L’Union européenne peut-elle réellement se détacher de l’influence américaine en matière de défense ?

L’Europe ne sera souveraine que lorsqu’elle coupera le cordon militaire : Peut-on bâtir une défense sans l’ombre des États-Unis ?

Depuis 2020, les pays européens membres de l’OTAN ont renforcé leur dépendance vis-à-vis des États-Unis, important 64 % de leur armement contre 52% entre 2015 et 2019. Près de 500 avions F-35 ont été commandés, tandis que des domaines clés comme le commandement, le ravitaillement et la défense anti-aérienne restent largement sous contrôle américain. L’Union européenne (UE) a pourtant adopté en 2022 une "boussole stratégique", censée orienter sa montée en puissance militaire, mais les progrès vers une autonomie réelle demeurent timides. Un signal encourageant a été donné en novembre 2024 : dix-huit États ont signé des lettres d’intention pour développer conjointement des capacités stratégiques telles que des systèmes de défense aérienne ou de guerre électronique.

L’Union européenne ambitionne de réduire sa dépendance militaire vis-à-vis des États-Unis, mais l’autonomie stratégique reste un objectif lointain. Héritée de la guerre froide, la sécurité du continent repose encore largement sur le parapluie américain : en 2021, Washington assurait 69 % des capacités de transport stratégique de l’OTAN et 95 % des moyens de reconnaissance et de surveillance. Malgré l’adoption de la boussole stratégique en 2022, les efforts européens de défense restent morcelés, freinés par des intérêts nationaux divergents, des moyens limités, et un manque de coordination.

Le Fonds européen de défense (8 milliards d’euros sur sept ans) incarne cette ambition mais peine à stimuler une vraie mutualisation. Le manque d’un budget commun contraignant, l’absence de levier fiscal européen et la complexité des critères de cofinancement freinent l’émergence de projets structurants. En 2024, les dépenses nationales ont atteint 326 milliards d’euros, mais face aux 886 milliards de dollars du budget militaire américain en 2023, l’écart reste abyssal. De plus, les achats d’équipements reflètent une dépendance persistante, la Pologne a commandé 32 F-35 et 500 HIMARS aux États-Unis ; l’Allemagne consacre 100 milliards d’euros à son réarmement, principalement tourné vers l’industrie américaine. Les divergences stratégiques pèsent, certains États misent sur l’OTAN comme unique garantie, d’autres, comme la France, prônent une autonomie accrue.


Les initiatives européennes, comme l’Initiative d’intervention lancée en 2018, peinent à s’imposer. En 2024, dix-huit pays ont signé des lettres d’intention pour des capacités communes (défense aérienne, guerre électronique, commandement), mais la fragmentation industrielle reste un frein avec 178 systèmes d’armement coexistant dans l’UE contre une trentaine aux États-Unis. L’italien Mario Draghi appelle à une gouvernance et un financement coordonnés ; le Belge Theo Francken réclame une consolidation industrielle. Faute de volonté politique partagée, la souveraineté militaire européenne demeure une promesse plus qu’une réalité.

Vous aimez lire nos décryptages ?

Soutenez-nous ! Parce que nous sommes un média :

Nos Dernières Synthèses

Faut-il arbitrer les dépenses sociales et militaires en économie de guerre ?

Le gouvernement justifie la nécessité d’augmenter les dépenses militaires par l’...

La France renoue avec le nucléaire pour restaurer sa puissance : La relance du nucléaire est-elle la...

Face à la flambée des prix de l’énergie, aux tensions géopolitiques et à l’urgen...

Frontières françaises : Quelles sont les entreprises qui en profitent ?

Des investissements massifs dans les entreprises révèlent un véritable « bu...

Rejoignez notre communauté

Recevez chaque semaine nos derniers dossiers, grands entretiens et décryptages dans votre boite mail !