Après Assad : l’Europe face à la question du retour

Le renversement du régime syrien relance la question du retour des réfugiés. Comment les pays européens, sous l’influence croissante de l’extrême droite, réagissent-ils ?

Après Assad : l’Europe face à la question du retour

Le renversement du régime syrien relance la question du retour des réfugiés. Comment les pays européens, sous l’influence croissante de l’extrême droite, réagissent-ils ?

Le ministre de l’Intérieur autrichien Gerhard Karner annonçait, au lendemain de la chute du régime de Bachar Al-Assad le 8 décembre 2024, l’importance de réévaluer le statut des réfugiés syriens. Il affirmait que : « Dans ce contexte, [il avait] chargé le ministère de préparer un programme de rapatriement et d’expulsion vers la Syrie ».

De nombreux pays européens ont suivi cette approche, annonçant le gel des demandes d’asile, notamment l’Allemagne, la France, la Suède ou le Danemark. Bien que le nouveau régime au pouvoir semble vouloir rassurer la communauté internationale, il est important de rappeler que les dégâts infligés par le régime d’Assad et 13 ans de guerre civile ont laissé le pays fracturé, corrompu et traumatisé. Cette réaction interroge et illustre l’influence croissante de l’extrême droite en Europe.

La Syrie était, de fait, sous l’emprise d’un conflit interne violent depuis 2011. Celui-ci a débuté dans le contexte du Printemps arabe par des manifestations pacifiques contre le régime baasiste, réprimées dans le sang, avant de se transformer en rébellion armée. L’intensification des combats en 2015 a entraîné un exode massif, faisant 500 000 morts et provoquant la fuite de 6 millions de Syriens ainsi que le déplacement interne de 7 millions d’autres. Ce régime est finalement tombé le 8 décembre 2024, renversé par plusieurs organisations, dont Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant), dirigée par Ahmed Al-Charaa, alias Abou Mohammad Al-Joulani.

Si ce régime promet une pacification de la Syrie, un respect des minorités religieuses et une ouverture au dialogue international, le nouveau leader questionne. Les membres de HTC revendiquent aujourd’hui une idéologie « nationalisto-religieuse » et ont rompu avec les organisations auxquelles ils étaient affiliés, tel qu’Al-Qaida ou l’OEI. L’avenir de la Syrie depuis le renversement du 8 décembre 2024 est flou, tant sur la politique à venir, que sur sa capacité à se reconstruire et sur son système d’alliance. La Syrie ne garantit toujours pas les conditions de sécurité nécessaires à un retour sûr et digne des exilés, comme le rappelle l’UNHCR.

Malgré cette réalité, plusieurs dirigeants européens d’extrême droite se sont empressés d’instrumentaliser la situation. Sous couvert de sécurité, ils ont annoncé le gel des procédures de protection internationale, la révocation de titres de séjour et, dans certains cas, des programmes de rapatriement forcé. Si le droit international autorise, dans des contextes exceptionnels, un gel temporaire des demandes d’asile, la politique migratoire de la Turquie vis-à-vis des réfugiés syriens illustre les dérives possibles d’une telle suspension prolongée. Comme le souligne le CERS, l’absence d’un véritable statut d’asile – les Syriens étant accueillis comme “invités” sous régime de protection temporaire – engendre une insécurité juridique chronique, une précarisation sociale croissante, et alimente des tensions internes. Cette instabilité est d’autant plus préoccupante que la Turquie, confrontée à des enjeux économiques et politiques, instrumentalise de plus en plus la question migratoire comme levier diplomatique. Dans ce contexte, l’avenir des quelque trois millions de réfugiés syriens reste plus qu’incertain.

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