L’externalisation de l’asile vise à déléguer la responsabilité d’accueillir les demandeurs d’asile à un autre pays. Ces pratiques se basent sur le principe que cette responsabilité est territoriale, et vise, donc, à empêcher qu’ils atteignent le territoire italien. L’Italie n’en est pas à sa première collaboration avec la Libye afin d’empêcher les migrants d’arriver sur son territoire. Un premier accord entre les deux pays avait vu le jour en 2007, permettant les pratiques de “pushbacks”. Les navires italiens interceptaient les migrants pour les ramener de force à leur point de départ en Libye. La CEDH avait condamné cette pratique en 2012 dans l’arrêt historique “Hirsi Jamaa”. Elle avait fait exception au principe de responsabilité territoriale, car les autorités italiennes avaient un contrôle physique sur ces migrants. Avec ces pratiques, l’Italie avait enfreint le principe de non-refoulement, pour avoir renvoyé des personnes en Libye, où elles pourraient être soumises à des traitements inhumains par les autorités libyennes. De plus, les défaillances du système d’asile créent un risque de refoulement en chaîne.
En réponse à ce jugement, les pratiques italiennes ont évolué vers des “pullbacks”. Les autorités libyennes, financées et formées par l’Italie, interceptent et ramènent les migrants en Libye. De cette façon, l’Italie n’exerce aucun contrôle physique sur les migrants et se départit de toutes responsabilités. Les pullsbacks et pushbacks partagent les mêmes risques pour les migrants retournés en Libye. Les rescapés de l’affaire SS et autres considèrent qu’il s’agit d’une pratique de refoulement par procuration.
La CEDH s’en est cependant tenue à une interprétation traditionnelle de sa jurisprudence, jugeant que le contrôle insuffisant de l’Italie sur la situation écartait sa responsabilité. La Cour a tout de même admis que cette décision pouvait sembler “insatisfaisante aux yeux des requérants”. Sa publication survient seulement trois semaines après celle de la lettre ouverte de neuf pays, menés par l’Italie et le Danemark, demandant à la Cour plus d’autonomie pour contrôler l’immigration, même si le nombre de migrants, lui, ne baisse pas.