Des films ou des séries dont la familiarité et la prévisibilité nous rassurent et calment notre anxiété, une façon de nous couper d’un environnement stressant en nous réfugiant dans une certaine nostalgie, source de plaisir. Nos films préférés ne changent pas, et c’est en grande partie pour cela qu’on les aime autant.
Avec le développement des médias et l’apparition des plateformes de streaming, il n’a jamais été aussi facile de revoir nos films et séries préférés. Une chose est sûre : nous ne nous en privons pas. Plusieurs facteurs expliquent notre tendance à regarder nos comfort movies sans nous lasser, au point d’en connaître chaque scène et chaque réplique. Parmi ceux-ci, citons le plaisir de la répétition et de la prévisibilité. Regarder un même programme nous procure du plaisir (parfois coupable), mais revoir un film, c’est aussi en connaître la fin, et ça, notre cerveau adore, surtout lorsque nous traversons une période stressante. Le fait de revoir un film ou une série permet d’éviter un moment anxiogène lié à l’incertitude du dénouement. Le comfort watching crée ainsi un sentiment de sécurité et apporte une forme de stabilité, ce qui explique pourquoi cette habitude s’est particulièrement intensifiée pendant la période du Covid-19. Des programmes, terminés parfois des années plus tôt, ont soudainement connu un regain d’intérêt lors de cette période d’incertitudes. C’est notamment le cas de The Office (2005–2013), qui a été la série la plus regardée sur Netflix en 2020.
Cette volonté d’échapper à l’anxiété se manifeste aussi dans le choix du film à visionner. Opter pour un programme déjà connu permet d’éviter la surcharge liée à l’abondance des options disponibles sur les plateformes de streaming. Comme pour le choix d’un plat dans un restaurant, lorsque notre cerveau est soumis à une certaine pression, il tend à privilégier la familiarité plutôt que la découverte de nouvelles choses, ce qui explique que nous revenons plus facilement vers des films ou séries déjà visionnés.
Si nous percevons positivement l’expérience de revoir certains films, c’est aussi parce qu’elle nous permet d’autoréguler nos émotions. En revisitant nos films-doudous, nous parvenons plus facilement à repérer les passages qui nous procurent du plaisir et à savourer pleinement les émotions positives que nous recherchons. Les scènes que nous aimons le moins sont, quant à elles, moins redoutées, voire ignorées, ce qui nous permet de nous concentrer uniquement sur les moments les plus gratifiants. Revisionner est donc une façon de faire le tri dans le rayon des émotions pour ne garder que les positives.
En parlant d’émotions, des chercheurs ont observé que celles-ci pouvaient s’intensifier lorsqu’on renouvelle une expérience comme relire un livre ou revoir un film. Cette “hyperréactivité” générée par un revisionnage se traduit par une accentuation profonde et accrue des sens et des sentiments. Revoir un film ou une série permet ainsi de revivre une expérience positive avec une intensité souvent supérieure à la première vision. Cet effet est encore amplifié lorsque l’on découvre des détails que nous avions manqués lors du premier visionnage.
Le sentiment de nostalgie explique aussi cette habitude. Des études ont démontré que, pour beaucoup, regarder une nouvelle fois leur feuilleton préféré signifiait se replonger dans un moment et une émotion passés. Certains films peuvent être associés à un souvenir réconfortant et à des personnes avec qui nous les avons partagés. Ainsi, revisionner un film que nous aimons peut raviver ce souvenir et nous procurer un sentiment d’apaisement et de plaisir. En quelque sorte, revoir un film ou une série est un moyen de s’évader dans un passé réconfortant. Ce refuge dans la nostalgie, si profondément ressenti, est même devenu une véritable stratégie commerciale pour l’industrie du cinéma et les plateformes de streaming. La multiplication des “reboots” et des “revivals” ces dernières années — comme Dune (2021–2024), Top Gun : Maverick (2022) ou encore Superman (2025) — illustre comment les studios exploitent ce lien affectif avec le passé pour séduire le public et créer une expérience émotionnelle familière.Revoir sans cesse nos films-doudous est généralement une expérience agréable et réconfortante, mais les psychologues soulignent que cet usage peut présenter certains effets négatifs. S’abriter trop souvent derrière nos œuvres préférées risque d’empêcher notre cerveau d’explorer de nouvelles histoires et de se confronter à de nouvelles expériences, dont il a pourtant besoin. Regardez Pride and Prejudice, mais pas tous les jours…