La Russie revient-elle en Afrique en puissance ou en partenaire ?

La présence renforcée de la Russie en Afrique subsaharienne marque-t-elle le retour d’un impérialisme stratégique ou l’émergence d’un nouvel équilibre post-occidental ?

Depuis la mort de Prigojine, ancien chef du groupe paramilitaire Wagner, en août 2023, Moscou réorganise sa présence militaire en Afrique. Le groupe Wagner, rebaptisé « Africa Corps », passe sous l’autorité du ministère russe de la Défense. Déployés essentiellement au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en République centrafricaine, ces mercenaires russes forment les armées locales, livrent des armes et consolident l’ancrage russe dans le Sahel, et ce en réaffirmant une posture antagoniste face à l’Occident, dénonçant l’héritage colonial et proposant une diplomatie basée sur le refus des ingérences extérieures. Mais derrière ce discours, leur présence s’accompagne d’une prédation systématique des ressources, d’attaques ciblées contre les civils et d’une intensification de la violence politique, marquée par des exactions et une insécurité persistante.

En Afrique subsaharienne, la Russie combine présence sécuritaire et mainmise sur les ressources pour compenser son isolement sur la scène internationale. Depuis 2021, elle pousse les juntes du Mali et du Niger à expulser les sociétés minières occidentales. Objectif : réattribuer les concessions d’or et d’uranium à des entreprises russes affiliées au groupe Wagner. En Centrafrique, les mercenaires russes contrôlent directement les principaux sites miniers, en échange de leur soutien et de la protection portés au gouvernement de Touadéra.

Cette stratégie offre à Moscou un double levier : garantir une source alternative de revenus pour contourner les sanctions occidentales, tout en ancrant sa présence dans des zones où les puissances européennes se retirent.

La politique du Kremlin révèle ainsi une approche néoréaliste des relations internationales. Dans un système international anarchique, la Russie cherche à rééquilibrer les rapports de force en investissant les marges d’influence abandonnées par l’Occident, notamment au Sahel, tout en consolidant ses alliances politiques. Mais le retour russe interroge : est-il celui d’un partenaire pragmatique, proposant une alternative aux anciennes puissances, ou celui d’une autre puissance hégémonique, affirmant son emprise ? Il est certainement hybride : alliance stratégique avec certains régimes, emprise indirecte sur d’autres. Ces pratiques sur le terrain rappellent les logiques d’un impérialisme économique au sens de Lénine : contrôle des richesses, dépendance sécuritaire, désinformation ciblée.

La dynamique actuelle semble traduire une volonté de redessiner les rapports de force mondiaux en structurant un système alternatif, tripartite avec la Chine, aux dépens des acteurs occidentaux traditionnels. Sans instaurer un colonialisme formel, Moscou construit ainsi une sphère d’influence fondée sur l’asymétrie et la captation des leviers de souveraineté. Selon le RUSI, la présence russe en Afrique illustre un mode de “state capture” néo-impérial, sans occupation visible, mais dont les effets pèsent sur la souveraineté nationale.

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