Ce désenchantement trouverait d’abord son origine dans la croyance qu’il existe une femme idéale et un prince charmant quelque part sur cette terre. Vivre heureux jusqu’à la fin des temps : ce récit a imprégné nos imaginaires. Pour le philosophe André Comte-Sponville, interrogé dans le podcast Adulescence, l’amour commence sur de saines bases en acceptant que ces idéaux n’existent pas, y compris l’idéal du couple. Celui-ci n’a jamais empêché personne d’être malheureux ou de s’ennuyer. Ce point de vue permet à chacun d’accueillir les imperfections de l’autre.
Cette difficulté vient en rencontrer une autre. De longues années durant, le couple (et l’amour) ont été les lieux qui ont emprisonné les femmes dans des rôles domestiques, dépendant des hommes et peu valorisés. Les écrits féministes incitent à la prudence, face au couple hétérosexuel. Additionné à cela, l’auteure Chloé Thibaud, dans son ouvrage Désirer la violence analyse la pop culture en tant que catalysatrice des violences faites aux femmes. Les récits contemporains inciteraient donc les femmes à attendre un bad boy, et à confondre la violence et la passion amoureuse…
De son côté, la sociologue Eva Illouz souligne la tendance sociétale actuelle à multiplier les choix, dont l’illustration évidente est la prolifération des sites de rencontre. L’amour ressemblerait à un achat sur une étagère : le client choisit entre des options multiples, comparées et sous-pesées. Se lancer dans une relation devient alors moins naturel, et attribuer une valeur à l’autre est plus ardu.
Si ce diagnostic sociétal peut sembler déprimant, il ne s’agirait pas de considérer ces écrits comme des appels à renoncer à l’amour. Conserver son esprit critique en alerte quant aux rapports de force en amour relève d’une nécessité, qui peut empêcher des actes de violence d’être commis.
Fort de ces nouvelles considérations, l’amour permettra de laisser nos cœurs briller, d’aider, soutenir, et, qui sait, amorcer des révolutions.