Mario Draghi à la rescousse de la compétitivité européenne

Le plan Draghi peut-il sauver le modèle européen ?

Mario Draghi à la rescousse de la compétitivité européenne

Le plan Draghi peut-il sauver le modèle européen ?

Depuis la remise du rapport Draghi en septembre 2024, les débats sur la compétitivité européenne s’intensifient. Face à une Union en proie au déclin économique et technologique, l’ancien président de la BCE préconise des réformes drastiques et des investissements massifs. Mais cette vision ambitieuse, portée par un homme qui a marqué l’histoire de l’euro, peut-elle réellement éviter à l’Europe un rôle secondaire dans l’économie mondiale ?

Le rapport de Mario Draghi, remis le 9 septembre 2024 à la Commission européenne, s’inscrit dans un contexte où l’Union Européenne fait face à une crise de compétitivité préoccupante. Ce document de 400 pages met en lumière les faiblesses structurelles de l’Europe par rapport à ses rivaux globaux, notamment les États-Unis. Parmi les problématiques soulevées, Draghi pointe un déficit en recherche et développement, une perte d’autonomie industrielle, et une souveraineté technologique menacée. Ce « décrochage », pour reprendre les termes de Jean-Michel Naulot dans une tribune du Monde, se reflète dans les chiffres : le revenu disponible des ménages américains a presque doublé plus vite que celui des Européens, tandis que les investissements en innovation restent insuffisants de ce côté de l’Atlantique.

Draghi propose 170 mesures pour inverser cette tendance, dont certaines bouleversent les paradigmes traditionnels de l’Union. Allègement des règles de concurrence, accélération de la transition énergétique, investissements massifs dans l’intelligence artificielle : ces projets nécessiteraient un financement minimum de 800 milliards d’euros par an, selon les projections de l’ancien président de la BCE.

Dates et événements clésChiffres clés
Automne 2023 : Commande du rapport Draghi par la Commission européenne.800 milliards €/an : Investissements nécessaires selon Draghi.
9 juin 2024 : Élections européennes marquées par une montée des partis nationalistes.170 mesures : Proposées dans le rapport pour transformer l’économie.
Juillet 2024 : Ursula von der Leyen présente un programme aligné partiellement sur le rapport Draghi.40 % : Part des émissions de CO2 que l’UE doit réduire d’ici 2030.
9 septembre 2024 : Remise officielle du rapport Draghi à Bruxelles.50 % : Déficit de dépenses en R&D de l’UE comparé aux États-Unis.
21 septembre 2024 : Publication des premières analyses critiques dans la presse européenne.20 % : Part de l’intelligence artificielle dans le PIB global d’ici 2035.

La stratégie Draghi repose sur un principe central : une réponse commune à des enjeux communs. Pour Draghi, seule une dette européenne collective permettrait de débloquer les financements nécessaires. Ce modèle, déjà expérimenté avec succès lors de la pandémie de Covid-19, supposerait une intervention massive de la Banque centrale européenne pour racheter des obligations. Pourtant, cette perspective suscite des inquiétudes, notamment sur ses potentielles conséquences inflationnistes, mises en avant par La Libre.

Par ailleurs, l’ampleur des réformes implique un abandon partiel de souveraineté économique, une condition difficilement conciliable avec la montée des partis europhobes, amplifiée lors des élections de juin 2024. Éric Le Boucher, éditorialiste pour Les Échos, insiste : dans une période où certains réclament « moins d’Europe », ce plan ambitieux exige « plus d’Europe ». Le rapport Draghi met donc en lumière une fracture politique au sein de l’Union.

L’Europe face à la réindustrialisation

Les propositions de Draghi ne se limitent pas à la finance. Elles incluent également des stratégies pour réindustrialiser l’Europe, développer les technologies émergentes et réduire les dépendances externes, notamment énergétiques. Les objectifs de neutralité carbone sont ambitieux mais nécessitent des infrastructures colossales. Draghi préconise une coopération accrue entre les États membres, notamment via des partenariats public-privé. Pour l’ancien Premier ministre italien, ce n’est qu’à cette condition que l’Europe pourra rivaliser avec les mastodontes que sont les États-Unis et la Chine.

Si les ambitions de Mario Draghi sont claires, leur mise en œuvre se heurte à une réalité politique complexe. Les élections européennes de juin 2024 ont vu une montée significative des partis nationalistes et eurosceptiques, rendant la tâche d’obtenir un consensus encore plus ardue. Ces forces politiques, souvent critiques envers les mécanismes d’intégration européenne, rejettent toute idée d’abandon supplémentaire de souveraineté, condition pourtant essentielle à la réalisation des propositions du rapport Draghi. Dans ce contexte, Ursula von der Leyen, reconduite à la présidence de la Commission européenne en juillet 2024, a prudemment intégré certains aspects du rapport dans son programme, sans pour autant en adopter l’entièreté.

La compétitivité de l’Union européenne repose sur sa capacité à dépasser les résistances internes et à s’unifier face aux défis mondiaux.

D’un point de vue économique, le modèle de financement proposé par Draghi, basé sur une mutualisation de la dette, est également controversé. L’expérience des plans de relance post-Covid a montré que ce mécanisme peut être efficace à court terme, mais il soulève des interrogations sur sa soutenabilité à long terme, en particulier dans un contexte inflationniste. La Libre souligne que cette approche pourrait alimenter une hausse des prix, une problématique déjà sensible pour de nombreux ménages européens.

Au coeur de l’urgence technologique et énergétique

Au cœur des recommandations du rapport Draghi se trouve une volonté de restaurer la souveraineté technologique et énergétique de l’Union Européenne. Ces deux aspects sont étroitement liés, car la dépendance aux technologies étrangères, notamment américaines et chinoises, fragilise la compétitivité européenne. Draghi plaide pour des investissements massifs dans l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs et les énergies renouvelables. Selon L’Opinion, ces initiatives nécessitent une refonte totale des politiques industrielles et des collaborations transfrontalières renforcées. À titre d’exemple, le développement d’une chaîne d’approvisionnement européenne pour les batteries électriques pourrait réduire significativement la dépendance aux importations asiatiques.

Cependant, ces ambitions se heurtent à des contraintes budgétaires et à une coordination laborieuse entre les États membres. Alors que certains pays, comme l’Allemagne, disposent des capacités financières pour investir massivement, d’autres, plus endettés, restent réticents à de tels engagements.

L’Europe joue sa survie économique et technologique dans la décennie à venir. Sans un sursaut collectif, elle risque d’être reléguée à un second rôle sur la scène mondiale.

L’un des points les plus sensibles du rapport Draghi concerne la réforme des règles de concurrence. Longtemps considérées comme un pilier de la politique européenne, ces règles pourraient être assouplies pour permettre la création de champions industriels capables de rivaliser avec les géants américains et chinois. Cette proposition suscite des divisions : pour certains, elle est nécessaire pour garantir la survie des industries stratégiques ; pour d’autres, elle pourrait favoriser les monopoles et réduire l’innovation. Benoît Cœuré, ancien membre de la BCE, estime que ces ajustements sont indispensables pour que l’Europe puisse répondre aux défis de la mondialisation.

Par ailleurs, les objectifs climatiques de l’Union Européenne ajoutent une pression supplémentaire. Le rapport Draghi insiste sur l’urgence de décarboner les secteurs industriels et énergétiques, mais il reconnaît que cette transition nécessite des infrastructures coûteuses et un engagement politique sans faille. Pour Draghi, retarder ces investissements ne ferait qu’aggraver le retard de l’Europe.

Crédits photo : Raul Mee (EU2017EE) Flinkr

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Depuis plus de deux décennies, l'Union européenne (UE) et le Mercosur négocient un accord de libre-échange visant à renforcer les liens économiques et politiques entre les deux blocs. Cependant, cet accord suscite une vive opposition parmi les agriculteurs européens, inquiets des conséquences potentielles sur leur secteur.

Engagées depuis 1999, les négociations entre l’UE et le Mercosur ont pour but de créer un partenariat économique et politique solide. Un accord commercial a été signé en 2019, mais les deux blocs travaillent actuellement sur un protocole additionnel afin d’intégrer des engagements plus forts en faveur du développement durable, en particulier pour lutter contre la déforestation et s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris. Le volet agricole de cet accord est à l’origine de la colère des agriculteurs qui manifestent leur désaccord, pour concurrence déloyale sur des ronds points baptisés “ronds points de l’Europe”. Pourquoi une telle animosité envers cet accord ?​

Malgré deux décennies de négociations, l’accord de libre-échange avec ces pays d’Amérique du Sud est remis en cause par les agriculteurs européens inquiets de la concurrence des éleveurs sud-américains. L’accord n’entrera pas tout de suite en vigueur, il faudra attendre la finalisation juridique et sa traduction, après lesquelles il devra être ratifié au Parlement. Ce dernier adopte une position ambiguë sur ce traité de libre-échange visant à développer un marché de plus de 700 millions de consommateurs, qui reflète les complexités de ce texte. L’accord UE-Mercosur permet la suppression de 91% des droits de douane imposés par les pays d’Amérique latine sur les produits européens, qui seront éliminés à terme. 

Dates importantesChiffres clés
1999 : Début des négociations entre l’UE et le Mercosur pour un accord de libre-échange.700 millions : Nombre de consommateurs concernés par l’accord, englobant les populations de l’UE et du Mercosur.
2019 : Signature initiale de l’accord commercial entre les deux blocs.91% : Pourcentage des droits de douane que le Mercosur supprimera sur les produits européens à terme.
6 décembre 2024 : Conclusion des négociations sur un protocole additionnel axé sur le développement durable.92% : Pourcentage des droits de douane que l’UE éliminera sur les produits sud-américains importés.
18 novembre 2024 : Manifestations des agriculteurs français contre l’accord, dénonçant une concurrence déloyale.5,56 milliards d’euros : Montant potentiel du chiffre d’affaires supplémentaire pour les exportations françaises vers le Mercosur.
12 novembre 2024 : Plus de 600 parlementaires français adressent une lettre à Ursula von der Leyen exprimant leur opposition à l’accord.99 000 tonnes : Quota annuel de viande bovine que le Mercosur pourra exporter vers l’UE à des tarifs préférentiels.
13 novembre 2024 : Discussions au Parlement européen sur les « clauses miroirs » pour assurer une concurrence équitable.180 000 tonnes : Quota annuel de volaille que le Mercosur pourra exporter vers l’UE à des tarifs préférentiels.
27 novembre 2024 : Débat public sur les implications environnementales de l’accord, notamment la déforestation.190 000 tonnes : Quota annuel de sucre que le Mercosur pourra exporter vers l’UE à des tarifs préférentiels.
10 décembre 2024 : Manifestations en Espagne contre l’accord, avec des agriculteurs dénonçant une concurrence déloyale.650 000 tonnes : Quota annuel d’éthanol que le Mercosur pourra exporter vers l’UE à des tarifs préférentiels.
7 décembre 2024 : Organisations agricoles valenciennes expriment leur mécontentement face à l’accord.1 000 000 tonnes : Quota annuel de maïs que le Mercosur pourra exporter vers l’UE à des tarifs préférentiels.
19 janvier 2025 : Publication d’analyses sur les opportunités et défis de l’accord pour l’agriculture européenne.4 milliards d’euros : Économies potentielles annuelles pour les entreprises de l’UE en droits de douane grâce à l’accord.

92% des droits de douane appliqués par l’Union européenne sur les produits sud-américains qui arrivent dans l’Union seront également supprimés. Cette libéralisation des marchés pourrait générer 5,56 milliards d’euros de chiffre d’affaires grâce aux exportations de biens français vers le Mercosur, incluant les secteurs des machines et équipements électriques, du matériel, du transport et des produits chimiques et pharmaceutiques. Ceci s’accompagne d’une large ouverture au marché européen, protégeant certains produits, au très compétitif marché agricole du Mercosur. 

Le Mercosur est reconnu pour sa production agricole abondante et compétitive, notamment dans les secteurs de la viande bovine, du soja et du sucre.“L’agriculture n’est pas une monnaie d’échange pour quelques voitures” affirme un agriculteur en colère. Viande contre voiture, un pari perdant pour la France ? Au prisme de l’argument ricardien de la spécialisation des biens importés, observons les pour et les contres de cet accord accusé d’affaiblir un secteur agricole en peine.​ Cette spécialisation crée une complémentarité économique intéressante : l’Europe pourrait s’approvisionner en produits agricoles à des coûts potentiellement plus bas, tandis que les pays du Mercosur pourraient accéder à un marché

Entre concurrence et manque protections

Si les défenseurs de l’accord UE-Mercosur mettent en avant les bénéfices économiques et stratégiques de cet échange, les agriculteurs européens dénoncent une mise en péril de leur compétitivité. Le principal point de friction réside dans la différence des normes de production entre les deux blocs. En Europe, les réglementations en matière de bien-être animal, d’utilisation des pesticides et de traçabilité alimentaire sont strictes, imposant aux agriculteurs des coûts de production plus élevés. À l’inverse, les producteurs du Mercosur bénéficient de coûts plus faibles en raison de régulations environnementales et sanitaires moins contraignantes.

L’un des points critiques soulevés par la profession agricole concerne la viande bovine. L’accord prévoit l’importation de 99 000 tonnes de viande bovine en franchise de droits de douane dans l’UE. Or, les exploitants français et européens dénoncent une inégalité structurelle : au Brésil ou en Argentine, les éleveurs utilisent des hormones de croissance interdites en Europe et disposent de vastes étendues de terres, réduisant leurs coûts. Selon la Fédération nationale bovine, l’élevage français subit un surcoût de 8 % dû aux normes sanitaires et environnementales en vigueur. Face à ce constat, l’idée d’intégrer des « clauses miroirs » dans l’accord s’est imposée comme un impératif pour certains gouvernements, dont la France.

Les clauses miroirs, perçues comme un levier de protection pour les agriculteurs européens, restent largement inapplicables dans un cadre de libre-échange, mettant en lumière les contradictions de l’accord UE-Mercosur.

Le gouvernement français milite pour l’intégration de clauses de réciprocité, ou « clauses miroirs », qui garantiraient une application des mêmes normes de production aux importations en provenance du Mercosur. L’objectif est d’éviter une concurrence biaisée où les produits sud-américains bénéficieraient d’un avantage tarifaire dû à des conditions de production plus permissives.

Toutefois, la mise en place de ces clauses pose de nombreuses difficultés. Sur le plan juridique, l’OMC (Organisation mondiale du commerce) impose des règles strictes en matière de libre-échange, qui compliquent la mise en œuvre de mesures protectionnistes sous couvert de normes environnementales. De plus, les États du Mercosur ont déjà exprimé leur réticence à accepter des restrictions sur leurs exportations agricoles, considérant ces clauses comme une tentative de limiter artificiellement leur compétitivité.

Une fracture européenne sur la ratification de l’accord

Dans un rapport publié en novembre 2024, la Commission européenne reconnaît que la mise en place des clauses miroirs nécessiterait des mécanismes de contrôle robustes et coûteux, rendant leur application incertaine. De nombreux analystes estiment que ces mesures, bien que politiquement séduisantes, risquent de rester lettre morte en raison de leur incompatibilité avec le cadre actuel du commerce international.

La France ne fait pas front seule dans cette opposition. Aux côtés de l’Autriche, de l’Irlande et des Pays-Bas, elle défend une position protectionniste face aux importations agricoles sud-américaines. Emmanuel Macron a plusieurs fois affirmé que la ratification de l’accord en l’état était « impossible » sans garanties sur la réciprocité des normes. L’argument repose également sur un risque écologique majeur : selon une étude de l’Institut européen de politique environnementale, l’accord pourrait entraîner une augmentation de 25 % de la déforestation en Amazonie, en raison de l’expansion de la production de soja et de bétail.

La fracture européenne sur l’accord UE-Mercosur illustre les tensions entre intérêts agricoles et industriels, mettant en péril l’unité du bloc communautaire.

En revanche, une coalition de 11 États membres, menée par l’Allemagne et l’Espagne, soutient fermement l’accord, mettant en avant ses bénéfices industriels et commerciaux. Pour ces pays, notamment l’Allemagne, qui exporte massivement des véhicules et des machines vers le Mercosur, cet accord représente un levier stratégique pour renforcer leur présence sur un marché émergent. L’Italie et la Belgique, de leur côté, estiment que les concessions agricoles sont un prix à payer pour garantir des débouchés aux industries européennes.

Cette division risque de compliquer la ratification du texte. Pour qu’un accord commercial entre en vigueur, il doit être approuvé par le Parlement européen ainsi que par chaque État membre. Or, face aux tensions croissantes, certains pays pourraient refuser de le valider, retardant ou compromettant définitivement son application.

Crédit image : Shutterstock Alexandre Prevot

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Cannabis en France : pourquoi la répression ne fonctionne-t-elle pas ?

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Une politique ultra-répressive, une consommation qui explose. Depuis des décennies, la France maintient une législation parmi les plus strictes d’Europe en matière de cannabis, sans que cela ne freine réellement l’ampleur du phénomène. Le paradoxe est flagrant : malgré des sanctions élevées et une politique de tolérance zéro, la France demeure le pays qui consomme le plus de cannabis sur le continent. Comment expliquer cet échec et quelles sont les alternatives possibles ?

Depuis plusieurs décennies, la France campe sur une approche répressive concernant le cannabis. La possession et la consommation sont pénalement sanctionnées et peuvent, théoriquement, conduire à un an de prison. En pratique, la majorité des contrevenants écopent de peines plus légères, telles que des amendes forfaitaires ou des travaux d’intérêt général. Le ministère de l’Intérieur a ainsi recensé 60 000 amendes forfaitaires délictuelles en 2021, une mesure censée désengorger les tribunaux. Pourtant, cette politique ne semble avoir aucun impact sur la consommation. Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), 44,8 % des Français âgés de 15 à 64 ans ont déjà consommé du cannabis, soit 18 millions de personnes, un chiffre bien au-dessus de la moyenne européenne, qui se situe à 27 %1,3 million de consommateurs réguliers sont recensés dans le pays, dont 850 000 fument quotidiennement. Une situation préoccupante qui met en lumière l’échec du cadre législatif actuel.

Dates clésÉvénements marquantsChiffres clés
Avril 2019La 7e édition de Drogues et addictions confirme que la France est le plus grand consommateur de cannabis en Europe.850 000 fumeurs quotidiens en France
2021Mise en place de l’amende forfaitaire délictuelle pour consommation de stupéfiants.60 000 amendes délivrées cette année-là
Janvier 2023Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) constate l’échec de la répression et demande une révision de la politique.1,3 million de consommateurs réguliers
2024Selon Statista, 45 % des Français sont favorables à la légalisation et 43 % à la dépénalisation.44,8 % des 15-64 ans ont déjà consommé du cannabis

Malgré la sévérité des sanctions, les réseaux de trafic évoluent et deviennent plus discrets. Longtemps caractérisés par des convois rapides (« go fast »), les importateurs adoptent désormais des stratégies plus subtiles (« go slow »), qui respectent les limitations de vitesse pour éviter d’attirer l’attention des forces de l’ordre. L’essor du numérique a également bouleversé le marché du cannabis. Grâce aux réseaux sociaux et au dark web, il est devenu plus facile d’accéder aux produits illicites. Certains jeunes ne perçoivent même plus l’illégalité de cette consommation, comme l’indique Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT. Cette facilité d’accès pose un problème de santé publique majeur, notamment chez les mineurs.

Un marché qui s’adapte, une répression inefficace

Si la consommation de cannabis reste illégale en France, certaines études ont mis en avant ses propriétés thérapeutiques. Son usage médical est autorisé dans plusieurs pays européens et son efficacité est étudiée dans le traitement de certaines douleurs chroniques. Toutefois, les risques liés à sa consommation récréative demeurent élevés. Outre les effets secondaires immédiats comme la paranoïa et les troubles cognitifs, la consommation régulière de cannabis est associée à des pathologies psychiatriques, notamment la schizophrénie. Une étude publiée en mai 2023 dans Le Monde révèle que les jeunes hommes sont particulièrement vulnérables à ce phénomène. Par ailleurs, le risque d’être impliqué dans un accident mortel est multiplié par 29 lorsqu’on combine consommation d’alcool et de cannabis, selon Drogue Info Service. Ces chiffres soulignent l’importance d’une meilleure prévention auprès des consommateurs.

La banalisation du cannabis chez les jeunes Français illustre les limites du modèle répressif. Malgré un cadre législatif strict, près de 4 % des 15-34 ans en consomment quotidiennement, un taux bien supérieur à celui de nombreux pays européens.

Face à l’inefficacité des sanctions actuelles, la question d’un changement de politique se pose de plus en plus. Plusieurs personnalités politiques plaident pour une approche plus pragmatique. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, propose une expérimentation de la légalisation dans certains départements. La position de la population évolue également : en 2024, 45 % des Français soutiennent une légalisation du cannabis et 43 % sont favorables à une dépénalisation, à l’image du modèle portugais. De son côté, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a dressé un bilan critique de la répression en janvier 2023, appelant à un véritable débat sur la légalisation. Cette remise en question est loin d’être anodine dans un pays où l’usage du cannabis est historiquement perçu comme un fléau à combattre par des moyens judiciaires.

Un modèle répressif isolé en Europe

Si la France continue d’adopter une approche punitive face au cannabis, elle apparaît de plus en plus isolée sur la scène européenne. Plusieurs pays ont adopté des stratégies alternatives qui semblent porter leurs fruits. Le Portugal, pionnier en la matière, a dépénalisé toutes les drogues en 2001, privilégiant une approche sanitaire. La possession de petites quantités n’entraîne plus de poursuites pénales, mais un suivi médical et social. Résultat : la consommation n’a pas explosé, et le nombre d’overdoses a chuté de manière spectaculaire.

D’autres pays, comme l’Allemagne ou Malte, ont choisi la légalisation encadrée. L’Allemagne, qui prévoit de légaliser le cannabis en 2024, mise sur un contrôle strict de la production et de la distribution pour endiguer le marché noir.En Espagne, l’usage récréatif reste interdit, mais les « clubs sociaux » permettent aux membres de cultiver et de consommer du cannabis en toute légalité. Les Pays-Bas, souvent cités en exemple, autorisent la vente dans les célèbres « coffeeshops », tout en maintenant une tolérance zéro sur la production.

La consommation de cannabis au volant reste un facteur majeur d’accidents mortels. Associé à l’alcool, il multiplie le risque d’accident par 29, un chiffre alarmant qui remet en question l’efficacité de la prévention actuelle.

À l’inverse, la France campe sur une approche punitive, qui contraste avec les évolutions observées chez ses voisins. Pourtant, rien ne prouve que cette politique soit plus efficace. L’Hexagone affiche une prévalence de consommation bien plus élevée que des pays où le cannabis est toléré ou régulé.

L’un des paradoxes de la politique française est qu’elle ne freine en rien l’essor du marché noir. Le cannabis reste la drogue illicite la plus consommée en France, et son interdiction profite aux réseaux criminels. Selon une enquête de Sud Ouest, le trafic de cannabis représente une économie souterraine de plusieurs milliards d’euros, alimentant une criminalité parfois violente dans certaines cités. Les forces de l’ordre peinent à enrayer ce phénomène : les interpellations se multiplient, mais elles ne font qu’effleurer la structure des réseaux de trafic.

Un marché souterrain florissant

L’évolution des circuits d’approvisionnement complique encore la tâche des autorités. La filière marocaine, historiquement dominante, cède du terrain face aux cultures locales et aux importations en provenance d’Espagne. Les nouvelles méthodes de transport, comme le « go slow », rendent les saisies plus rares et moins efficaces. À cela s’ajoute l’essor des commandes en ligne, qui permettent aux consommateurs d’accéder facilement au produit via le dark web ou les réseaux sociaux.

Dans ce contexte, les trafiquants prospèrent, et le consommateur moyen n’a aucune difficulté à se procurer du cannabis, quelles que soient les sanctions encourues. Longtemps perçue comme un tabou, la question du cannabis commence à s’imposer dans le débat public. En 2024, 45 % des Français se déclarent favorables à la légalisation et 43 % à la dépénalisation. Un chiffre en nette augmentation par rapport aux décennies précédentes. La montée de ce soutien traduit un changement de perception : la répression n’est plus vue comme une solution, mais comme un problème en soi.

Plusieurs responsables politiques plaident désormais pour une refonte de la politique du cannabis. Olivier Faure (PS) propose une expérimentation de la légalisation dans certains départements. D’autres, à droite comme à gauche, estiment qu’une approche régulée permettrait de mieux encadrer la consommation et de priver les trafiquants de leurs revenus. Les modèles étrangers sont de plus en plus cités en exemple, notamment ceux du Portugal et de l’Allemagne. Les partisans d’un changement plaident pour une approche fondée sur la prévention et la réduction des risques, plutôt que sur la répression systématique.

Crédit photo : Shutterstock/Kittyfly

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Le 29 octobre 2024, une proposition de loi visant à instaurer une taxe sur les boissons sucrées a été déposée par des députés du groupe MoDem, suscitant un vif débat au sein de l'Assemblée nationale. Cette initiative s'inscrit dans un contexte où la consommation excessive de sucre est devenue une préoccupation majeure de santé publique en France.

La consommation de sucre en France dépasse souvent les recommandations sanitaires. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), environ 20 % des adultes et 25 % des adolescents de 13 à 17 ans consomment plus de 100 grammes de sucres totaux par jour, seuil au-delà duquel des risques pour la santé sont identifiés. 

Cette surconsommation est corrélée à une prévalence accrue de l’obésité, notamment chez les jeunes issus des milieux populaires. En classe de troisième, 7,5 % des enfants d’ouvriers sont considérés comme obèses, contre 2,7 % des enfants de cadres. 

La proposition de loi suggère une taxation progressive basée sur la teneur en sucre des boissons : les produits contenant moins de 3 kg de sucre par hectolitre ne seraient pas taxés, ceux contenant entre 5 et 8 kg seraient soumis à une taxe de 21 euros, et ceux dépassant 8 kg de sucre par hectolitre à une taxe de 28 euros. Ce modèle s’inspire de la « taxe soda » mise en place au Royaume-Uni, qui a conduit à une réduction significative de la consommation de sucre et à une diminution des maladies liées à sa surconsommation. 

La consommation excessive de sucre est un enjeu majeur de santé publique en France, contribuant à l’augmentation des maladies chroniques telles que le diabète de type 2 et l’obésité.

Cependant, cette initiative ne fait pas l’unanimité. Certains parlementaires estiment qu’une telle taxe pourrait exacerber les inégalités sociales, les produits sucrés étant majoritairement consommés par les classes populaires en raison de leur coût inférieur. Par exemple, l’obésité touche environ cinq fois plus les enfants d’ouvriers que ceux de cadres.  De plus, le gouvernement a décidé de ne pas soutenir l’amendement proposant une nouvelle taxe sur les produits sucrés transformés, préférant encourager les industriels à réduire volontairement la teneur en sucre de leurs produits. 

Parallèlement, la révision de la « taxe soda » existante a été adoptée, introduisant un barème plus strict pour inciter les entreprises à diminuer la teneur en sucre de leurs boissons. Instaurée depuis 2012 et réformée en 2018 pour introduire une plus grande progressivité, la « taxe soda » a généré 456 millions d’euros de recettes budgétaires en 2022. Cependant, plusieurs études ont conclu qu’elle avait peu d’effets sur les comportements des consommateurs et qu’elle n’avait pas suffisamment incité les industriels à réduire les teneurs en sucres de leurs produits, en partie à cause de sa complexité avec ses 16 paliers. Le nouveau barème vise à simplifier cette structure pour une efficacité accrue. 

Dates clésChiffres clés
29 octobre 2024 : Dépôt de la proposition de loi visant à instaurer une taxe sur les boissons sucrées.456 millions d’euros : Montant des recettes générées par la « taxe soda » en 2022. 
5 novembre 2024 : Le gouvernement décide de ne pas soutenir l’amendement proposant une nouvelle taxe sur les produits sucrés transformés.17,4 % : Taux d’obésité en France en 2024, en hausse par rapport à 8,5 % en 1997.
5 novembre 2024 : Adoption de la révision de la « taxe soda » existante, introduisant un barème plus strict pour inciter les entreprises à réduire la teneur en sucre de leurs boissons.20 % des adultes et 25 % des adolescents : Proportion de la population française dépassant la consommation recommandée de 100 g de sucres par jour.

Au-delà de la fiscalité, d’autres mesures sont envisagées pour lutter contre la surconsommation de sucre. Des campagnes de sensibilisation, notamment dans les écoles, sur les risques liés à une consommation excessive de sucre et sur le processus d’addiction qui commence dès le plus jeune âge, sont proposées. La distribution de chèques alimentaires réservés à l’achat de produits sains est également suggérée pour encourager des habitudes alimentaires plus équilibrées. Les recettes générées par les taxes existantes sont destinées à l’Assurance Maladie afin de financer ces initiatives de prévention et d’information.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’utilisation de la fiscalité nutritionnelle comme outil pour lutter contre les maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation, telles que le diabète de type 2, l’obésité ou l’hypertension. Plusieurs pays ont déjà mis en place des taxes similaires, principalement sur les boissons sucrées, avec des résultats encourageants en termes de santé publique.  En France, le débat sur la taxation des produits sucrés met en lumière les tensions entre les impératifs de santé publique et les préoccupations économiques et sociales. La nécessité de réduire la consommation de sucre est largement reconnue, mais les moyens d’y parvenir font l’objet de discussions intenses parmi les décideurs politiques et les parties prenantes de la société civile.

Un enjeu de santé publique et de justice sociale

L’instauration d’une taxe sur les boissons sucrées en France s’inscrit dans une dynamique mondiale où de nombreux pays ont déjà adopté des mesures similaires. Le Mexique, pionnier en la matière, a introduit une taxe en 2014, aboutissant à une baisse de 7,6 % de la consommation de sodas dès la première année. Au Royaume-Uni, où une taxe progressive est en place depuis 2018, plus de la moitié des industriels ont réduit la teneur en sucre de leurs produits avant même son entrée en vigueur, selon un rapport du Trésor britannique. Ces exemples démontrent qu’une politique fiscale bien conçue peut influencer les comportements des consommateurs et des fabricants.

Mais en France, la question des inégalités sociales reste au cœur du débat. Selon une étude de l’Observatoire des inégalités, les boissons sucrées et les aliments ultra-transformés sont plus consommés par les foyers aux revenus modestes, pour des raisons de prix et d’accessibilité. Une taxe supplémentaire pourrait donc, selon certains critiques, pénaliser davantage les populations les plus précaires sans offrir d’alternative viable. C’est pourquoi d’autres stratégies sont mises en avant. L’éducation alimentaire dès le plus jeune âge est perçue comme un levier clé : le gouvernement envisage d’introduire des modules obligatoires sur la nutrition dans les écoles primaires et secondaires. Des campagnes de prévention, inspirées de celles menées contre le tabac, pourraient également être renforcées, avec des messages d’alerte sur les dangers du sucre.

Les exemples du Mexique et du Royaume-Uni montrent qu’une fiscalité ciblée sur les boissons sucrées peut entraîner une diminution de la consommation.

L’État explore aussi l’idée des chèques alimentaires dédiés aux produits sains, destinés aux ménages modestes. Inspiré d’un programme existant aux États-Unis – le « Supplemental Nutrition Assistance Program » (SNAP) – ce dispositif permettrait aux bénéficiaires d’acheter des fruits, légumes et produits non transformés à moindre coût, afin d’équilibrer l’impact d’une fiscalité sur les produits sucrés. L’un des arguments en faveur de la taxation des boissons sucrées est son potentiel financier pour le système de santé. Les maladies liées à une consommation excessive de sucre, comme le diabète de type 2 et la NASH (stéato-hépatite non alcoolique), pèsent lourdement sur les comptes de l’Assurance Maladie.

Selon une estimation de la Cour des comptes, le coût des maladies chroniques liées à l’alimentation s’élève à près de 20 milliards d’euros par an. L’extension d’une taxe nutritionnelle permettrait non seulement de réduire ces coûts à long terme, mais aussi de financer des programmes de prévention et de recherche médicale.

L’industrie agroalimentaire ne cède rien

Une analyse de la Direction Générale du Trésor indique que la réforme de la « taxe soda » pourrait générer environ 600 millions d’euros de recettes annuelles, soit une augmentation de 30 % par rapport aux 456 millions d’euros de 2022. Ces fonds pourraient être directement réinjectés dans le système de soins, notamment pour le remboursement des consultations diététiques ou la mise en place de structures d’accompagnement à la transition alimentaire pour les publics vulnérables.

Face à ces perspectives, les industriels du secteur agroalimentaire restent farouchement opposés à une extension de la taxe sur les produits sucrés. La Fédération nationale des boissons rafraîchissantes (FNBRA) alerte sur un risque de perte de compétitivité et d’augmentation des prix pour les consommateurs.

Les coûts liés aux complications du diabète de type 2 représentent plus de 9 milliards d’euros par an pour l’Assurance Maladie, un chiffre en hausse constante ces dix dernières années.

Les producteurs mettent en avant un argument économique : une telle fiscalité pourrait entraîner une baisse de la demande, impactant l’emploi dans le secteur. Certains rappellent que la « taxe soda » en vigueur a déjà conduit certaines entreprises à réduire leur production ou à reformuler leurs produits en diminuant la teneur en sucre. Dans une tentative de compromis, plusieurs marques ont commencé à proposer des alternatives réduites en sucre ou enrichies en édulcorants, une approche qui, cependant, suscite un autre débat : celui de l’impact des édulcorants sur la santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment mis en garde contre la consommation excessive d’édulcorants artificiels, soupçonnés d’avoir des effets indésirables sur le métabolisme.

Le gouvernement cherche donc une solution équilibrée : encourager les industriels à réduire les sucres tout en limitant les effets d’une taxation sur les consommateurs les plus vulnérables. Certains parlementaires proposent un dispositif d’accompagnement pour les entreprises agroalimentaires qui investiraient dans des recherches sur des formulations plus saines, afin de transformer progressivement le marché sans provoquer de chocs brutaux.

Crédit photo : Victor Velter ShutterStock

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Deux ans après la légalisation du cannabis thérapeutique, le Maroc a lancé en juillet 2023 ses premières exportations de cannabis à usage médical vers la Suisse. Bien que symbolique, cette première opération de 177 000 euros montre l’ambition de Rabat de s’imposer sur un marché européen en pleine croissance, avec pour objectif une part de marché de 10 à 15 %. Un potentiel que le Maroc, déjà leader de la production de résine de cannabis, entend exploiter pour dynamiser son économie.

Du Rif aux marchés européens : une ambition assumée

Le lancement des ventes légales de cannabis thérapeutique marque un tournant stratégique pour le Maroc, suite à l’adoption de la loi 13-21 en 2021, autorisant la culture, la production et la commercialisation du cannabis à des fins thérapeutiques, cosmétiques et industrielles. Avec cette nouvelle législation, le gouvernement marocain entend permettre aux cultivateurs de la région du Rif de passer d’une production illicite à une activité légale, encadrée et rémunératrice. Historiquement ancrée dans cette région montagneuse du nord du pays, la culture du cannabis concerne environ 23 000 tonnes d’herbe et 800 tonnes de résine chaque année.

Dates ImportantesChiffres Clés
2021 : Adoption de la loi 13-21 autorisant la culture, production et commercialisation du cannabis à usage médical, cosmétique et industriel.177 000 euros : Valeur de la première exportation de cannabis thérapeutique marocain vers la Suisse en juillet 2023.
Juillet 2023 : Lancement des premières exportations légales de cannabis médical vers la Suisse.23 000 tonnes : Quantité annuelle de cannabis herbe produite au Maroc, majoritairement dans le Rif.
2023 : L’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) délivre 609 autorisations.14 milliards de dollars : Valeur du marché américain du cannabis médical en 2023, leader mondial.
2023 : Production légale de cannabis au Maroc atteint 296 tonnes, marquant une transition vers un marché formel.21 pays : Nombre de pays européens ayant légalisé l’usage médical du cannabis en 2023.
2024 : Expansion des surfaces cultivées légalement de 300 à 3 000 hectares.75 milliards USD : Valeur estimée du marché mondial du cannabis médical d’ici 2029.

L’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) a été créée pour superviser cette transition, assurant la qualité et la conformité des produits aux normes internationales. Des initiatives de soutien aux agriculteurs sont mises en place, avec une offre de formations techniques et de soutien logistique. Grâce à cette organisation, le Maroc peut capitaliser sur son savoir-faire tout en ouvrant la voie à une économie légale et formalisée. Ce nouveau cadre législatif permet de structurer la filière du cannabis dans des zones précises, où cette activité représente un pilier économique pour les familles.

Un marché mondial en expansion et un potentiel de diversification

Le marché mondial du cannabis médical connaît une croissance rapide, avec une valeur estimée à 75 milliards de dollars d’ici 2029. En 2023, les ventes de cannabis thérapeutique représentaient 19 milliards de dollars, dominées par les États-Unis avec 14 milliards de dollars. Sur le marché européen, l’essor des politiques de légalisation offre des perspectives intéressantes pour le Maroc : en 2023, vingt-et-un pays européens ont légalisé l’usage médical du cannabis. 

La Suisse, premier pays à recevoir du cannabis médical marocain, pourrait n’être que la première étape d’une expansion plus vaste. Grâce à des structures de contrôle et des certifications de qualité, le Maroc vise à convaincre d’autres partenaires européens. Le Rif, avec ses conditions climatiques favorables et son expertise agricole, bénéficie désormais d’un cadre légal pour répondre aux exigences d’un marché médical de plus en plus régulé. Le potentiel de cette industrie pour le Maroc ne se limite pas aux exportations : les débouchés locaux en usage thérapeutique et cosmétique devraient également se développer, offrant un soutien supplémentaire à l’économie nationale.

Crédits photo : alaricwanderer Flinkr

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Comment expliquer la persistance des inégalités sociales au Maroc malgré son essor économique ?

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Comment expliquer la persistance des inégalités sociales au Maroc malgré son essor économique ?

Depuis son accession au trône en 1999, le roi Mohammed VI a entrepris d’importantes réformes économiques et sociales, plaçant le Maroc sur la voie du développement. Selon la Banque mondiale, la croissance du PIB du Maroc est passée de 1,7 % en 1999 à 3,2 % en 2023. Malgré cet essor, les inégalités sociales demeurent préoccupantes. Le fossé entre les riches et les pauvres continue de se creuser, faisant ainsi du Maroc le pays le plus inégalitaire d’Afrique du Nord. En 2020, l’indice de Gini y était de 38,5, mettant en lumière les limites de certaines réformes dans un contexte où l’éducation et les infrastructures demeurent des défis majeurs.

Modernisation et croissance : les fruits de réformes structurelles

Dès son arrivée au pouvoir, Mohammed VI lance des initiatives de modernisation pour attirer les investissements étrangers et renforcer l’économie marocaine. La Banque africaine de développement (BAD) estime que le Maroc connaîtra une croissance de 3,3 % en 2023-2024, en partie grâce à la diversification économique et aux vastes projets d’infrastructures. Les investissements directs étrangers ont bondi de 48,6 % entre avril 2023 et avril 2024, avec des projets emblématiques comme la ville industrielle Tanger Tech et le port de Tanger Med, aujourd’hui le plus performant d’Afrique selon l’indice de la Banque mondiale.

Dates ImportantesChiffres Clés
1999 : Mohammed VI accède au trône et lance des réformes économiques et sociales.183 % : Augmentation du PIB marocain, passé de 46,27 milliards $ en 1999 à 130,91 milliards $ en 2022.
2020 : L’indice de Gini pour le Maroc est mesuré à 38,5, le plus élevé en Afrique du Nord.3,2 % : Croissance du PIB marocain en 2023 selon la Banque mondiale.
2023 : Le Maroc accueille 14,5 millions de touristes, soit une hausse de 34 % par rapport à 2022.35,9 % : Taux de chômage chez les jeunes de 15 à 24 ans en 2024.
2006 : 96,5 % de la population marocaine a accès à l’électricité, une couverture étendue depuis à l’ensemble du pays.64 % : Proportion des habitants ruraux ayant accès à l’eau courante en 2024, contre 100 % en zones urbaines.
2024 : La Banque africaine de développement prévoit une croissance de 3,3 % grâce aux investissements et aux infrastructures.48,6 % : Augmentation des investissements directs étrangers entre avril 2023 et avril 2024.

Sur le plan des infrastructures, les efforts de modernisation du pays sont visibles avec l’extension des réseaux d’autoroutes et de lignes de trains à grande vitesse, ainsi qu’avec la construction de nouveaux aéroports. Ces initiatives ont contribué à l’augmentation du tourisme : en 2023, le Maroc a accueilli 14,5 millions de visiteurs, une hausse de 34 % par rapport à 2022. Cependant, cette modernisation n’a pas permis de réduire les disparités sociales.

Inégalités persistantes : éducation et chômage des jeunes

Les bénéfices de la croissance économique ne se sont pas traduits par une amélioration significative de l’égalité sociale. Depuis les années 1980, l’indice de Gini, mesurant les inégalités, est resté stable autour de 38,5, bien au-dessus de la Tunisie, par exemple, qui a vu son indice passer de 43,4 en 1985 à 32,8 en 2015. Le système éducatif, en particulier, représente un point de blocage majeur : le manque de continuité dans l’enseignement public et les faibles ressources allouées poussent les familles aisées vers des écoles privées, renforçant les disparités.

Les conséquences de ces inégalités se répercutent sur les jeunes générations : le chômage parmi les 15-24 ans atteignait 35,9 % en 2024. Cette exclusion éducative résulte souvent de contraintes économiques qui obligent les familles défavorisées à faire travailler leurs enfants dès le plus jeune âge. Ces conditions limitent l’ascension sociale, d’autant que le marché du travail reste en difficulté, avec une croissance économique freinée par des crises mondiales et des chocs internes comme les sécheresses.

Les inégalités sont aussi géographiques, marquant un contraste entre zones urbaines et rurales. Si 96,5 % de la population marocaine avait accès à l’électricité en 2006, et que l’ensemble du pays en bénéficie aujourd’hui, seuls 64 % des habitants en zones rurales disposent de l’eau courante. Cet écart d’accès aux services de base renforce les disparités régionales, où le développement reste inégal.

Crédits photo : Morocco المغرب Maroc Flinkr

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En Italie, la fin du revenu de citoyenneté creuse les inégalités socio-économiques

En quoi la suppression du revenu de citoyenneté en Italie aggrave-t-elle les inégalités socio-économiques ?

En Italie, la fin du revenu de citoyenneté creuse les inégalités socio-économiques

En quoi la suppression du revenu de citoyenneté en Italie aggrave-t-elle les inégalités socio-économiques ?

Depuis le 1er janvier 2024, le gouvernement de Giorgia Meloni a supprimé le revenu de citoyenneté, une aide qui permettait aux familles italiennes les plus précaires de vivre dignement. En quelques mois, des milliers d’Italiens se retrouvent dans une situation de précarité accrue.

Une mesure sociale essentielle supprimée au nom de l’austérité

Créé en 2019 par le gouvernement de Giuseppe Conte, le revenu de citoyenneté (reddito di cittadinanza, RdC) était destiné aux Italiens les plus démunis. Cette aide, similaire au RSA en France, permettait à un ménage de quatre personnes de percevoir plus de 10 000 euros annuels, un soutien précieux pour les familles vulnérables. En 2023, le gouvernement Meloni a mis fin à cette aide, annoncée par SMS, invoquant la nécessité de réduire les dépenses publiques. Pourtant, le coût du RdC représentait seulement 0,2 % du PIB italien, soit environ 3 milliards d’euros.

Dates ImportantesChiffres Clés
2019 : Introduction du revenu de citoyenneté (RdC) par le gouvernement de Giuseppe Conte pour soutenir les familles précaires.10 000 euros : Montant annuel perçu par un ménage de quatre personnes grâce au RdC.
2023 : Le gouvernement de Giorgia Meloni annonce la suppression du RdC par SMS, invoquant des réductions budgétaires.0,2 % du PIB : Coût annuel du RdC pour l’Italie, soit environ 3 milliards d’euros.
1er janvier 2024 : Mise en œuvre officielle de la suppression du RdC, remplaçant l’aide par un « chèque d’inclusion ».56 % : Proportion des pauvres italiens n’ayant pas bénéficié du RdC en raison de méconnaissance ou de barrières administratives.
2024 : Les familles du sud de l’Italie sont les plus touchées par la suppression, où 11,6 % de la population bénéficiaient du RdC contre seulement 1,7 % dans le nord.1 million : Nombre de bénéficiaires ayant vu leur niveau de vie s’améliorer grâce au RdC avant sa suppression.
2023-2024 : Remplacement progressif par le « chèque d’inclusion », jugé insuffisant par de nombreux économistes.11,6 % vs. 1,7 % : Écart de dépendance au RdC entre les régions du sud et du nord de l’Italie.

Cette suppression est vivement critiquée, car selon l’Istat, l’institut national de statistique italien, un million de personnes bénéficiaient d’une amélioration notable de leur niveau de vie grâce au RdC. La sociologue Nunzia De Capite souligne que cette mesure aurait pu aider davantage d’Italiens dans le besoin, 56 % des pauvres n’y ayant pas accès par méconnaissance du système. Avec sa suppression, la précarité menace de se propager, notamment dans les régions du sud de l’Italie, historiquement plus vulnérables économiquement.

La fin du revenu de citoyenneté plonge de nombreuses familles italiennes dans la précarité.

Un impact social qui exacerbe les inégalités nord-sud

Pour l’économiste Michele Raitano, la suppression du RdC reflète une politique de « discipline » visant particulièrement les populations du Sud, où 11,6 % des habitants dépendaient de cette aide, contre seulement 1,7 % dans les régions riches du Nord comme la Lombardie. Les familles du Sud, davantage exposées à la pauvreté extrême, se retrouvent maintenant plus dépendantes des œuvres caritatives pour survivre. Le chèque d’inclusion, une aide sociale mise en place pour remplacer le RdC, est insuffisant pour combler la perte et n’offre pas le même soutien financier.

Alors que l’aide pour les plus démunis disparaît, le gouvernement Meloni a favorisé des réformes fiscales telles que la flat tax, particulièrement avantageuse pour les foyers les plus riches. Cette mesure soulève des critiques quant à l’aggravation des inégalités en Italie. Thomas Piketty, économiste français, rappelle que ce choix politique risque de transformer les progrès sociaux en « compromis précaires et instables », fragilisant davantage les classes populaires italiennes.

L’Italie abolit le revenu de citoyenneté mais maintient la flat tax, un choix qui accroît les inégalités.

Ainsi, la suppression du RdC symbolise une orientation politique qui privilégie l’austérité au détriment de la solidarité. Pour les familles modestes, particulièrement dans les régions les plus pauvres, ce changement marque un retour à une précarité où la pauvreté devient une réalité quotidienne difficile à surmonter.

Crédits photo : U.S. Army photo by Elizabeth Fraser / Arlington National Cemetery Flinkr

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En janvier 2024, le Royaume-Uni a entamé la mise en œuvre du Border Target Operating Model (BTOM), un dispositif de contrôle aux frontières qui adapte les droits de douane au contexte post-Brexit.

Des contrôles renforcés : des coûts supplémentaires pour les exportateurs européens

Quatre ans après la sortie officielle du Royaume-Uni de l’Union européenne, le BTOM impose de nouvelles obligations aux exportations européennes. Depuis le 31 janvier, les exportateurs de viande, poisson et produits laitiers doivent fournir des certificats sanitaires validés par un vétérinaire. Ces contrôles impliquent des coûts et des procédures additionnelles, rendant plus complexe l’exportation vers le Royaume-Uni. Les certificats, qui nécessitent des tests sanitaires rigoureux, visent à garantir la sécurité des produits entrant sur le territoire britannique.

Dates ImportantesChiffres Clés
Décembre 2020 : Signature de l’accord de commerce post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.170 millions de livres : Pertes économiques estimées pour le secteur agroalimentaire britannique depuis l’accord de commerce de 2020.
31 janvier 2024 : Mise en œuvre officielle du Border Target Operating Model (BTOM), imposant de nouvelles obligations aux exportateurs européens.17 % : Réduction des exportations britanniques vers l’Union européenne depuis 2020.
2023 : Rapport de NIESR sur l’impact économique du Brexit, signalant une contraction durable de l’économie britannique.15,8 % : Diminution attendue des importations du Royaume-Uni d’ici 2035 selon Cambridge Econometrics.
2024 : Adaptation des exportateurs européens aux nouvelles exigences sanitaires pour les produits alimentaires.4,6 % : Réduction attendue des exportations britanniques vers l’Union européenne d’ici 2035.
2024 : Évaluation des pertes commerciales cumulées depuis le Brexit.2 à 3 % : Diminution du produit intérieur brut (PIB) britannique depuis la sortie de l’UE.

Ces nouvelles réglementations ne sont toutefois qu’une adaptation des mesures déjà imposées par l’UE aux exportations britanniques depuis la signature de l’accord de commerce de décembre 2020. Ce dispositif a lourdement impacté le secteur agroalimentaire britannique, coûtant près de 170 millions de livres au Royaume-Uni et réduisant de 17 % ses exportations vers l’UE, selon The Guardian. À présent, les pays européens doivent également faire face à des coûts accrus, faisant craindre une baisse des échanges commerciaux avec le Royaume-Uni, dans un contexte déjà marqué par les défis économiques du Brexit.

Un impact économique durable et des perspectives incertaines

Les conséquences économiques du Brexit, déjà significatives, continuent de se faire sentir. Le National Institute of Economic and Social Research (NIESR) estime que le Produit Intérieur Brut du Royaume-Uni a diminué de 2 à 3 % depuis sa sortie de l’UE, et un rapport de Cambridge Econometrics prédit une baisse continue des importations (-15,8 %) et des exportations (-4,6 %) d’ici 2035. Ce constat s’inscrit dans une tendance plus large de “dépression permanente du commerce” entre le Royaume-Uni et l’UE, comme l’indique John Springford du Centre for European Reform.

Ce bilan, négatif sur le plan économique, pose la question de la résilience britannique face aux défis du Brexit. En renforçant ses frontières et en rendant l’accès aux produits européens plus complexe, le Royaume-Uni privilégie l’indépendance commerciale, mais au prix d’une baisse de compétitivité et d’une réduction des échanges qui affecte directement les entreprises locales et les consommateurs.

Le BTOM illustre la difficulté pour le Royaume-Uni de concilier ses objectifs de souveraineté avec les impératifs économiques du commerce international. Ce modèle de gestion des frontières pourrait ralentir encore plus les échanges entre le Royaume-Uni et l’Europe, aggravant une fracture commerciale qui, loin de profiter aux Britanniques, risque de les affaiblir économiquement sur le long terme.

Crédits photo : Amani A Shutterstock

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