Si des accords existent, leur portée reste limitée en raison de profondes tensions interétatiques. Par ailleurs, l’implication des États-Unis dans la lutte antidrogue transforme ce combat en un levier stratégique d’influence sur la scène latino-américaine.
Dans les années 1970, les États-Unis lancent la « war on drugs », apportant aide financière et stratégique aux États du Sud. L’objectif : éradiquer les cultures illicites à la source, notamment via la militarisation des pays producteurs. En Amérique latine, cette stratégie se concrétise à travers des accords bilatéraux sécuritaires, comme le Plan Colombie (2000) ou l’Initiative Mérida au Mexique (2008). Mais plus de vingt ans plus tard, les flux de drogue n’ont pas diminué, et les cartels se sont renforcés, exacerbant les tensions sociales et territoriales. Face à cet échec, dès 2013, les États latino-américains contestent la légitimité de la politique de prohibition défendue à l’échelle internationale. En 2016, à l’UNGASS, les présidents de Colombie, du Mexique et du Guatemala appellent à une refonte des politiques antidrogue. Ils dénoncent une approche déséquilibrée, où les pays producteurs supportent l’essentiel des conséquences d’un marché tiré par la demande du Nord.
Depuis, l’Amérique du Sud affiche une volonté croissante de s’émanciper de la tutelle américaine. Des accords régionaux émergent autour du partage d’informations, de la lutte contre le blanchiment ou de la reconversion économique des zones rurales dépendantes des cultures illicites. Mais cette autonomie reste partielle : les États demeurent largement dépendants des financements américains, notamment pour l’achat d’armes et la formation des forces de sécurité, ce qui conforte l’influence stratégique des États-Unis dans la région.Les avancées régionales sont également freinées par de profondes tensions géopolitiques. En avril 2024, le Mexique rompt ses relations diplomatiques avec l’Équateur, rendant toute coopération multilatérale avec ce pays impossible. La Colombie accuse régulièrement le Venezuela de soutenir des groupes criminels liés au trafic. À l’inverse, certains États, comme l’Uruguay, adoptent des approches alternatives en légalisant le cannabis en 2013 pour en contrôler le marché. Ces tensions reflètent les désaccords profonds sur la manière de mener la lutte contre les cartels, entre maintien de l’ordre répressif et approches alternatives.