Que signifie l’expression “culture du viol” ?

En 1993, Émilie Bunchwald, Pamela R. Fletcher et Martha Roth définissent la «culture du viol» (ou rape culture) comme des discours et normes dominants d’une société dans laquelle le viol est un fait de la vie, au même titre que la mort ou les impôts. Ce concept sociologique né dans les milieux féministes étatsuniens renvoie à la banalisation, la minimisation voire la justification du viol et des agressions sexuelles au sein d'une société. Depuis #Metoo, l’expression «culture du viol» est sortie des cercles militants et universitaires. Elle est employée dans les médias par les journalistes eux-mêmes comme par les institutions telles que l’ONU Femmes.

Le concept de rape culture s’est construit progressivement aux États-Unis dans un contexte d’éveil féministe. En 1963, Betty Friedan publie The Feminine Mystique ; où elle formule l’idée selon laquelle le personnel est politique. Cette expression est, ensuite, popularisée par Carol Hanisch, Shulamith Firestone et Anne Koedt. Ainsi, des penseuses féministes relient les violences sexuelles à des dynamiques structurelles et culturelles. Dès 1971, Susan Griffin, femme de lettres féministe étatsunienne, met en lumière l’imbrication entre culture de guerre, sexualité hétérosexuelle et viol, soulignant que la société apprend aux hommes à violer.


La culture populaire devient alors un champ d’analyse critique : les représentations cinématographiques du viol, analysées notamment par Molly Haskell et Lynne Farrow, montrent que le viol est souvent banalisé, justifié, voire valorisé dans les récits fictifs. Dans la série Gossip Girl, Chuck Bass commet une tentative de viol dès le premier épisode (et c’est loin d’être l’unique fait de violence du personnage), ce qui ne l’empêche pas de devenir l’un des personnages principaux les très appréciés par le public.


La culture du viol est également présente dans les discours médiatiques. Lynne Farrow, de son côté, emploie pour la première fois l’expression « rape culture » en 1974, sans en proposer une définition. C’est le documentaire Rape Culture (1975), ainsi que le livre Against Our Will de Susan Brownmiller, qui ancrent véritablement le concept en affirmant que le viol constitue un outil de domination masculine généralisée. La notion prend donc forme : elle repose sur l’idée que les violences sexuelles sont enracinées dans un système social et culturel qui les tolère, les encourage ou les banalise.


Dès lors, la culture du viol ne désigne pas seulement des actes individuels, mais un ensemble de croyances, pratiques et représentations collectives qui contribuent à maintenir les femmes dans un état de peur permanent. Cette vision est consolidée dans les décennies suivantes, jusqu’à la publication en 1993 de Transforming a Rape Culture (Bunchwald et al.), qui en propose une définition claire et synthétique. Le concept est toujours pertinent aujourd’hui. Entre septembre et décembre 2024, au moment du procès, l’affaire des viols de Mazan a largement été qualifié de «procès de la culture du viol».

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