Elle est considérée comme une zone grise selon le concept de Gaïdz Minassian, c’est-à-dire une zone dont le contrôle a échappé à un État et où il existe une dérégulation politique, économique et sociale. Le bouchon du Darien est appelé ainsi car il marque une rupture de la route panaméricaine. Il est situé entre le Panama et la Colombie et s’étend sur 575 000 hectares.
En 2023, plus de 500 000 migrants d’environ 40 nationalités différentes, provenant en majorité du Venezuela, de l’Equateur et de Haïti, ont tenté de la traverser pour rejoindre les Etats-Unis. Dans cette jungle, ils sont soumis à une grande violence qui prend plusieurs formes. Premièrement, leur situation sanitaire est alarmante, notamment à cause des maladies transmises par les insectes de la jungle comme les moustiques ou les eaux contaminées. Les migrants doivent également faire face au crime organisé qui sévit dans cette zone. Ces derniers ont fait proliférer une économie illégale grâce à leur passage. Par exemple, les Urabeños, un groupe criminel qui vient du mouvement paramilitaire colombien, réclament une somme d’argent par migrant à chaque passage sur les terres qu’ils se sont attribués.
Les groupes criminels y organisent une traite d’humains comprenant du travail forcé, du travail infantile ou encore de l’exploitation sexuelle. La zone est aussi exploitée par les narcotrafiquants. Médecins Sans Frontières rapporte les cas de violences sexuelles et de viols qui y ont lieu. Selon l’association, de janvier à novembre 2023, 504 migrants et migrantes y ont vécu des agressions dont 95 % des victimes étaient des femmes et 6 % des enfants. Entre 2016 et 2023, 342 personnes ont perdu la vie dans la forêt du Darien selon le programme Missing Migrants de l’Organisation Internationale pour les Migrations.
Depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement panaméen a renforcé son contrôle de la zone et des groupes criminels. Une des mesures phares de José Raúl Mulino ayant mené à certaines polémiques, consiste à ériger des clôtures de plusieurs mètres de haut pour guider le trajet des migrants vers des points stratégiques où les autorités contrôlent l’identité des migrants afin de limiter les violences auxquelles ils pourraient faire face. Ces mesures ont suscité des critiques de la part du président colombien Gustavo Petro qui s’est inquiété de la possibilité que les migrants préfèrent traverser par la mer et a rappelé que la solution au problème des migrations réside dans l’amélioration de l’économie du sud.