À partir du XVe siècle, des empires coloniaux européens émergent et avec eux débute l’esclavage des populations autochtones d’Afrique et d’Amérique. De nombreux chercheurs comme Jean-Pierre Lycops parlent de “génocide culturel”, dans la mesure où les colons mettent tout en œuvre pour éliminer la culture, l’identité et les caractéristiques distinctives de ces peuples. Dans la littérature, cette ségrégation est d’autant plus visible. Elle se traduit par la hiérarchisation des œuvres littéraires avec d’un côté, la littérature française, centrée sur Paris et présentée comme universelle, et de l’autre, la littérature francophone, soit celle écrite en langue française par des auteurs non métropolitains. Ces écrivains francophones sont souvent marginalisés, leur lieu de résidence servant de marqueur d’exclusion.
En 1958, l’Encyclopédie de la Pléiade désignait ces œuvres comme des « littératures connexes ». Cette expression souligne cette vision de la littérature francophone comme une périphérie, une version inférieure à la production littéraire métropolitaine. Cette hiérarchisation de la littérature est dénoncée par l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou dans sa tribune « La francophonie, oui, le ghetto : non ! » publiée dans Le Monde en 2006. Il y dénonce la marginalisation systématique des écrits hors métropole, comparés et rabaissés face aux œuvres dites françaises.
Aujourd’hui, le terme francophone est remis en question sur deux aspects différents. L’un est sémantique, du fait de la connotation péjorative qui lui est associée. L’autre est culturel, puisque l’on peut s’interroger sur la pertinence d’avoir deux catégories d’auteurs. Le terme “francophone” implique une dimension unitaire, alors que la production littéraire et la richesse culturo-linguistique de ces pays sont profondément différentes. C’est pourquoi des expressions comme “littératures en langue française » ou “écrivain en expression française” sont désormais privilégiées. Elles permettent une plus grande reconnaissance des auteurs en langue française, insistant sur le plurilinguisme de ces littératures, et non sur une hiérarchie postcoloniale infondée.