Réalignement Macroniste : la France peut-elle encore peser dans le monde arabe ?

Emmanuel Macron tente-t-il de renouveler une politique arabe française fondée sur l’autonomie stratégique, à l’image de la tradition gaullienne, tout en l’adaptant aux réalités d’un ordre multipolaire ?

Dès le début de son second quinquennat, Macron multiplie les gestes envers le monde arabe. Affirmant croire au rôle de la France au Moyen-Orient, il prône une diplomatie de l’«équilibre», marquant une prise de distance progressive avec l’alignement ipso facto sur les positions américaines. Face à l’escalade israélo-palestinienne d’octobre 2023, il condamne le Hamas tout en appelant à une réponse « proportionnée » d’Israël. Posture jugée ambiguë, mais traduisant une volonté d’exister diplomatiquement entre les camps. En avril 2025, il s’est rendu à Arich, pour plaider la réouverture des corridors de Rafah. En mai, un cap franchi en recevant Al-Sharaaprésident syrien par intérim – une figure controversée – assumée comme un pari sur une diplomatie de transition, malgré les critiques à droite.

Paris tente de conjuguer influence et indépendance, dans la lignée d’une tradition diplomatique française ancienne. En 1967, de Gaulle dénonçait l’offensive israélienne pendant la guerre des Six Jours et lançait une politique arabe fondée sur l’autonomie stratégique. Aujourd’hui, Macron reprend certains de ces codes : prudence face à l’agenda américain, défense de la souveraineté arabe, soutien à une solution politique régionale. Mais le contexte a changé : l’influence se mesure aussi en contrats, drones et coalitions. Peut-on dès lors parler de “néo-gaullisme pragmatique” ? 

Le président articule autonomie diplomatique et projection de puissance dans un environnement multipolaire, où la France est en compétition directe. Contrairement à ses prédécesseurs plus alignés ou plus discrets, Macron mise sur une présence active : partenariats sécuritaires, investissements ciblés, repositionnement stratégique. Il renforce les liens militaires avec les Émirats, relance le dialogue avec le Maroc après les tensions de 2021, et se rapproche de l’Égypte. Ce tropisme arabe français, ravivé malgré les crispations nées des attentats du 11 septembre et du climat sécuritaire qui s’en est suivi, vise à redonner à la France une voix dans une région profondément fragmentée. Mais ce pari d’autonomie stratégique se heurte à des limites. Primo, les États-Unis restent incontournables. Secundo, de nouveaux compétiteurs comme la Chine, la Russie ou la Turquie avancent leurs pions dans la région, souvent avec plus de moyens ou de brutalité. Face à cette surenchère d’influence, le discours français tente de rester audible, même si son efficacité demeure relative.

 En recevant Al-Sharaa, Macron tente une manœuvre audacieuse : redonner à la France une position de médiateur crédible, dans un moment de recomposition post-Assad. Mais à l’heure où la géopolitique se joue autant sur TikTok que dans les chancelleries, le défi est immense : faire vivre un idéal diplomatique dans un monde saturé de rapports de force.

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