Révolution Bitcoin: Les monnaies numériques sapent-elles l’ordre économique global ?

Les cryptomonnaies rendent-elles obsolètes les cadres d’action des institutions internationales ?

Face aux sanctions occidentales, plusieurs États désignés comme la Russie, l’Iran, la Corée du Nord ou encore le Venezuela mobilisent les cryptomonnaies pour commercer en dehors du cadre financier mondial. À Moscou, des entreprises publiques recourent au Bitcoin, à l’Ether ou au Tether pour vendre des hydrocarbures sans passer par le dollar ni le système SWIFT, via des plateformes souvent hors de portée des régulateurs. Si le Groupe d’Action Financière (GAFI), l’organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, peine à faire appliquer ses normes et que peu de juridictions ont légiféré, les cryptos restent davantage des actifs spéculatifs que des devises d’échange, freinant leur efficacité comme alternative systémique.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les Occidentaux ont progressivement renforcé leur régime de sanctions contre Moscou. L’objectif principal est de limiter ses revenus énergétiques. Ainsi, plusieurs banques russes ont été exclues du réseau interbancaire SWIFT. Les avoirs de la Banque centrale ont aussi été gelés. Ces mesures ont profondément modifié les circuits traditionnels du commerce international russe. Entre janvier et octobre 2024, ses revenus tirés du pétrole et du gaz ont reculé de près de 40 % par rapport à 2022. Dans ce contexte, les cryptomonnaies ont émergé comme une alternative attirante : échappant au contrôle des États, reposant sur des infrastructures décentralisées, elles promettent un mode de transaction difficilement saisissable par les sanctions traditionnelles.

Pourtant, ces ambitions se heurtent à plusieurs obstacles. Les entreprises européennes sont tenues de refuser tout paiement en cryptomonnaies dès lors qu’il implique des entités rattachées au secteur militaire russe, par exemple. La Chine, partenaire stratégique de la Russie sur d’autres plans, maintient une interdiction quasi totale des cryptomonnaies sur son sol. L’usage des cryptomonnaies est également répandu au Venezuela, confronté à des sanctions internationales renforcées depuis la réélection de Maduro. En avril 2024, l’agence Reuters rapportait que PDVSA, la compagnie pétrolière nationale, prévoyait de recourir davantage à l’utilisation des cryptomonnaies, dont le Tether (USDT), pour ses exportations de pétrole brut. Ce procédé permet à l’entreprise de contourner les sanctions américaines en recevant les paiements à l’extérieur du circuit bancaire traditionnel.

Sous sanctions depuis des décennies, Téhéran a aussi autorisé dès 2022 l’usage des cryptos pour certaines importations. Mais là encore, les volumes demeurent faibles et les acteurs étrangers prudents, redoutant d’enfreindre la législation américaine. La transparence inhérente à la technologie blockchain, qui enregistre chaque transaction publiquement, complique les tentatives de dissimulation. Si les cryptomonnaies permettent d’exister en marge du système financier mondial, elles ne garantissent pas l’opacité ni l’impunité.

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