S’estimant lésée, l’Algérie a porté l’affaire sur la scène internationale lors du Forum mondial de l’eau à Bali en mai 2024, puis en octobre à Ljubljana (Slovénie). La question de l’eau est devenue un levier géopolitique majeur, alimentant les rivalités historiques entre les deux pays, déjà marquées par des différends politiques.
La crise de l’eau entre le Maroc et l’Algérie s’inscrit dans un contexte régional marqué par le stress hydrique. En 2023, la région MENA avait une disponibilité annuelle moyenne d’eau par personne de 480 m³, soit moins de 10 % de la moyenne mondiale et bien en deçà du seuil international de pénurie d’eau. Cette rareté a poussé les deux pays à adopter des stratégies hydrauliques ambitieuses, souvent concurrentes. Face à cette situation, le Maroc a lancé le Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Irrigation pour la période 2020-2027,. visant l’achèvement des barrages en cours et la construction de 20 nouveaux ouvrages. En réponse à cette stratégie, Alger a renforcé sa surveillance des eaux transfrontalières et investi dans des projets de dessalement d’eau de mer, avec l’objectif de produire 5,8 millions de m³ d’eau potable par jour d’ici 2030.
L’industrialisation croissante autour de Béchar en Algérie et dans le Sud-Est marocain aggrave la pression sur des réserves d’eau déjà fragiles. Le complexe sidérurgique prévu à Béchar et l’exploitation du gisement de Gara Djebilet nécessiteront un approvisionnement constant en eau, un défi dans une région aux précipitations rares et aux nappes phréatiques en déclin. De son côté, le Maroc développe la culture intensive des dattes, très gourmande en eau, alors que les oueds et aquifères s’assèchent.
Cette rivalité autour de l’eau exacerbe les tensions entre les deux pays, dont les différends vont au-delà de la question hydrique. Aujourd’hui, chaque pays privilégie une approche souveraine et concurrentielle, développant des infrastructures sans coordination avec son voisin. Cependant, la réalité climatique impose une problématique plus urgente : la soutenabilité de ces investissements face à l’accélération du stress hydrique. L’Algérie et le Maroc, bien que rivaux, partagent une vulnérabilité commune qui pourrait, à terme, les contraindre à reconsidérer leur approche. Bien que l’option d’une gestion concertée des ressources hydriques soit écartée dans le climat actuel de défiance, la multiplication des crises – agricoles, industrielles et sociales – pourrait rendre cette coopération inévitable.