Paris tente de conjuguer influence et indépendance, dans la lignée d’une tradition diplomatique française ancienne. En 1967, de Gaulle dénonçait l’offensive israélienne pendant la guerre des Six Jours et lançait une politique arabe fondée sur l’autonomie stratégique. Aujourd’hui, Macron reprend certains de ces codes : prudence face à l’agenda américain, défense de la souveraineté arabe, soutien à une solution politique régionale. Mais le contexte a changé : l’influence se mesure aussi en contrats, drones et coalitions. Peut-on dès lors parler de “néo-gaullisme pragmatique” ?
Le président articule autonomie diplomatique et projection de puissance dans un environnement multipolaire, où la France est en compétition directe. Contrairement à ses prédécesseurs plus alignés ou plus discrets, Macron mise sur une présence active : partenariats sécuritaires, investissements ciblés, repositionnement stratégique. Il renforce les liens militaires avec les Émirats, relance le dialogue avec le Maroc après les tensions de 2021, et se rapproche de l’Égypte. Ce tropisme arabe français, ravivé malgré les crispations nées des attentats du 11 septembre et du climat sécuritaire qui s’en est suivi, vise à redonner à la France une voix dans une région profondément fragmentée. Mais ce pari d’autonomie stratégique se heurte à des limites. Primo, les États-Unis restent incontournables. Secundo, de nouveaux compétiteurs comme la Chine, la Russie ou la Turquie avancent leurs pions dans la région, souvent avec plus de moyens ou de brutalité. Face à cette surenchère d’influence, le discours français tente de rester audible, même si son efficacité demeure relative.
En recevant Al-Sharaa, Macron tente une manœuvre audacieuse : redonner à la France une position de médiateur crédible, dans un moment de recomposition post-Assad. Mais à l’heure où la géopolitique se joue autant sur TikTok que dans les chancelleries, le défi est immense : faire vivre un idéal diplomatique dans un monde saturé de rapports de force.