Le gouvernement, composé de 23 ministres, met en avant des compétences techniques. On y retrouve d’anciens cadres du régime Assad aux Finances, aux Transports ou à l’Économie, mais aussi des figures indépendantes comme Hind Kabawat, opposante historique nommée ministre des Affaires sociales et du Travail. Ces choix visent à afficher une diversité rassurante, notamment dans l’optique d’un allègement des sanctions occidentales. Pourtant, la réticence d’al-Charaa à partager le pouvoir avec des acteurs politiquement représentatifs alimente les critiques.
L’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) a rejeté la Constitution, qu’elle juge autoritaire et en « contradiction avec la réalité de la Syrie et sa diversité ». Instaurant un régime présidentiel fort et centralisé, sans Premier ministre, elle maintient le nom de République arabe syrienne, établit l’arabe comme seule langue officielle et réserve la présidence aux Sunnites. La présence d’un Kurde au ministère de l’Éducation, non affilié à l’AANES, ne satisfait pas l’administration, qui refuse d’appliquer les décisions de Damas. La nomination d’un Druze qui n’est ni un dirigeant de la communauté spirituelle, ni un membre de l’influente faction armée basée à Suwayda mécontente également les Druzes. Réciproquement, un Alaouite ayant servi sous Assad ne peut représenter toute la communauté.
Fin avril, l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, M. Pedersen, a souligné la nécessité d’une inclusion plus large dans le processus de transition politique, redoutant sinon son possible échec. Si la résurgence d’un conflit s’explique par de nombreux facteurs, l’exclusion politique pendant les périodes de transition reste un facteur déterminant selon Charles Call, spécialiste en résolution de conflits. La ministre Mme. Kabawat, refusant de se voir comme un token d’inclusivité, se montre encourageante. Elle milite pour la nomination d’autres femmes à des postes élevés et appelle la société civile à être active dans ce processus de transition qui demeure tributaire de la situation sécuritaire. Dans un contexte de tensions communautaires, d’ingérences extérieures et de contrôle partiel d’al-Sharaa sur ses groupes affiliés, une représentation politique diversifiée peut avoir un impact significatif sur la légitimité du nouveau gouvernement.