Le nucléaire français, outil de dissuasion européenne contre Donald Trump

L’Union européenne peut-elle user du nucléaire français dans sa stratégie de défense ?

Le nucléaire français, outil de dissuasion européenne contre Donald Trump

L’Union européenne peut-elle user du nucléaire français dans sa stratégie de défense ?

En janvier 2024, Emmanuel Macron déclarait que « une partie de nos intérêts vitaux ont une dimension européenne ». Ces propos, antérieurs à la réélection de Donald Trump en novembre 2024, résonnent aujourd'hui avec une acuité particulière, rappelant son discours du 7 février 2020 sur la stratégie de défense et de dissuasion.

La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en novembre 2024 a ravivé les inquiétudes européennes concernant la fiabilité de l’OTAN. Le président américain, connu pour son approche protectionniste et parfois isolationniste, a déjà exprimé des réserves sur l’engagement des États-Unis envers l’alliance transatlantique. Cette situation pousse les nations européennes à reconsidérer leur posture en matière de défense et de sécurité. 

Face à ces incertitudes, l’Allemagne, parmi d’autres États européens, exprime des craintes quant à une possible érosion du « parapluie » américain. La France, seule puissance nucléaire de l’Union européenne, se retrouve au centre des discussions sur une éventuelle extension de sa dissuasion nucléaire au bénéfice de ses voisins européens. Cette perspective soulève des questions complexes, notamment en matière de contribution financière de l’Union, de dynamique entre intégration et coopération, et de capacité de décision commune en cas d’élargissement de la dissuasion.

Dates clésChiffres clés
7 février 2020 : Emmanuel Macron prononce un discours sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de l’École de guerre, soulignant l’importance de l’autonomie stratégique européenne.1 : La France est le seul pays de l’Union européenne doté de l’arme nucléaire.
30 janvier 2024 : Lors de sa visite d’État en Suède, le président français affirme qu’une « partie de nos intérêts vitaux ont une dimension européenne ».70 : Nombre d’années depuis la création de l’OTAN en 1949, remettant en question sa pertinence actuelle.
Novembre 2024 : Réélection de Donald Trump en tant que 47ᵉ président des États-Unis, ravivant les préoccupations européennes concernant l’engagement américain au sein de l’OTAN.2% : Pourcentage du PIB que les pays de l’OTAN sont censés consacrer à la défense, objectif souvent non atteint par les membres européens.
4 février 2025 : Prévue la Conférence navale de Paris 2025, axée sur la puissance navale en soutien à l’économie maritime, illustrant les efforts européens pour renforcer leur autonomie stratégique.50% : Pourcentage estimé de l’équipement de défense européen financé par des subventions de l’UE devant être d’origine européenne, selon les critères d’éligibilité discutés.

Federico Santopinto, directeur de recherche à l’IRIS, souligne que cette démarche s’inscrit dans une vision gaullienne de l’Europe des nations, prônant une coopération renforcée entre États souverains plutôt qu’une intégration politique profonde. Il rappelle également les contradictions apparentes de la France en matière d’intégration de la politique de défense, citant les réticences françaises face au « programme européen pour l’industrie de la défense », notamment concernant les critères d’éligibilité des entreprises aux financements européens.

La dissuasion nucléaire française : un modèle adaptable à l’Europe ?

Héloïse Fayet, responsable du programme de recherche Dissuasion et prolifération au sein de l’IFRI, nuance l’idée d’une européanisation de la dissuasion nucléaire française. Elle rappelle que la doctrine française repose sur le principe de « stricte suffisance », limitant le nombre de têtes nucléaires et rendant difficile la protection de l’ensemble du territoire européen.

Si l’idée d’une dissuasion nucléaire européenne intégrée refait surface, elle bute sur des limites techniques et politiques. L’arsenal français, bien que technologiquement avancé, est dimensionné pour défendre les intérêts vitaux de la France, selon une doctrine de « stricte suffisance » qui exclut la protection élargie à l’ensemble du continent. En outre, la force de frappe repose sur des moyens maritimes et aériens, à l’inverse de l’arsenal nucléaire américain et de son triptyque stratégique (terrestre, aérien, maritime), rendant plus difficile toute adaptation à une stratégie de défense collective européenne.

L’Europe se trouve face à une alternative cruciale : soit elle s’affirme comme une puissance stratégique autonome, soit elle accepte le risque d’un affaiblissement de son lien transatlantique et d’une dépendance à des garanties de sécurité de plus en plus incertaines.

L’absence d’un cadre juridique ou institutionnel clair pour intégrer une dissuasion partagée soulève aussi de nombreuses interrogations. Comment articuler une prise de décision en cas de crise ? Quels seraient les mécanismes de commandement ? L’Europe est-elle prête à mutualiser financièrement une dissuasion qui repose aujourd’hui exclusivement sur les capacités françaises ? Ces questions restent pour l’heure sans réponse, d’autant plus que la culture stratégique des États européens diverge considérablement, entre la réticence allemande à tout engagement militaire de grande ampleur et la volonté française d’une Europe puissance.

Un financement européen encore hésitant

Le débat sur la dissuasion nucléaire européenne s’inscrit dans un contexte plus large de financement des industries de défense européennes. La France elle-même affiche une position ambivalente sur la coopération militaire européenne. D’un côté, elle milite pour une Europe de la défense plus intégrée, mais de l’autre, elle a montré des réticences concernant le « programme européen pour l’industrie de la défense ». Ce programme, destiné à favoriser l’indépendance stratégique de l’Europe, impose des critères d’éligibilité restrictifs aux entreprises bénéficiant de financements européens, notamment l’exigence d’une fabrication majoritairement européenne des équipements financés.

Ces tensions illustrent les contradictions qui entourent la question de l’autonomie stratégique. Si la France défend l’idée d’une Europe plus souveraine en matière de défense, elle demeure protectrice de son industrie nationale et craint un nivellement de ses capacités au profit d’une mutualisation plus large. À l’inverse, d’autres États européens, en particulier l’Allemagne, privilégient un modèle où la coopération industrielle prime sur la souveraineté technologique nationale.

Le débat sur la dissuasion nucléaire illustre une problématique plus large : l’Europe veut-elle une autonomie de défense effective ou diversifier sa dépendance stratégique ?

L’avenir de la défense européenne se joue désormais sur plusieurs fronts. D’une part, la pression exercée par la présidence Trump pousse les Européens à accélérer leurs efforts en matière d’autonomie stratégique. D’autre part, les divergences internes sur la place de la France dans un dispositif élargi de dissuasion compliquent toute avancée concrète. La volonté politique d’Emmanuel Macron se heurte aux réalités stratégiques et institutionnelles de l’Union européenne, où les décisions en matière de défense restent largement nationales.

Par ailleurs, la question du financement reste un nœud central. Si l’Europe veut envisager une dissuasion commune, elle devra se doter de moyens substantiels, non seulement pour adapter la doctrine existante, mais aussi pour moderniser et renforcer ses capacités nucléaires. En l’absence d’une volonté commune clairement affirmée, l’Europe risque de rester dans une posture intermédiaire : trop dépendante des États-Unis pour garantir sa sécurité, mais pas assez unie pour développer une alternative crédible.

Crédits photo : Claude Flickr

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L'enjeu

L'intelligence artificielle, amplifie les capacités technologiques. Elle peut transformer la surveillance de masse en un outil omniprésent. Par ailleurs, la manipulation de l'information par des moyens sophistiqués, menace notre compréhension de la vérité. Face à ces défis, une régulation adéquate est essentielle pour protéger nos libertés individuelles et garantir un usage éthique de ces technologies.

L'intervenant

Frédéric Pascal est enseignant-chercheur à CentraleSupélec et directeur de l'Institut DATAIA, l'Institut d'intelligence artificielle de l'Université Paris-Saclay qui regroupe CentraleSupélec, l’ENS Paris-Saclay ainsi que des organismes de recherche tels que le CNRS, l'INRIA, ou encore le CEA. Cet institut a vocation à piloter la recherche, la formation et l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle.

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L’IA est un danger potentiel pour la sécurité et l’intégrité démocratique

Vers une amplification des risques de sécurité, de désinformation et de surveillance ?

« Mon inquiétude est que l'IA peut aussi conduire à des abus » confie Geoffrey HINTON, surnommé le Parrain de l’IA, prix Nobel de physique 2024. Ses propos font écho aux préoccupations croissantes face à cette technologie, dont le développement rapide, soutenu par des entreprises comme OpenAI et Mistral AI, transforme profondément l’économie et les sociétés. Avec un marché estimé à 15 700 milliards de dollars d'ici 2030, l'intelligence artificielle promet de nombreux avantages, mais soulève aussi des risques importants, notamment en matière de surveillance et de fausses informations. Comme le souligne Frédéric Pascal : « L'intelligence artificielle, en soi, n'est pas dangereuse ; c'est de la science, et même quelque chose de très élégant du point de vue mathématique. Cependant, ses usages peuvent être dramatiques, tout comme le nucléaire, qui a permis d'énormes avancées mais aussi la création de la bombe atomique. »

Avec des outils comme la reconnaissance faciale de masse, nous avons franchi un cap inquiétant en surveillance globale.

Allons-nous assister à un dépassement des capacités des pare-feux à lutter contre les attaques cherchant à voler des données sensibles ?  

L’intelligence artificielle (IA) joue un rôle croissant dans la cybersécurité, notamment dans le renforcement des pare-feux. Cependant, il existe un équilibre à trouver. Si l’IA peut grandement améliorer la protection contre les menaces, elle peut également être utilisée par des attaquants pour lancer des offensives plus sophistiquées. La technologie évolue rapidement, et bien que l’IA ne soit pas une solution miracle, certaines de ses applications sont particulièrement efficaces pour la sécurité. Il est donc crucial de mettre en place une régulation stricte pour encadrer son utilisation, afin de maximiser les bénéfices tout en minimisant les risques.

Est-ce que la France est bien positionnée en matière de sécurité liée à l'intelligence artificielle, notamment dans le contexte des pare-feux et des applications militaires ? 

Concernant ces dispositifs de protection, il est difficile de donner une réponse précise. Cependant, la France est très avancée dans le déploiement de techniques d’intelligence artificielle, en particulier dans le secteur militaire. Des initiatives importantes ont été lancées, comme la création d’un centre d’intelligence artificielle dédié à la défense et de serveurs hautement sécurisés pour la gestion de données sensibles. Bien que la France ait peut-être un léger retard sur certains aspects militaires, elle est à la pointe dans la formation, le développement d’outils d’IA et le développement de grandes entreprises, comme Mistral, qui se spécialisent dans les applications de défense. Mistral, bien que majoritairement financée par des capitaux nord-américains, est une entreprise française fondée par trois anciens de META et Google, ce qui illustre l’expertise française en la matière.

Avec les capacités de traitement et l'accès à d'immenses quantités de données, assistons-nous déjà à l'émergence de pratiques sécuritaires autrefois inimaginables, grâce à l'intelligence artificielle ?

Oui, bien que ce ne soit pas mon domaine d’expertise, il est clair que des outils de surveillance utilisant l’intelligence artificielle, comme ceux déployés en Chine, sont déjà en place. Il est important de distinguer deux aspects en intelligence artificielle : les briques technologiques et les usages. Les technologies comme la computer vision (vision par ordinateur) sont aujourd’hui très avancées, permettant une reconnaissance extrêmement précise et rapide, grâce à l’exploitation de vastes quantités de données et aux progrès théoriques en extraction de caractéristiques. Ces technologies continuent de se développer et sont de plus en plus performantes. En termes de reconnaissance de masse, ces technologies, une fois combinées avec des réseaux de caméras omniprésents, permettent effectivement une surveillance individuelle à une échelle jamais vue auparavant.

Face à la surveillance de masse par certains gouvernements, est-il possible de protéger les droits individuels à la vie privée ? Peut-on réguler, nationaliser, voire interdire ces pratiques ?

Il est essentiel de réguler l’utilisation de l’intelligence artificielle à l’échelle internationale, car cela ne peut être géré par un seul État. Bien qu’il soit difficile de relier directement un modèle d’IA à des données spécifiques, des mesures peuvent être mises en place pour protéger les données individuelles contre les usages malveillants. Des initiatives, notamment en Europe, cherchent déjà à définir les types de données utilisables et à encadrer leur usage abusif. L’IA dispose d’un potentiel à même d’améliorer la vie quotidienne, que ce soit dans la santé ou la simplification des tâches administratives. Cependant, sa puissance peut aussi être détournée, d’où l’importance d’une régulation solide et indépendante.

Le règlement européen sur l'IA, connu sous le nom d'AI Act, pourrait-il servir de cadre normatif puissant pour le reste du monde en matière d'usage responsable de l'IA ?

Oui, c’est tout à fait possible et souhaitable. L’Europe a pris une avance notable en matière de régulation des technologies, et l’AI Act en est un exemple marquant. Grâce à des initiatives comme le RGPD (Règlement général sur la protection des données), l’Europe pourrait devenir une référence mondiale en matière de normes dédiées à l’IA. L’Europe se distingue par sa capacité à allier protection des droits et innovation responsable. Ce modèle pourrait inspirer d’autres régions du monde. Cela dit, il est essentiel que le cadre réglementaire reste flexible pour s’adapter à l’évolution rapide de l’IA, sans freiner l’innovation. L’AI Act pourra évoluer avec le temps pour rester pertinent. La véritable difficulté réside dans l’application de ces régulations, notamment pour démontrer les abus. Cependant, l’Europe, par sa diversité démocratique, est bien placée pour jouer un rôle de leader et influencer les normes internationales.

Quels types de régulations internationales sont nécessaires pour prévenir l'ingérence électorale par des IA étrangères, comme l'ingérence présumée de la Chine dans les élections américaines ?

La question de l’ingérence électorale par des gouvernements étrangers est complexe, et bien que des soupçons d’intrusion existent, il est essentiel de mettre en place des régulations efficaces. Il y a deux aspects à considérer : d’une part, le cadre juridique qui définit ce qui est permis et interdit, et d’autre part, la capacité technique à prouver l’ingérence. Cela nécessite le développement de services capables de détecter et démontrer ces manipulations, assorties de sanctions adaptées. Un autre point crucial est l’éducation des populations. En raison de l’évolution des technologies comme les deepfakes (contenu audiovisuel modifié grâce à l’intelligence artificielle) et  la génération automatique de contenus, il est essentiel que les citoyens soient formés à comprendre et reconnaître ces manipulations. Des pays comme la Finlande et Singapour ont déjà commencé à former leur population à l’intelligence artificielle, ce qui est indispensable pour que chacun puisse exercer son libre arbitre, vérifier les sources, et ne pas se laisser tromper par des informations générées artificiellement. En résumé, une régulation internationale solide et une éducation à l’IA dès le plus jeune âge sont nécessaires pour prévenir ces ingérences et protéger la démocratie.

Pensez-vous qu'il soit possible de créer un algorithme capable de détecter si une vidéo a été générée par une IA,  pour contrer les deepfakes  ? 

Non, ce n’est pas encore possible de manière universelle. Aujourd’hui, certaines grandes entreprises comme Google, ont développé des algorithmes capables de reconnaître les images générées par leurs propres modèles d’IA, même lorsqu’elles sont mélangées à des images réelles. Cependant, il n’existe pas d’algorithme capable de détecter toutes les données générées, peu importe la méthode utilisée. Les techniques de génération de contenu sont tellement variées qu’il est impossible de toutes les identifier. Une solution potentielle pourrait être d’imposer un marquage invisible (watermarking) sur les données générées par IA. Ce marquage ne serait pas visible sur l’image elle-même, mais serait intégré dans les données, comme les pixels, permettant ainsi de tracer et d’identifier les contenus créés. Cela pourrait faire partie des régulations futures, bien que ce ne soit pas encore le cas aujourd’hui.

Serait-il possible de générer avec l'IA des longs débats politiques, ce qui pourrait fausser l'information et influencer l'opinion publique ? 

Oui, il sera certainement possible de générer des vidéos bien plus longues que celles de 5 minutes. Bien que la réalisation de séquences cohérentes de 30 secondes soit déjà un défi, les avancées rapides permettront bientôt de produire des vidéos plus élaborées. Quant à la création de débats politiques, cela semble inévitable. On pourrait générer des dialogues cohérents entre deux personnes, ce qui risquerait d’altérer l’information et d’influencer l’opinion publique, posant ainsi un risque d’ingérence. Cependant, au-delà de la technologie, il est crucial de se concentrer sur l’éducation et la vérification des faits. Promouvoir l’accès à une connaissance vérifiée et renforcer la capacité des citoyens à discerner le vrai du faux est essentiel pour contrer les dangers potentiels de l’IA.

Pensez-vous qu'il soit possible de restreindre l'utilisation des deepfakes ? 

Les deepfakes, créations générées par l’intelligence artificielle imitant des images, vidéos ou sons, sont facilement accessibles grâce à des logiciels en ligne. Bien que ces outils puissent être utilisés de manière créative, comme générer des œuvres d’art ou faciliter la communication par traduction instantanée, leur utilisation à des fins malveillantes, telles que la désinformation ou le chantage, soulève des préoccupations. Plutôt que d’interdire complètement les deepfakes, il serait plus judicieux de réguler leur usage pour prévenir les abus. Cela pourrait inclure des lois sanctionnant les utilisations nuisibles tout en permettant les applications créatives et inoffensives. La clé est de distinguer les usages légitimes des usages dangereux et d’agir en conséquence.

L'IA permet aujourd'hui de guider les frappes militaires avec une précision accrue, mais peut-elle vraiment prévenir les pertes civiles comme le prétend l'armée israélienne (IDF) dans des conflits tels que celui qui a lieu à Gaza ?

L’intelligence artificielle a effectivement amélioré la précision des frappes militaires, ce qui peut réduire les pertes également militaires. Cependant, la question des pertes civiles est plus complexe. Les guerres se déroulent souvent dans des zones peuplées, et même avec l’IA, les risques pour les civils demeurent élevés. L’IA pourrait théoriquement aider à mieux identifier les cibles et éviter les frappes sur des civils, mais cela dépend de la qualité des données et de la précision des algorithmes, qui ne sont pas infaillibles.

De plus, l’inégalité technologique entre les armées peut créer une asymétrie des pertes humaines, rendant certaines armées plus aptes à minimiser les pertes civiles que d’autres. En somme, l’IA peut potentiellement réduire certaines pertes, mais elle ne pourra jamais éliminer complètement les dangers pour les civils. La régulation de son utilisation dans les conflits armés est donc essentielle, tout comme pour d’autres armes de destruction massive, afin de minimiser les dégâts humains. Des décisions éthiques devront être prises sur son emploi militaire.

Pour conclure, il semble évident que la formation joue un rôle clé dans l’avenir de l’intelligence artificielle. La compréhension des mécanismes de l’IA, de ses usages et de ses limites est essentielle pour éviter les dérives, notamment face aux fausses informations. Des initiatives, comme celles menées en Finlande, montrent qu’il est important de sensibiliser la population, afin que chacun puisse s’adapter à cette révolution technologique. La connaissance et l’éducation seront les meilleurs outils pour encadrer efficacement l’IA et en tirer le meilleur parti tout en limitant ses risques.

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Depuis les forges royales du XVIIIe siècle jusqu’aux mégaprojets européens d’aujourd’hui, l’industrie de défense française incarne à la fois une tradition séculaire et une adaptation constante aux défis modernes. Mais cette puissance, structurée autour de la dissuasion nucléaire et de partenariats mondiaux, reste dépendante d’un équilibre délicat entre innovation, autonomie et exportations stratégiques.

Depuis le règne de Louis XVI, la France a développé une maîtrise technique qui lui a permis de se positionner parmi les grandes puissances militaires mondiales. Ce modèle s’est renforcé avec la création de la Délégation ministérielle pour l’armement en 1961, un tournant qui a marqué la structuration de l’industrie autour de la dissuasion nucléaire. L’évolution s’est poursuivie dans les années 1990, lorsque la privatisation des arsenaux d’État a permis à des entreprises comme Airbus, MBDA, Dassault Aviation et Thales de devenir des leaders mondiaux.

Paradoxalement, bien que l’État ait transféré de nombreuses activités industrielles au secteur privé, il conserve une place centrale. En tant que principal client et actionnaire stratégique de sociétés comme Naval Group, Airbus ou Safran, il garantit la pérennité de cette industrie vitale pour la souveraineté nationale.

L’innovation, un levier de souveraineté nationale

Les exportations d’armes représentent un moteur économique majeur pour la France, plaçant le pays au deuxième rang mondial en 2023, après les États-Unis. Toutefois, cette dépendance aux ventes internationales, avec 30 % de la production destinée à l’exportation en 2021, soulève des interrogations. Dans un contexte de tensions géopolitiques, les fluctuations de la demande internationale et les contraintes d’éthique sur les destinations des armes posent des défis croissants.

Les récents conflits, comme la guerre en Ukraine, ont également révélé les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement, marquées par des pénuries de composants critiques et des retards logistiques. Ce contexte a souligné la nécessité de renforcer l’autonomie européenne dans la production et la distribution des équipements militaires.

La dépendance aux exportations d’armement expose la France à des aléas géopolitiques et à des critiques sur la transparence des livraisons.

Face à une concurrence accrue des États-Unis, de la Russie et de la Chine, la France a misé sur l’innovation pour conserver son avance technologique. Des programmes publics comme ASTRID et RAPID jouent un rôle crucial, permettant aux start-up et PME d’accéder aux ressources nécessaires pour développer des technologies duales, civiles et militaires. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté plus large de diversifier les débouchés et de développer des partenariats stratégiques, notamment avec des régions comme l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Cependant, la course à l’innovation ne se fait pas sans tensions. La coopération européenne, bien que cruciale pour l’autonomie stratégique du continent, peine à s’affirmer face à l’influence des États-Unis au sein de l’OTAN. Des initiatives comme l’OCCAR illustrent une volonté de mutualiser les ressources, mais le rapprochement transatlantique limite parfois les investissements européens autonomes.

Une industrie toujours dans la cour des grands

La guerre en Ukraine a révélé à quel point les chaînes d’approvisionnement de l’industrie de défense sont vulnérables aux tensions internationales. Les retards causés par des pénuries de composants essentiels, combinés à une logistique perturbée, ont mis en lumière la dépendance des pays européens à des fournisseurs extérieurs. Dans ce contexte, la France, en tant que leader européen de l’armement, se trouve à la croisée des chemins : renforcer ses capacités nationales tout en s’intégrant dans une stratégie continentale.

Une étude de l’INSEE en 2024 montre une augmentation significative des commandes d’armement destinées aux pays européens. Cette dynamique s’explique par l’aide militaire à l’Ukraine, qui a mis en avant l’importance de sécuriser les approvisionnements. Cependant, cette hausse s’accompagne de nouveaux défis, notamment le risque d’une dépendance croissante à des technologies américaines via l’OTAN, freinant les initiatives européennes pour une autonomie stratégique.

Dates importantesChiffres clés
2021 : 30 % de la production française exportée, principalement vers le Moyen-Orient et l’Asie.30 % : Part des exportations dans la production d’armement.
2023 : La France dépasse la Russie et devient le deuxième exportateur mondial d’armes après les États-Unis.2e mondial : Position de la France dans les exportations.
2024 : Hausse des commandes européennes d’armement, notamment pour l’aide militaire à l’Ukraine.+25 % : Augmentation des commandes dans l’UE selon l’INSEE.

Pour pallier ces défis, la France plaide pour une industrialisation européenne plus intégrée. Un rapport de la commission de la défense de l’Assemblée nationale en mai 2024 insiste sur la nécessité de renforcer l’autonomie stratégique européenne. Des organisations comme l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) illustrent cette ambition. Pourtant, les ambitions européennes se heurtent à une compétition féroce entre les États membres et à une dépendance aux États-Unis.

En parallèle, la France s’efforce de diversifier ses partenariats internationaux. Les exportations vers des pays non européens, notamment en Asie et en Afrique, visent à compenser la stagnation de certains marchés traditionnels. Cependant, cette stratégie soulève des critiques concernant la transparence et l’éthique des destinations finales, dans un contexte où le commerce d’armes est souvent associé à des enjeux de droits humains.

La coopération européenne dans le domaine de la défense est indispensable, mais reste fragile face aux rivalités nationales et à l’influence transatlantique.

L’industrie de défense française a démontré sa capacité d’adaptation face aux mutations géopolitiques et industrielles. L’innovation reste au cœur de cette stratégie, avec des programmes comme ASTRID et RAPID, qui facilitent le développement de technologies duales. Ces initiatives soutenues par l’État jouent un rôle clé pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises sur la scène mondiale.

Toutefois, la viabilité du modèle économique, basé en grande partie sur les exportations, demeure incertaine. Dans un monde multipolaire, les pays clients de la France diversifient leurs approvisionnements, et la concurrence s’intensifie. Pour maintenir son rang de deuxième exportateur mondial, l’industrie française devra conjuguer autonomie, coopération européenne et diplomatie économique.

Crédits photo : Airbus A400M Atlas military transport Shutterstock

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Quelle est l’ambition de la France en matière d’IA dans le secteur de la défense ?

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Depuis la fin des années 2010, l’intelligence artificielle (IA) s’impose dans la défense française, devenant un pilier majeur d’investissement pour le ministère des Armées. En mars 2023, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, affirmait l'ambition de la France de figurer dans le Top 3 mondial de l’IA militaire et de devenir leader en Europe.

Une ambition affirmée pour l’autonomie stratégique

Pour atteindre cet objectif ambitieux, la France a déployé plusieurs initiatives. La loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit un budget de 2 milliards d’euros spécifiquement alloué au développement de l’IA dans le secteur de la défense. Cette démarche repose sur la création de l’AMIAD (Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense) en mars 2024, agence qui permettra de coordonner et d’intégrer les nouvelles technologies au sein des forces armées. Selon Bertrand Rondepierre, directeur de l’AMIAD, la mission de cette agence est de fournir des applications concrètes de l’IA qui amélioreront les capacités de renseignement, d’analyse et d’aide à la décision pour les commandements militaires.

Dates ImportantesChiffres Clés
Fin des années 2010 : L’IA devient un axe stratégique pour le ministère des Armées, amorçant une transformation des capacités de défense françaises.413 milliards d’euros : Budget total prévu pour la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030.
Mars 2023 : Sébastien Lecornu affirme l’ambition de la France de se hisser parmi les trois premières puissances mondiales en IA militaire.2 milliards d’euros : Montant spécifiquement alloué au développement de l’IA militaire dans la LPM.
Mars 2024 : Création de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense (AMIAD) pour coordonner les projets IA au sein des forces armées.47,2 milliards d’euros : Budget annuel alloué à la mission Défense pour l’année 2024.
2024-2030 : Mise en œuvre de la LPM, renforçant la transformation numérique et technologique des armées françaises.3,3 milliards d’euros : Augmentation du budget pour 2024 par rapport à l’année précédente.
2023 : Lancement du plan Replicator par les États-Unis pour produire des drones autonomes en masse dans un délai de 18 à 24 mois.18 à 24 mois : Délai prévu pour déployer les drones autonomes dans le cadre du plan Replicator américain.
2023-2024 : La France ambitionne de devenir leader européen et d’intégrer le Top 3 mondial en IA militaire.Top 3 mondial : Objectif de positionnement international en IA militaire pour la France.

L’IA sera ainsi intégrée dans divers projets stratégiques, notamment le système de combat aérien du futur (SCAF), développé en collaboration avec des industriels français comme Dassault et des partenaires européens. Philippe Koffi, ingénieur en chef de l’armement à la DGA, explique : « L’objectif est d’intégrer un assistant virtuel dans le cockpit de l’avion, qui agira comme conseiller du pilote, lequel pourra lui déléguer certaines tâches. » Ce développement renforce la volonté politique de la France de réduire sa dépendance technologique vis-à-vis d’autres puissances, en particulier les États-Unis.

La loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit un budget de 2 milliards d’euros pour développer l’IA de défense.

L’IA au cœur de la rivalité mondiale en matière de défense

Au-delà de la France, l’IA militaire représente un enjeu majeur dans la rivalité sino-américaine. En 2023, les États-Unis ont lancé le plan Replicator, visant à produire des milliers de drones autonomes pour renforcer leurs capacités militaires. Parallèlement, la Chine investit massivement dans l’IA militaire, en particulier dans ses sous-marins nucléaires et les programmes de développement de missiles, tout en restant discrète sur l’étendue de ses capacités.

Cet engouement mondial pour l’IA militaire reflète un virage stratégique où la supériorité technologique devient essentielle. Pour la France, cette course implique de renforcer sa base industrielle de défense en collaborant étroitement avec des entreprises de pointe. À travers le plan France 2030, le ministère des Armées souhaite ainsi favoriser un écosystème national capable de rivaliser avec les puissances internationales, tout en assurant une autonomie stratégique sur le long terme.

La France ambitionne de devenir numéro 1 en Europe pour l’IA militaire et de se hisser parmi les trois premières puissances mondiales.

En intégrant l’IA dans ses systèmes de défense, la France cherche non seulement à accroître son efficacité militaire mais également à s’adapter aux nouvelles formes de conflictualité, comme les cyberattaques et les guerres de l’information. La Loi de programmation militaire intègre donc des technologies de rupture, comme la cyberdéfense et l’analyse de données massives, pour anticiper les menaces de demain et préparer une défense en réseau.

 Crédits photo : Spech / Shutterstock.com

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Comment les systèmes de vidéosurveillance ont-ils été déployés en France ?

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Comment les systèmes de vidéosurveillance ont-ils été déployés en France ?

La France est devenue le premier pays européen à légaliser la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans le cadre des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce dispositif, inédit en Europe, suscite des inquiétudes quant à son impact sur les libertés individuelles et la vie privée.

De la vidéosurveillance à la VSA : un encadrement toujours plus renforcé

L’histoire de la vidéosurveillance en France commence avec la loi Pasqua de 1995, permettant l’installation de caméras dans l’espace public pour assurer la sécurité. Par la suite, la loi LOPSI de 2002 a transféré au préfet la gestion des dispositifs de surveillance, donnant un cadre administratif à ces installations. Avec la loi LOPSI II en 2010, la France distingue les termes de “vidéosurveillance” et “vidéoprotection” pour encadrer l’utilisation des caméras selon leur emplacement et leur objectif.

Dates ImportantesChiffres Clés
1995-01-21 : Promulgation de la loi Pasqua, encadrant l’installation de caméras dans l’espace public.2,5 milliards d’euros : Enveloppe budgétaire allouée par la loi LOPPSI 2 pour la sécurité intérieure sur cinq ans.
2002-08-29 : Adoption de la loi LOPSI, transférant la gestion des dispositifs de surveillance aux préfets.836 millions d’euros : Budget consacré à la sécurité intérieure en 2013 selon la loi LOPPSI 2.
2010-03-14 : Promulgation de la loi LOPPSI 2, introduisant le terme « vidéoprotection ».485 caméras : Nombre de caméras utilisées lors des expérimentations de VSA pendant les JO de Paris 2024.
2023-03-23 : Les députés autorisent la VSA pour les Jeux Olympiques de 2024.300 caméras : Nombre de caméras déployées par la RATP lors des JO de Paris 2024 pour la VSA.
2023-11-14 : Révélation de l’utilisation illégale par la police française d’un logiciel israélien de reconnaissance faciale depuis 2015.177 utilisations : Nombre d’utilisations du logiciel BriefCam par la police en 2022 et 2023.
2024-10-03 : Le gouvernement étudie la pérennisation de la VSA au-delà des JO de 2024.386 utilisations : Nombre d’utilisations du logiciel BriefCam par la gendarmerie en 2022 et 2023.
2024-12-05 : La CNIL met en demeure le ministère de l’Intérieur et six communes concernant l’utilisation de la vidéosurveillance.8 ans : Durée pendant laquelle la police française a utilisé illégalement le logiciel BriefCam depuis 2015.

Dans cette continuité, la loi relative aux Jeux Olympiques de 2024 franchit une nouvelle étape en autorisant les caméras dotées d’algorithmes capables d’identifier des comportements jugés “anormaux” en temps réel. Ces “caméras augmentées”, équipées d’intelligence artificielle, peuvent analyser les images pour détecter des anomalies comme des rassemblements soudains ou des comportements inhabituels. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a exprimé des réserves face à ce déploiement massif, soulignant le besoin d’encadrer strictement les usages pour prévenir les abus.

La vidéosurveillance algorithmique, d’abord expérimentée pour Paris 2024, ouvre la voie à des technologies de surveillance de plus en plus intrusives.

Vers une surveillance massive : inquiétudes autour des libertés individuelles

L’ONG Amnesty International et l’association La Quadrature du Net ont exprimé leurs inquiétudes quant à cette nouvelle technologie. Selon Amnesty, la vidéosurveillance algorithmique risque de compromettre gravement les droits humains, en particulier la liberté d’expression et le droit à la vie privée. Le simple fait de savoir que chaque mouvement peut être analysé par un algorithme risque d’inciter les citoyens à modifier leurs comportements ou à s’auto-censurer, altérant la manière dont les individus interagissent dans l’espace public.

En novembre 2023, l’ONG Disclose a révélé que des technologies de surveillance similaires, provenant d’un logiciel israélien, étaient déjà utilisées par la police française depuis 2015, en dehors de tout cadre légal. Des juristes spécialisés considèrent ces pratiques comme liberticides, mettant en garde contre une possible banalisation de la surveillance algorithmique au-delà des Jeux Olympiques. Le danger réside dans le fait qu’une fois la technologie mise en place, son usage pourrait se généraliser et devenir permanent, transformant potentiellement les villes en espaces de contrôle continu.

Pour Amnesty, la VSA pourrait ouvrir la voie à une société de surveillance en continu, limitant les libertés individuelles.

Selon l’association La Quadrature du Net, cette légalisation marque l’acceptation d’une technologie considérée comme une des plus dangereuses pour les droits numériques. Les caméras intelligentes ne se contentent pas de surveiller passivement, elles analysent et interprètent en temps réel, et peuvent même discriminer sur la base de caractéristiques physiques. Ce dispositif, en plus de cibler des comportements jugés “déviants”, pourrait également renforcer les biais algorithmiques et discriminer des groupes spécifiques, une réalité qui inquiète de nombreux défenseurs des libertés individuelles.

Crédits photo : Jannis Andrija Schnitzer Flickr

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Comment le satellite franco-chinois SVOM illustre-t-il les relations diplomatiques entretenues par la France et la Chine ?

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Le 22 juin 2024, la Chine a lancé avec succès le satellite SVOM, fruit d'une coopération étroite entre ingénieurs français et chinois. Cette mission, destinée à explorer les mystères des sursauts gamma, témoigne de la solide alliance scientifique et diplomatique qui lie la France et la Chine.

Une mission à la frontière de l’univers et de la diplomatie

La mission SVOM, acronyme pour Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor, représente bien plus qu’un projet scientifique. Conçue en 2014 dans le cadre d’une entente franco-chinoise, cette mission étudie les explosions d’étoiles massives et la fusion d’objets stellaires. Le satellite, lancé par une fusée Longue Marche 2C depuis la base de Xichang, a pour objectif principal de détecter et d’analyser les sursauts gamma, des phénomènes extrêmement énergiques qui permettent aux chercheurs de mieux comprendre l’origine et l’évolution de l’univers.

Dates ImportantesChiffres Clés
2014 : Signature de l’accord de coopération franco-chinois pour la mission SVOM.1,5 gramme : Quantité d’échantillons lunaires offerts par la Chine à la France en avril 2023.
22 juin 2024 : Lancement réussi du satellite SVOM depuis la base de Xichang par une fusée Longue Marche 2C.60 ans : Anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine en 2024.
Mai 2024 : Tenue du conseil d’entreprises sino-français à Paris, renforçant les engagements économiques bilatéraux.3 ans : Durée prévue de la mission SVOM.
Avril 2023 : La Chine offre à la France des échantillons lunaires de la mission Chang’e-5 pour la recherche scientifique.100 sursauts gamma : Nombre annuel de sursauts gamma que SVOM devrait détecter.
2018 : Lancement du satellite océanographique CFOSat, première collaboration satellitaire entre la Chine et la France.625 km : Altitude orbitale du satellite SVOM.
Décembre 2020 : Retour sur Terre des échantillons lunaires de la mission chinoise Chang’e-5.950 kg : Masse du satellite SVOM.

Les sursauts gamma sont parmi les événements les plus intenses et rares de l’espace : ils peuvent libérer en quelques secondes une quantité d’énergie équivalente à celle produite par le Soleil durant toute sa vie. SVOM a été spécifiquement équipé pour capter cette énergie fugace et en percer les mystères. Les sursauts gamma, selon les scientifiques du Centre National d’Études Spatiales (CNES) et du Centre de l’Énergie Atomique (CEA), peuvent révéler des détails uniques sur la formation et l’expansion de l’univers, remontant jusqu’à moins d’un milliard d’années après le Big Bang. Cette collaboration scientifique témoigne d’une relation diplomatique et technologique qui se distingue dans un contexte de tensions internationales où d’autres puissances, comme les États-Unis, maintiennent une interdiction de collaboration spatiale avec la Chine, en vertu de l’amendement Wolf adopté en 2011.

Les sursauts gamma libèrent en quelques secondes une énergie équivalente à celle produite par le Soleil sur des milliards d’années.

Une coopération étendue à de multiples secteurs

Outre le domaine scientifique, la coopération franco-chinoise s’épanouit dans d’autres secteurs, illustrant une collaboration diplomatique et économique bien ancrée. En mai 2024, le conseil d’entreprises sino-français tenu à Paris a permis aux deux pays de renouveler leurs engagements économiques et d’explorer de nouveaux partenariats. De nombreuses entreprises françaises, notamment dans les domaines de l’énergie et de la technologie, se sont implantées en Chine, renforçant ainsi les liens économiques et multipliant les investissements bilatéraux.

 Le secteur de l’éducation est également au cœur de cette relation : des accords facilitent les échanges d’étudiants et de chercheurs entre les deux pays. L’enseignement des langues respectives est également encouragé, les étudiants français pouvant apprendre le mandarin en France et réciproquement les étudiants chinois découvrant le français. Cela s’inscrit dans une volonté partagée de favoriser la compréhension interculturelle, un objectif indispensable pour maintenir des relations diplomatiques de qualité.

En 2024, la France et la Chine célèbrent 60 ans de relations diplomatiques, marquées par des coopérations technologiques, économiques et culturelles.

Les projets communs entre la France et la Chine ne cessent de se multiplier, incluant des initiatives pour lutter contre le changement climatique. Les deux pays ont ainsi annoncé plusieurs accords pour renforcer leurs efforts communs dans la transition énergétique. La mission SVOM s’inscrit dans cette série de collaborations exemplaires, unissant les avancées scientifiques de chaque pays et jetant les bases d’une exploration spatiale collaborative, même dans un contexte international complexe.

Crédits photo : Wikimedia commons

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