Ces préjugés sont alors entrés dans l’édification même de la tradition des études orientales et ont fini par devenir un élément commun, passant alors de génération en génération. Aujourd’hui, la démocratisation de l’utilisation de l’intelligence artificielle n’en reste pas moins un vecteur de pensées et de préjugés pouvant être qualifiés d’orientalisme.
Critique fondamentale des représentations de l’Orient par l’Occident, l’Orientalisme d’Edouard Saïd influence les études postcoloniales et met en avant les dynamiques politiques, culturelles et les relations entre ces deux altérités. L’utilisateur est donc à même d’être soumis à ces concepts orientalistes, dans la mesure où il en questionne l’I.A. L’utilisation de l’I.A. comme un « super-assistant », questionne désormais sur le parti-pris, volontaire ou non, des informations et suggestions transmises par les algorithmes. La question de l’e-orientalisme est assez pertinente, dans la mesure où la data accumulée depuis plusieurs décennies, repose aussi sur ces concepts et reste ainsi d’actualité.
D’abord, il y a la définition de cet espace par l’I.A. L’Orient dans sa représentation géographique est considérée comme un espace vaste, presque flou, de tout ce qui se trouve à l’Est de l’Europe et donc un rapport d’altérité avec l’Occident. Ainsi les moteurs d’I.A. reprennent ces données et caractérisent l’Orient, les pays allant de l’Egypte jusqu’au Japon, reprenant donc les paradigmes et les discours stéréotypés dénoncés dans l’œuvre saïdienne. En effet, il est important de souligner que les pays mentionnés par l’I.A. sont différents, tant au niveau des cultures, des histoires, des langues, des religions et des réalités sociales, ne pouvant constituer un ensemble homogène.
A ceci s’ajoute également une généralisation des stéréotypes occidentaux, s’inscrivant dans la tradition des voyageurs depuis le XIXe siècle qui souhaitent effectuer un voyage jusqu’en Orient et qui racontent leurs découvertes de cet inconnu connu. L’I.A., s’appuyant alors sur les informations accessibles sur ces concepts orientalistes, mais sans les critiquer, affirmant proposer une diversité « d’expériences » quant au voyage en Orient. Notamment en proposant à l’utilisateur de découvrir l’exotisme et en mettant en avant aussi bien le patrimoine millénaire exceptionnel que le mélange de tradition et de modernité qu’offriraient tous ces pays d’Orient.