Cette nouvelle possible tentative de sabotage s’inscrit dans la continuité d’actions antérieures similaires menées par l’État russe depuis le début de la guerre en Ukraine pour affaiblir l’OTAN.
La flotte fantôme russe est une flotte parallèle permettant de contourner les sanctions occidentales. Elle constitue un atout dans la guerre hybride que mène la Russie contre l’OTAN, en mêlant actions militaires et non-militaires, d’ordre diplomatique, économique ou cybernétique. Pour ce faire, les navires de cette flotte usent de la méthode du pavillon de complaisance, battant le pavillon d’un autre pays que celui de leur propriétaire réel pour des raisons fiscales et normatives. Aujourd’hui, entre 60 et 70 % du pétrole russe serait acheminé par cette flotte. La mer Baltique, bordée par plusieurs pays de l’OTAN, représente un enjeu stratégique pour la Russie, voire une menace, particulièrement depuis l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’alliance en 2022 et en 2023. En décembre dernier, deux câbles de télécommunications ont été sectionnés dans les eaux suédoises. Un vraquier, soupçonné d’appartenir à cette flotte fantôme et battant pavillon chinois — un pays proche de la Russie sur la scène internationale —, est accusé d’en être à l’origine.
Cependant, la Russie connaît les limites juridiques de ces actions. À ce jour, aucune responsabilité pénale claire ne peut être engagée contre la Russie ou cette flotte fantôme. Pourtant, l’affaire de l’Eagle S. illustre la volonté des Occidentaux de réagir. La rapide intervention des gardes-côtes finlandais a permis d’arrêter le pétrolier en flagrant délit et de l’immobiliser. La sanction financière est lourde et immédiate pour le propriétaire du navire, sachant que l’affrètement d’un pétrolier peut coûter jusqu’à 70 000 dollars par jour. Par ailleurs, la Finlande a déclaré poursuivre en justice la société émiratie exploitant le tanker, tandis que l’OTAN a annoncé renforcer ses patrouilles maritimes.
Toutefois, sur le plan juridique, outre la prise sur le fait, aucune solution concrète n’existe, et rien ne semble émerger des institutions internationales. La Russie peut s’appuyer sur le soutien de pays majeurs tels que l’Inde ou la Turquie, qui profitent des relais de cette flotte fantôme pour poursuivre l’importation des ressources russes.