui gonfle les recettes et par une austérité ciblée, la Première ministre Giorgia Meloni brandit cette « rimonta » comme la preuve d’un tournant vertueux : comptes sous contrôle, emploi en hausse et croissance. Même le marché obligataire accorde un répit en abaissant les spreads (écart du taux d’emprunt entre les pays de la zone euro). Bref, l’Italie semble avoir rompu avec ses vieux démons.

Pour comprendre cette embellie, il faut regarder sous le capot. Premier levier : la fin du superbonus, crédit d’impôt couvrant jusqu’à 110 % des rénovations, suspendu en 2024 ; il retire près de 20 milliards d’euros de dépenses futures et assainit les comptes. Deuxième levier : un cocktail pro-offre. Un taux unique de 23 % à l’impôt sur le revenu, des allègements de charges sur les bas salaires et un impôt réduit pour les bénéfices réinvestis. De prime abord, c’est un véritable bol d’air pour les PME et les ménages, mais cela représente 15 milliards d’euros par an, ce qui complique le retour sous les 3 % de déficit en 2026. Troisième soutien à l’économie italienne : les privatisations partielles (La Poste, ENI) et près de  100 milliards d’euros de fonds européens (négociés sous le gouvernement de Giuseppe Conte). Ces flux irriguent l’économie et boostent le bilan de Giorgia Meloni.

Côté extérieur, Meloni mise sur le plan Mattei : 5,5 milliards d’euros promis dans 14 pays africains pour freiner les départs de migrants et sécuriser le gaz. À mi-2025, moins de 2 milliards sont engagés et le corridor ferroviaire de Lobito reliant la Zambie, l’Angola et la RDC reste surtout symbolique.

La vraie ombre vient cependant de Washington. Pour solder la dispute commerciale transatlantique, Meloni juge « acceptable » une surtaxe douanière générale de 10 %. L’Italie, dont les exportations représentent un tiers de son PIB et dont les trois quarts de ses excédents commerciaux proviennent des États-Unis, va inévitablement pâtir d’une hausse des droits de douane. Une telle mesure coûterait jusqu’à 0,5 point de PIB selon Confindustria (le Medef italien). En échange, l’Italie s’est engagée à hisser ses dépenses de défense à 5 % du PIB d’ici 2035 – un effort colossal dans un pays déjà endetté à 135 % du PIB.

Sous la surface lustrée demeurent donc de vieux démons : productivité stagnante, salaires réels comprimés, fossé Nord-Sud et vieillissement accéléré. La croissance potentielle dépasse à peine 1 %, trop faible pour stabiliser durablement la dette. En clair, l’Italie bénéficie d’une embellie comptable et d’une stabilité politique rare, mais son modèle reste vulnérable au premier choc externe – tarifs américains, ralentissement de l’économie européenne ou nouvelle hausse des taux d’intérêt.

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