Comment l’eau au Moyen-Orient peut devenir un levier de coopération ?

La rareté de l’eau au Moyen-Orient en fait un enjeu stratégique majeur, alimentant tensions et rivalités entre États. Pourtant, au-delà des conflits, cette ressource peut aussi devenir un moteur de coopération. La mise en place d’accords de gestion partagée, l’optimisation des usages et les dynamiques d’interdépendance offrent des perspectives pour transformer ces tensions en opportunités.

 Les choix faits aujourd’hui sur la gestion de cette ressource précieuse détermineront la stabilité politique et écologique des décennies à venir.

 L’eau douce est inégalement répartie au Moyen-Orient, région marquée par la « diagonale de la soif », une expression popularisée par Franck Galland. Cette diagonale s’étend de  Gibraltar à la Chine, en passant par l’Irak, la Syrie ou l’Arabie Saoudite. D’ici 2030, la demande mondiale en eau pourrait dépasser les disponibilités de 40 %, selon les experts du Programme des Nations unies pour l’évaluation des ressources en eau. Cette rareté suscite des tensions. Pour l’Égypte, le barrage de la Renaissance construit par l’Éthiopie sur le Nil est perçu comme une menace existentielle, l’Égypte dépendant à 90 % du fleuve. De même, Israël et la Palestine se disputent l’accès aux ressources hydriques du Jourdain et des aquifères souterrains, Israël exerçant un contrôle majeur via son National Water Carrier. En parallèle, la Turquie, grâce au projet GAP et au barrage Atatürk, régule le débit de l’Euphrate et du Tigre, influençant directement la Syrie et l’Irak. L’eau devient ainsi un instrument de domination.

Cependant, l’eau est aussi une opportunité de coopération. Comme l’explique David Blanchon, « si l’on se bat parfois pour l’eau, on se bat le plus souvent avec l’eau ». L’exemple du fleuve Sénégal illustre cette dynamique : Guinée, Sénégal, Mali, Mauritanie partagent infrastructures et bénéfices sous une gouvernance commune. Un modèle similaire pourrait inspirer le Moyen-Orient. Le concept d’« eau virtuelle », introduit par Anthony Allan, qui mesure la consommation d’eau nécessaire à la production de biens, offre une autre perspective, encourageant les États à importer des denrées agricoles plutôt que d’épuiser leurs ressources. 

Malgré ces exemples positifs, de nombreux obstacles demeurent. La marchandisation de l’eau, illustrée par l’introduction en bourse de contrats à court terme, suscite des inquiétudes. Ces contrats permettent aux investisseurs de spéculer sur le prix de l’eau, ce qui pourrait aggraver les inégalités d’accès à cette ressource. Selon Aaron Wolf, une action régionale concertée est nécessaire : investissements dans les infrastructures, gestion durable et solidarité internationale sont les clés pour transformer l’eau, facteur de crise, en moteur de coopération.

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