Accusé de servir l’ordre établi et l’impérialisme américain en mai 1968, la Berlinale s’est progressivement ouverte à différents genres et productions du monde entier. Lieu d’expression d’artistes et réalisateurs internationaux, elle demeure aujourd’hui intimement liée aux enjeux politiques et sociaux.
Conçue au départ comme une “vitrine du monde libre”, la Berlinale ne connaît une ouverture géographique et politique qu’ à partir des années 70. En 1975, après l’adoption par l’URSS d’une doctrine de “coexistence pacifique”, un film produit en RDA est programmé pour la première fois et des responsables soviétiques sont conviés. Cinq ans plus tard, Solo Sunny, de l’est-allemande Renate Krössner, remporte l’Ours d’argent et en 1988, l’Ours d’or revient au cinéaste chinois Zhang Yimou. Ce processus d’intégration progressive est politique, mais aussi social : en 1987, le prix Teddy est créé afin de récompenser le meilleur film queer.
Le festival de film berlinois se distingue de ceux de Cannes ou de Venise par sa mise en lumière de réalisateurs de films d’auteurs, moins connus du public et souvent engagés. Cette année par exemple, la suisse Petra Volpe dénonce conditions de travail du personnel hospitalier avec son film Heldin, quand l’israëlien Tom Shaval rend hommage à David Cunio, enlevé par le Hamas le 7 octobre 2023 dans son documentaire Lettre à David.
Au-delà du contenu des œuvres présentées, le festival lui-même se retrouve politisé. Alors que l’édition 2016 dénonçait la gestion de la crise des réfugiés, celle de 2020 a été marquée par le retrait du prix Alfred-Bauer, suite aux révélations du passé nazi de l’ancien directeur de la Berlinale. Cette année, la 75e Berlinale était placée sous le signe de la résistance face aux menaces de l’extrémisme et de l’intolérance. Dès la cérémonie d’ouverture, le 13 février, l’engagement s’est fait sentir dans les discours. L’actrice britannique Tilda Swinton s’est ainsi exprimée en faveur d’un cinéma dépourvu de toute “politique d’exclusion, de persécution ou de déportation”. Une déclaration qui fait écho à la récente décision des studios Disney de renoncer à leur programme de diversité, d’équité et d’inclusion, dans la lignée de la lutte “anti-woke” menée le président américain Donald Trump. A l’heure d’une mainmise croissante du politique sur la culture et d’une montée des extrêmes en Europe, le festival souhaite plus que jamais préserver l’ouverture qu’il a acquise au cours du temps.