La mer Baltique va-t-elle devenir un nouveau front invisible du conflit russo-occidental ?

Depuis 2022, l’UE a imposé des sanctions contre la Russie, dont un embargo sur son pétrole. Pour Moscou, l’enjeu est vital : les exportations d’hydrocarbures financent une part de l’effort de guerre. C’est ainsi qu’est née une « flotte fantôme » : des navires naviguant sans identification, éteignant leur balise GPS, battant pavillon de complaisance et liés à des sociétés écrans. Leur objectif : échapper aux contrôles et exporter du pétrole. La mer Baltique est au cœur de cette stratégie. Semi-fermée et densément fréquentée, elle permet à ces navires de se fondre dans le trafic. Elle abrite les ports russes de Primorsk et Ust-Luga, essentiels aux exportations. Depuis l’entrée de la Finlande (2023) et de la Suède (2024) dans l’OTAN, la Russie se sent prise au piège : maintenir une présence en Baltique, c’est résister à un encerclement existentiel.

Estimée à 900 navires selon le vice-amiral Benoît de Guibert, cette flotte parallèle a permis d’exporter 90 % du pétrole russe en 2024, d’après l’Institut national des affaires stratégiques et politiques. Des transferts en pleine mer permettent à Moscou de continuer ses ventes vers l’Asie ou l’Afrique.


En 2025, plusieurs incidents ont été signalés : des navires russes refusant de coopérer (comme le Jaguar), un pétrolier bloqué au large de Saint-Nazaire (Eventin), ou encore des navires escortés par la marine russe dans le golfe de Finlande. Plus inquiétant encore : une bouée scientifique estonienne, censée surveiller l’environnement maritime, a été retrouvée à Kaliningrad, une enclave militaire russe. Ce genre d’action alimente les soupçons de sabotage contre les câbles sous-marins ou les pipelines européens. La Baltique concentre 4 des 5 gazoducs reliant la Russie à l’Europe, dont les Nord Stream 1 et 2, aujourd’hui hors service mais toujours sous surveillance, tant le risque de sabotage y reste élevé.


En réaction, l’Union européenne a ajouté 342 navires à sa liste noire en 2025, leur interdisant l’accès aux ports et aux assurances européennes. Mais en mer internationale, tant qu’un navire ne viole pas explicitement les lois nationales, les sanctions ne sont pas contraignantes et le navire peut continuer d’opérer. L’OTAN, de son côté, mise sur une approche technologique. En juin 2025, 40 drones de surface ont été testés pour détecter les navires sans GPS. Mais cette réponse technologique ne suffit pas face à l’ingéniosité juridique et logistique de Moscou.


La flotte fantôme ne sert pas seulement à financer la guerre : elle devient une arme non conventionnelle au service de l’influence russe. Elle permet de contourner l’économie de guerre imposée par l’Occident, de déstabiliser les espaces maritimes européens et de tester les failles du droit international. La Russie teste donc les limites de la résilience européenne, cherche à semer le doute, à perturber les mécanismes de coopération maritime et à diviser les alliés de l’OTAN.

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